Mon départ chez ma sœur
Deux semaines après l'enterrement de papa, ma mère et moi ne pouvions plus vivre dans la maison que mon père a construite à la sueur de son front. Les membres de la famille de mon père sont venus nous jeter à la porte. Maman et moi sommes parties de la maison en larmes.
Ces gens, on dirait que c'était dans le but d'accaparer le bien de mon père qu'ils lui ont donné la mort sinon, comment nous mettraient-ils à la porte alors que le cadavre de papa était encore tout humide en terre ?
Maman, ne sachant où me traîner, m'emmena dans la maison de sa mère. Ça faisait très longtemps qu'on avait vécu dans une case. Lorsque papa avait acheté une parcelle et avait construit une belle maison là-dessus, on avait oublié en moins de quelques, les souvenirs d'une chambre en argile et en paille. Mais là, les circonstances de la vie nous ont encore ramenées à notre point de départ.
Maintenant que vous avez lu beaucoup de choses de mon père, laissez-moi entrer en la matière.
***
On m'appelle Fidélia. J'ai onze ans. Je n'ai plus besoin de vous dire que je suis orpheline sinon, je le suis. Papa est fraîchement mort. Il n'est pas polygame. Je ne suis non plus sa seule fille ; nous en sommes deux. Je suis la cadette de la famille. Ainsi, j'ai une grande sœur qu'on appelait Idelphonsia. Si je n'ai pas parlé d'elle dans le chapitre précédent, c'est parce qu'elle ne vivait plus avec nous, dans la maison de mon père. Vous vous demanderiez comment est-ce que cela est arrivé. C'est parce que Idelphonsia, très tôt, était allée goûter au pénis d'un homme. Après l'avoir goûté, elle a choppé une grossesse. Et puisque la maison de papa n'était pas un accueil de mère porteuse, papa l'a mise à la porte et elle a rejoint l'auteur de sa grossesse. L'imbécile qui l'a mise enceinte voulait nier la grossesse et mon père, moins-un, voulait le jeter derrière les barreaux et très vite, il a accepté la paternité. Voilà comment Idelphonsia est partie de la maison de mon père pour regagner le toit de son amoureux. La réaction de papa l'avait tellement énervée si bien que quand papa gardait le lit, elle ne nous a jamais rendu visite et ma mère non plus ne lui a jamais fait ce reproche-là. Quelquefois quand j'aborde le sujet de ma grande sœur, maman se fâche et me dit qu'elle ne veut pas m'entendre appeler son prénom ou parler d'Idelphonsia à ses côtés. Maman était en colère avec ma grande sœur pour sa réaction inhumaine vis-à-vis de papa. Elle est restée loin de papa faisant semblant de ne rien connaître au sujet de sa maladie. Mais chose étrange ! Quand papa est mort, elle est venue pleurer pour son départ éternel.
En effet, papa est mort et maman et moi, n'ayant où aller, nous avons regagné la maison de ma grand-mère, mère à ma mère. Grand-mère, pour manger, se débrouillait. C'était grâce à la fortune de papa qu'elle vivait une vie heureuse. Quand papa était vivant, maman lui envoyait beaucoup d'argent pour s'entretenir parce qu'on en avait en quantité. Papa aussi lui envoyait sa part. Disons que mémé était heureuse parce qu'elle mangeait pleinement à sa faim. Mais depuis que les choses ont tourné autrement, la mauvaise vie avait commencé avec elle aussi.
J'étais assise dans la chambre, pensant à ma nouvelle condition de vie. Autrefois, j'allais à l'école. J'étais en classe d'examen quand notre vie a perdu son sens qui nous égayait de joie. Orpheline de père, je me demandais ce que me réservait mon avenir. Continuer n'était plus mon souci parce qu'il n'y avait personne pour me secourir. Hier, j'étais fille d'un grand riche mais aujourd'hui, j'étais celle d'un pauvre et en plus, d'un pauvre qui n'existe plus. Je pleurais dans la chambre parce que je voyais mon avenir foulé. Oui, il n'y avait plus d'espoir. Que pouvait ma mère exceptée des moyens ? Rien ! Ma grand-mère, pouvait-elle quelque chose ? Nada.
J'ai pleuré et ai pleuré encore. Me rappelant du voyage éternel de mon père, j'ai pleuré toute la journée.
***
Deux mois plus tard.
C'était le soir et j'étais dans la cour de la maison de ma grand-mère. Assise sous le manguier, j'avais la tête calée contre de l'arbre. Des yeux fermés, je revivais mon passé ; ce passé que je ne revivrais plus jamais. Je pleurais sans m'en rendre compte. Je m'en rendis que lorsque j'entendis une voix m'interpeler. Je sursautai de ma rêverie et fixai mon interlocuteur.
– Pourquoi pleures-tu ? répartit ma mère.
Je balayai mon visage de la main droite et me surpris en larmes.
– Dis-moi pourquoi tu pleures ? reprit-elle.
– Je ne pleure pas.
Ma réponse surprit ma mère qui m'approcha de plus près.
– Attends, Fidélia, tu es en train de perdre la raison ?
– Non, maman.
– Et pourquoi je te surprends en train de pleurer et tu me dis encore que tu ne pleures pas ?
– Mais maman, c'est vrai que je ne pleure pas !
Ma mère me tourna le dos et attrapa sa tête entre les deux mains. Debout surplace, elle sautait parce qu'elle ne savait comment me réconforter.
– Fidélia, viens s'il te plaît, me murmura-t-elle.
Je me levai et tranquillement, j'allai me caler dans ses bras. Elle m'encercla de ses deux mains et me murmura dans les oreilles : ça ira un beau jour.
Tout doucement, elle me traîna jusqu'à la case. Ma grand-mère était couchée dans son tara et pensait sûrement à la vie.
Ma mère me fit asseoir sur un petit tabouret et en tira un autre.
– Ma chérie Fidélia, la vie est ainsi faite. Personne, je te dis, personne ne sait ce que lui réserve l'avenir. Même le plus élancé du monde ne peut jamais voir l'avenir. Tout ceci qui nous est arrivé, ce n'est pas quelque chose venant de Dieu ; c'est bien sûr l'homme qui est derrière tout ceci. Je voudrais que tu sois heureuse de ta vie. Tu devras être heureuse parce que tant que tu as la santé, sache que tout le reste viendra. Tu pleures pour ton père. Moi aussi, je n'ai pas arrêté de pleurer pour lui. Mais je voudrais que tu t'abstiennes des pleurs, d'accord ? Nous ne sommes pas les seules contraintes à ce genre de situation. Ils nous ont fait mal en nous rendant pauvre avant de tuer ton père mais ne t'inquiète pas, tout reviendra dans les normes.
Ma mère se calma avant de continuer.
– Je voyage demain. Même si c'est de l'eau, j'irai vendre dans le plus grand marché de Cotonou pour subvenir à tes besoins et à ceux de ta grand-mère. Je voudrais que tu sois sage avec ta mémé. Je vous enverrai de l'argent de temps en temps. Je ne veux pas que ta grand-mère me téléphone et me dise que tu ne lui obéis pas. Sois sage, Fidélia. Voilà qu'à douze ans, tu as déjà poussé les seins. Avec tes seins et ta corpulence, on te croirait à une jeune fille de quinze ans. Tout ceci est arrivé à cause de ton régime alimentaire. Tu mangeais des repas gras et ton corps, très tôt, a profité des diverses vitamines cachées dans ces aliments pour te donner cette belle corpulence. Les hommes croiront que tu es déjà une grande fille et à cause de tes fesses bien assorties, les mamelons de tes seins bien pointus, ils chercheront à te courir après. Ma chère Fidélia, ne te laisse pas avoir par ces garçons du quartier qui n'ont rien que du pénis. Observe un peu ta grande sœur ; au moins elle, elle avait eu dix-sept ans avant de tomber enceinte. Aujourd'hui, elle est bien placée parce qu'elle a eu la chance de tomber sur un bonhomme. Voilà pourquoi elle ne craint rien et ne m'importune non plus. Si tu patientes, toi aussi, tu tomberas sur de bonne personne qui te sera prêt à tout pour toi. Ne sois pas pressée, ma chérie Fidélia. Je m'en vais mais n'oublie pas que je reviendrai. Je ne partirai pas pour l'éternité. Pour cela, reste sage jusqu'à mon retour.
Ma mère me parlait encore lorsque son téléphone commença à vibrer avant de commencer à lâcher petit à petit, la sonorisation.
– C'est ta sœur qui appelle, laisse-moi lui répondre.
– Ok, maman, répondis-je.
Ma mère appuya sur un petit bouton et activa le haut-parleur du téléphone.
– Allô ma chérie Idelphonsia ?
– Oui maman, bonsoir !
– Comment se porte ton petit garçon ?
– Il va bien, maman !
– Je suis très contente de ton appel. Je suis ici avec ta sœur. Nous sommes en train de parler.
– Wouah, c'est très bien. C'est à cause d'elle que j'ai appelé.
– Vraiment ?
– Si ! Je viendrai la chercher et elle viendra vivre avec moi. Comme ça, tu seras un peu libre.
– Merci infiniment, ma chérie. Je voyage demain et pour une sagesse assurée, j'étais en train de lui léguer des conseils.
– Mine de rien, maman, je viendrai la chercher demain.
– Ça me fera énormément plaisir.
– Tenez-vous tranquille, maman ! Comment se porte mémé ?
– Elle va bien.
– D'accord, en venant, je lui apporterai de belles surprises.
– Merci ma chérie.
– Au revoir maman.
– À très bientôt, ma fille.
Et ma mère raccrocha l'appel. Elle me fixa ensuite du regard et emportée d'une grande émotion de joie, elle m'attrapa et me serra contre elle.
– Ta vie va changer au nom Puissant de l'Éternel, me dit-elle.
Et c'est vrai, ma vie allait changer. Mais, le problème était que le mari de ma sœur allait devenir le bouffeur de mon cul.
Que les prophètes, évangélistes et pasteurs s'abstiennent de la suite de mon histoire car, ça va bader fort !