Bibliothèque
Français
Chapitres
Paramètres

8

                                    

                                          

Une semaine. Cela fait déjà une semaine que je ne vis plus. Je passe le plus clair de mon temps greffé à mon téléphone, à attendre des nouvelles de Bastien. Dimanche dernier, quand Mila était couchée, je me suis dépêché d'appeler mon meilleur ami. Je lui tout raconté d'une seule traite. Il a été aussi choqué que moi de savoir qu'Ariane était de retour et il s'est tout de suite inquiété pour ma fille. Je lui ai demandé de se renseigner sur elle, de vérifier si tout ce qu'elle m'avait dit était vrai. Il a consciencieusement noté tous les éléments que j'avais à ma disposition et m'a promis de jouer de sa position d'assistant juridique dans un cabinet d'avocat pour mener une petite enquête. Depuis, il me téléphone tous les soirs pour faire le point sur ses trouvailles. 

                      

Jusque là, je dois avouer qu'Ariane ne m'a pas menti. Elle travaille bien comme secrétaire médicale dans un cabinet regroupant trois praticiens, elle vit bien avec un homme nommé Alban et elle a bien suivi une cure de désintoxication il y a quatre ans. Il a également joué de ses relations pour vérifier son adresse et son casier judiciaire. Selon Bastien, elle mène la vie qu'elle m'a décrite. Mais il m'a promis de continuer à creuser et de faire encore appel à tous ceux qui pourraient l'aider à trouver une information compromettante, si elle existe.    

                      

Ces derniers jours, j'ai aussi beaucoup échangé avec Jacques et Annie. J'ai ressenti le besoin de leur parler, de me confier. Ils étaient aux premières loges lors du départ d'Ariane, ils ont eux aussi vécu la brutalité de sa disparition et les conséquences directes sur ma vie. Ils se sont montrés très soucieux. Annie s'inquiète beaucoup du sort de sa petite-fille de coeur. Jacques, moins expressif mais tout aussi préoccupé, m'a proposé de nous rendre visite dans quelques semaines. Ça m'a fait du bien de me sentir entouré. 

                      

Je n'ai pas été très studieux en début de semaine mais Holly ne m'en a pas tenu rigueur. Elle a insisté pour être présente pour moi, elle m'a demandé de la tenir informée, de lui dire tout ce qui me pesait, tout ce qui encombrait mon esprit. Je ne savais que c'était aussi salvateur de partager ses fardeaux. Mais elle m'a montré comment faire, elle m'a donné du temps, de l'espace et des mots. Tout un tas de mots qui m'ont rassuré, qui m'ont permis d'avancer un jour après l'autre. Qui m'ont permis d'arriver à aujourd'hui, ce dimanche matin où ma vie va changer. 

                      

J'ai décidé de parler à Mila. 

                      

Ariane s'est montrée patiente mais présente. Elle a fréquenté le pub tous les jours de la semaine, a attendu un signe de ma part sans me forcer la main. Elle était comme une ombre dont on ne peut se défaire mais à laquelle on s'habitue. J'ai essayé de la tenir à distance mais ma distance, elle n'en a pas voulu. Tous les jours, je l'ai observée attablée au pub, vêtue de vêtements sobres mais élégants. Je l'ai entendue parler au téléphone avec son petit-ami, je l'ai vue lire tranquillement des bouquins en savourant mes pâtisseries. Je l'ai regardée espérer silencieusement, m'implorer du regard. Et même si j'ai détourné les yeux à chaque fois, j'ai senti cette lame me transpercer le coeur. Parce que je voyais bien qu'elle n'avait rien à voir avec la fille qui est tombée enceinte il y a six ans. 

                      

Alors grâce à toutes les recherches qu'a fait Bastien, grâce à la sagesse d'Annie et au soutien d'Holly, j'ai choisi de parler à Mila et de lui avouer la vérité. 

                      

En attendant, je suis mort de trouille. 

                      

Hier soir, après mon service, Holly nous a rejoints et nous avons passé une douce soirée tous les trois. Elle n'a cependant pas dormi ici pour me permettre d'avoir une discussion à coeur ouvert avec ma fille sans que notre moment ne soit perturbé par sa présence. Même si je sais que son geste n'était guidé que par de bonnes intentions, je n'ai pas aimé lui dire au revoir au milieu de la nuit. J'aurais voulu la garder près de moi, la serrer entre mes bras et calquer ma respiration sur la sienne. Ainsi, peut-être aurais-je réussi à trouver le sommeil. Peut-être que le chatouillement de ses cheveux contre mon torse m'aurait assez distrait pour que j'arrête de m'imaginer les pires scénarios possibles. 

                                  

              

                    

Il n'est que huit heures du matin, je suis encore dans mon lit, à gamberger et à tourner dans tous les sens. La vibration de mon téléphone contre le bois de ma table de nuit me fait sursauter. Le prénom de ma jolie blonde s'affiche à l'écran. Même si je sais désormais lire quelques phrases simples, Holly préfère éviter les textos et a gardé l'habitude de m'appeler. Je ne vais pas m'en plaindre, j'adore entendre sa voix à n'importe quel moment de la journée. 

-Allo ? répondé-je d'une voix rauque.  

-Coucou, c'est moi, commence-t-elle d'une petite voix ensommeillée. 

Cette même voix qu'elle arbore lorsqu'elle se réveille dans mes bras. Je ferme les yeux, serre mon coussin contre ma poitrine. Si je me laisse assez aller, je réussirais sans doute à l'imaginer blottie contre moi. 

-Tu me manques. 

-Toi aussi tu me manques, souffle-t-elle avec un sourire dans la voix. Je voulais simplement savoir comment tu te sens. 

-Stressé, avoué-je en toute honnêteté. Je n'ai pas fermé l'oeil de la nuit. 

-Oh mince... 

-J'aurais aimé que tu sois là. 

-Moi aussi Louis mais je pense que c'est mieux que tu te retrouves seul avec ta fille pour lui parler. 

-Et si elle me détestait ? 

-De lui avoir menti ? Elle sera peut-être peinée mais elle sait que tu l'aimes, elle te pardonnera. Tu as eu des nouvelles de Bastien ? 

-Non, pas depuis qu'il m'a téléphoné hier pour me dire que son casier judiciaire était vierge. 

-C'est bon signe alors, cela signifie qu'il n'a rien trouvé de compromettant. 

-J'espère... 

-J'aimerais tellement pouvoir faire plus pour toi, murmure-t-elle après un petit silence. 

-Tu n'imagines pas tout ce que tu fais déjà pour moi Holly.

Elle soupire mais même à travers le combiné, je distingue le sourire sur ses lèvres, le soulagement dans sa poitrine. 

-Tu n'as pas revu Jayson ? 

Cette question, je lui la pose tous les jours. Chaque fois, je m'efforce d'adopter un ton neutre. Chaque fois, je tais mes pensées tempétueuses pour ne pas lui faire peur. S'il y a bien une chose que j'ai appris ces dernières semaines, c'est que sous mon calme et ma réserve apparentes se cache un feu, une fureur prête à tout ravager sur son passage si on touche à ma fille et à Holly. 

Et cette fureur est justement en train de bouillonner quand Holly met un peu trop de temps pour me répondre. 

-Holly ? 

-Il... il était là hier soir. 

-L-là ? Comment ça, « là » ? 

-Sur le trottoir devant chez moi. J'ai sorti mes clés, je suis passée devant lui sans dire un mot et j'ai bien verrouillé la grande porte avant de monter les étages. 

-Il ne t'a rien dit ? 

-Non. Il s'est contenté de me regarder avec des yeux de chien battu.  

-Il ne t'a pas touchée Holly ? 

-Non, non, pas du tout. Je suis passée devant lui, il m'a imploré du regard et j'ai fermé la porte, c'est tout. 

-Tu me le promets ? Tu me le dirais s'il avait fait plus que ça ?

-Je te le promets Louis. Il ne s'est rien passé de plus. Il avait juste l'air triste. Très triste. 

Je souffle longuement pour me calmer. Je ne sais pas à quel jeu joue ce malade mais ça me fait peur. 

            

Téléchargez l'application maintenant pour recevoir la récompense
Scannez le code QR pour télécharger l'application Hinovel.