CHAPITRE 3

**Raïssa Rayana**

- Raïssa, rejoins l'autre équipe dans la salle des urgences, me dit le Docteur Vincent.

- D'accord monsieur, répondis-je en enfilant mes gants précipitamment...

- Attends... tu sais pourquoi je t'envoie là-bas ?

- Pour travailler bien sûr...

- Parce que j'ai foi en ta capacité, faites-moi le rapport après...

- D'accord monsieur !

Je sors de son petit bureau, parfois les gens exagèrent avec des compliments sur moi, en commençant par mon père à la maison et cela jusqu'ici au boulot, qu'est-ce que j'ai de plus spécial que tout le monde ? Tchrrrr !

J'arrive dans la salle des urgences, tous les médecins sont en mouvement, les gants déjà enfilés, je m'approche de plus près...

- Raïssa, dis au docteur de venir voir ça...

- Qu'est-ce que c'est ?

- Ce cas est un peu compliqué, la maman ne survivra pas, Dit Gaston, un collègue.

- Comment ça ? Et son bébé ?

- Le bébé vit encore, il y a peut-être une chance pour lui au moins...

- Jésus-Maria-Joseph ! m'exclamai-je

Je n'ose pas vérifier ce qu'il me dit, je ne supporte jamais ce genre des choses, je suis trop sensible moi, je cours vers le bureau du docteur Vincent, je lui explique la situation et ensemble nous nous dirigeons dans la salle où était la patiente...

La patiente est grosse et sa grossesse est presqu'à son terme, elle a eu un malaise cet avant-midi, j'étais concentrée sur un autre patient quand on l'a emmenée ici.

Le docteur consulte la femme sous le coma et revient vers moi pour me dire d'appeler la famille de la patiente, je vais voir une femme qui est assise dans la salle d'attente qui, semble impatiente d'apprendre les nouvelles de sa fille ou sa soeur je ne sais rien...

- Bonjour madame !

Elle sursaute comme par surprise...

- Bonjour, comment va-t-elle ? elle va se rétablir ? elle ira bien ?

- Calmez-vous madame, qui est-elle pour vous ?

- C'est ma belle-fille...

- Où est son mari ?

- Au boulot... S'il vous plaît, dites-moi qu'elle ira bien ohh !

- Ouais ! elle ira bien, calmez-vous... Vous avez le numéro de son homme ? donnez-le moi, il doit venir immédiatement...

- Oui, j'en ai...

Elle me passe un numéro que je vais donner au chargé de la télécommunication pour appeler toute suite, c'est vite fait car nous n'avons pas de temps à perdre, cette femme risque de mourir avec l'enfant dans ses entrailles, il faut qu'on réussisse à sauver au moins une vie, soit celle de la maman soit celle du bébé, nous sommes censés le faire vraiment...

Je reviens dans la salle des urgences, je peux lire la frustration dans les yeux du docteur Vincent, il ne veut jamais des morts dans sa Clinique, moi non plus je ne le veux pas, la femme immobile dans ce lit me fait trop penser à ma cousine Pauline, elle est morte après un long moment sous le coma, j'ai plein de noirs souvenirs moi...

**Docteur Vincent**

Nous attendons depuis plus d'une heure le mari de la femme sous le coma, comment un homme peut être idiot jusqu'à ce niveau ? on t'appelle pour une urgence qui concerne ta propre femme mais tu musardes si c'est où au lieu de te dépêcher ! Il faut qu'on agisse sans son accord, je n'ai pas le choix...

- Passons à l'ultime partie, la césarienne ! ordonnai-je.

- Quoi ? monsieur...

- Nous n'avons plus de choix Raïssa...

- Mais son mari devrait être là pour donner son accord hein ! réplique Raïssa.

- Où est-il ce salaud ? c'est depuis combien d'heures que nous l'attendons ? que suggères-tu ? que nous laissions la femme mourir avec son bébé ? hein ?

Parfois cette Raïssa m'énerve avec sa logique qu'elle veut appliquer partout comme ça...

Ils exécutent à l'ordre et se mettent au travail malgré eux, je ne dois pas être dans cette humeur, ils conduisent le corps inanimé dans la salle d'opération, je retourne d'abord dans mon bureau, histoire de rafraichir ma tête...

J'enlève mes gants et allume ma petite télévision attachée au mur...

#30_Minutes_après

Dans un journal, à la télévision :" un accident a eu lieu sur le boulevard Kasavubu tout à l'heure, d'après les témoignages, il s'agit de monsieur Freddy Tshita, le directeur de cabinet du gouverneur qui se rendait à la Clinique de Ngaliema où sa femme était aux urgences...."

Non ! c'est du n'importe quoi, cette femme est l'épouse de monsieur Freddy ? qu'à Dieu ne plaise ! ce n'est pas vrai... Non Non Nonnnnn ! ma tête va exploser d'ici peu...

- Monsieur, nous avons terminé l'opération, me dit un médecin qui entre dans le bureau.

- OK, je... J'arrive.

- Docteur, vous avez un problème ? demande-t-il.

- J'ARRIVE ! criai-je furieusement, ma tête a sauté...

- Désolé monsieur...

Il sort et referme la porte derrière lui, c'est hors ma déontologie ce que je fais mais je suis dépassé...

J'arrive dans la fameuse salle d'opération, je fais un effort surhumain de me retenir de couler les larmes car je suis perdu, complètement perdu.

- Monsieur, vous avez un problème ? me demande aussi Raïssa à son tour.

- Je suis vraiment navré, montrez-moi d'abord le bébé, où est-il ?

- On l'a emmené dans la maternité, c'est une prématurée... Mais qu'est-ce que vous avez docteur ?

- C'est grave Raïssa... La situation devient plus pire que vous ne pouvez pas l'imaginer....

- Quoi encore ?

- Son père aussi a eu un accident en se rendant ici, imaginez qui est le père de l'enfant... Freddy Tshita !

- Quoi ? Le direcab du gouverneur ?

- Oui...

**Fabien Bula** (Père de Raïssa)

Il est 21 heures passées de 10 minutes, Raïssa n'est toujours pas rentrée, c'est quoi ça ? je lui téléphone aussitôt ;...

- Allô papa.

- Raïssa, où es-tu ?

- Désolée papa, je voulais déjà te signaler que je passe nuit ici, nous avons...

- (L'interrompant) Pas question ! depuis quand ? Raïssa, tu rentres avant 30 minutes, je ne veux venir te tirer de là comme une gamine, dis à tes supérieurs que ton père a refusé l'idée de dormir en garde à la Clinique.

- Mais papa, je...

- Ferme ta bouche !

Je la raccroche au nez, TIENS ! ma fille à moi, passer nuit à la garde à la Clinique ? pourquoi ? pour de l'argent ? Impossible !

Je monte dans ma chambre en fureur, en tout cas si elle ose tarder là-bas elle verra ma colère, elle n'en a jamais vu une fois, je me montre toujours tendre à elle pour éviter de la frustrer mais la façon qu'elle veut me conduire je refuse...

#QUELQUES_MINUTES_PLUS_TARD

J'entends le bruit du moteur, elle est là, je descends au salon...

- Raïssa, qu'est-ce qui t'arrive ?

- Papa, je ne suis pas une gamine quand même ! passer nuit là-bas ne changera rien papa...(un peu neurveuse)

- Voilà où on est arrivé ! tu n'es plus une gamine, c'est vrai mais tu dois savoir que tu es encore chez tes parents, ton parent (plutôt)

- D'accord, ça suffit papa je suis là, (affichant un petit sourire au coin des lèvres)

- Explique-moi plutôt ce que tu faisais jusqu'à cette heure...

- (Déposant son sac à mains sur le sofa) je t'expliquerai ça après, j'ai trop faim...

- Moi aussi... Je t'attendais.

- Je sers alors (rire)

Avec cette fille c'est toujours pareil, on se comprend tous les deux, elle sait bien pourquoi j'ai refusé qu'elle passe nuit à la Clinique, je ne veux pas qu'on se joue de ma fille par ses collègues, dormir à la Clinique serait un penalty pour eux, une bonne occasion d'abuser d'elle.

Nous mangeons ensemble puis nous passons un temps à regarder un film français, après quoi elle monte dans sa chambre, je zappe alors les chaînes de télévision, je tombe sur une chaîne locale, je me contente de suivre le journal ; on parle d'un accident qui a eu lieu sur le boulevard, un nommé Freddy Tshita a trépassé sur place, c'est un homme d'État, je ne lui connais pas moi.

**Raïssa Rayana**

Je me réveille tout fatiguée, les événements d'hier me reviennent en tête, franchement c'était une journée très émouvante pour moi, j'ai eu du mal à contrôler mes émotions, j'ai pitié de la petite fille tout fragile, elle est née prématurée, ses deux parents sont morts comme s'ils s'étaient convenus, c'est grave !

Je me lève du lit tout doucement, je descends au salon où papa était assis en train de manger...

- (Lui taquinant) Depuis quand il mange déjà seul ?

- Oh ! je croyais que tu dormais encore, bien réveillée ?

- Oui, tu es trop matinal aujourd'hui...

- J'ai un petit entretien avec les comptables ce matin...

- Ils t'ont encore joué un mauvais tour c'est ça ?

- Nonnn ! (rire) raconte-moi alors, qu'est-ce qu'il y avait hier ?

- (Prenant place) on a eu une mort dans notre Clinique, une jeune femme est morte sous le coma alors qu'elle était prête à mettre au monde...

- Quoi ? et le bébé est aussi mort avec elle ?

- Non...

- Dieu soit loué, il faudra beaucoup d'efforts pour sa survie, sinon...

- Il le faudra vraiment, le bébé est d'abord prématuré...

- Oh la la la !

- Et pire encore, son papa aussi est mort à la même heure...

- Ah arrête de blaguer Raïssa,

- Pourquoi plaisanterai-je ? tu n'as suivi le journal d'hier ? son père se rendait à la Clinique après un appel de notre part, tellement qu'il était en vitesse, il a cogné une autre voiture dans un embouteillage et il est mort sur place...

- Bon Dieu ! pourquoi ça ? que c'est incroyablement triste ! j'ai suivi un journal hier avant de monter me coucher qui parlait d'un accident... C'est un homme d'État ?

- Oui, le direcab du gouverneur, bah ! je dois prendre une douche, tu m'attends ou tu pars ?

- Je pars, je t'ai dit que j'ai rendez-vous au boulot, et tu n'as pas fini de me narrer l'histoire...

- Tu seras en retard papa.

- Humm...

- Bonne journée dady.

Je me glisse dans la douche, après quelques minutes, je me suis déjà apprêtée pour le boulot.

**Blandine Niota** (Mère de Freddy Tshita)

Tout faible, je me réveille de mon lit, je n'ai même pas mangé la veille et je ne veux pas non plus manger, je préfère mourir, je vais me suicider Seigneur, mon fils, mon unique espoir et ma seule fierté n'est plus ? Dieu Tout-Puissant ! ne suis-je pas ta servante ? pourquoi moi ? tu acceptes que je souffre comme ça, comment m'en sortirai-je avec ce bébé prématuré ? ne suivra-t-il pas ses deux parents ? moi je ne survivrai pas, ce coup est plus fort que moi.