Partie 3
Ce matin, je me fais réveiller par des chants traditionnels qui résonnent dans toute la maison.
J'entends des cris de joie, ainsi que des salutations. Il y a beaucoup de bruits au salon et dehors, j'entends des pas s'approcher, puis s'éloigner. La fumée des bois servant de combustible titille mes narines. Un éternuement strident s'en échappe. J'ai un mal fou de tête. Ce n'est pas étonnant. Cela est dû au fait que je passais mon temps à me morfondre seule dans ma chambre depuis l'annonce de mon mariage lors de la réunion, il y a de cela deux semaines. La porte de la chambre s'ouvre, laissant apparaître ma mère.
-Alors ma fille, tu t'es bien réveillée ? Me demande-t-elle souriante.
-Alhamdoulillah, lui répondis-je, un semblant de sourire sur les lèvres que je voulais normal, mais qui ressemble plutôt à une grimace.
Son visage changea d'expression, quittant de la joie à la tristesse ; puis, elle me sourit et me caressa le visage.
-Va vite prendre ta douche et venir prendre le petit-déjeuner avant que la cérémonie ne commence. Les esthéticiennes seront présentes à 9 heures.
-D'accord.
Elle s'avance vers moi hésitante, comme si elle voulait me prendre dans ses bras, puis se retient avant de sortir de la chambre. Dans ses yeux, je voyais plus de peine que de joie. C'était bizarre. Elle aurait dû être heureuse de ce mariage arrangé.
Comme prévu, les esthéticiennes sont venues à 9 heures. Elles étaient trois, l'une s'occupait de me faire ma coiffure, la deuxième, mon maquillage et la dernière, de mes ongles. Dans d'autres circonstances, je serais heureuse de la situation, car je suis très bien traitée, mais là, je n'ai aucun sentiment. C'est stupéfiant, je n'arrive même pas à être triste. Je crois que je me suis finalement résignée à accepter ce mariage.
-Quel maquillage aimerais-tu que j'applique sur ton visage ? Me demande la maquilleuse en montrant le catalogue.
-Choisis celui qui te plaît. Je ne m'y connais pas trop, lui répondis-je, le sourire forcé.
-Tu ne veux pas choisir ? Insiste-t-elle.
-Non.
-Tu n'as pas l'air heureuse de ce mariage, tu n'as regardé aucun de nos catalogues. D'habitude, les femmes qu'on maquille prennent beaucoup plus de temps à regarder les catalogues qu'on leur propose et ont souvent du mal à faire le choix, me dit la coiffeuse en me fixant à travers le miroir.
Je ne lui réponds pas. D'ailleurs, je ne trouve pas l'intérêt de lui répondre. Les seuls moments où j'ai parlé, c'était pour leur dire que je ne veux pas qu'on m'épile les sourcils et qu'on me mette des ongles artificiels.
La séance de beauté est terminée, et j'avoue que le résultat est extraordinaire. Je suis vêtue d'une robe blanche en Bazin, manches coupées jusqu'à la limite des coudes, avec des motifs brodés en couleur or et grise, des escarpins blancs; mon maquillage est simple, avec des fards à paupières gris et doré qui contrastent avec ma robe, un blush rosé discret ; ma coiffure est toute aussi simple, une petite coupe de cheveux bouclés me retombe sur le front et le reste est regroupé en chignon. Les seuls bijoux que j'ai mis sont mes boucles d'oreille et ma montre. Les filles sont en train de ranger leurs effets et s'apprêtent à partir. Elles me souhaitent un heureux mariage avant de s'en aller. Au même moment, mon grand frère rentre dans la chambre.
-Oh ma princesse, tu es vraiment ravissante.
-Merci, lui dis-je en esquivant un sourire.
-Comment va le moral ?
-Bien. J'ai fini par réaliser que pleurer ne changera rien à la décision des parents, alors je me suis résignée.
-Tu n'es pas seule dans ce combat Kindy, je suis et serai toujours avec toi, tant que je vivrai. Bientôt, tout cela ne sera qu'un horrible cauchemar. Bientôt incha Allah. Quand tu as besoin de moi, n'hésite pas à m'appeler, quel que soit le moment.
Je lui souris et me cale contre sa poitrine. Dans toute cette histoire, c'est le seul qui arrive à me mettre du baume au cœur, et savoir que je ne serai plus constamment avec lui me fend le cœur. Sans le vouloir, mes larmes commencent à couler.
-Ne pleure pas mon bébé, ton maquillage risque de couler.
-D'accord, dis-je en essuyant mes larmes.
C'est dans cette posture que ma mère nous rejoint dans la chambre, accompagnée de mes tantes.
-Il est l'heure, me chuchote mon frère à l'oreille.
-Il est l'heure de la cérémonie Kindy, me dit ma mère.
Elle s'arrête un instant, m'observe longuement comme si c'était la première fois qu'elle posait son regard sur moi, puis ajoute :
-Tu es resplendissante ma chérie.
-Merci maman.
Elle me serre fort dans ses bras avant de m'escorter.
Nous sommes sous la tente, installés sur des nattes. À côté de moi, sont assis mon père et son frère Amidou, mon témoin. En face de moi, sont assis Mamadi et son frère Sidikiba qui, j'en suis sûre, est son témoin, au milieu de nous se trouve l'imam, et derrière, le reste de l'assemblée. Le silence se fait entendre et l'imam commence son sermon.
-Aoudhou billah minasheytane rajiim Bismillah Rahman Rahim. (Je demande protection auprès d'Allah contre satan le lapidé, au Nom d'Allah Le Clément Le Miséricordieux). «Innal Hamdoulillah, nahmadou wa nasta inou wa nasta firou wa anaoudhou billahi Taala minchourouri anfousinah wa sayiati a'amalina man yahadilahou falamoudilallah wa Man youdil falahadiyala wa ash hadou anla ilaha ilallah wahdahou lachari kalahou wa ash hadou anna Muhammadan abdouhou wa rassoulouhou, salallahou aleyhi wa salam. Louange à Allah ; nous Le louons, nous Lui demandons Son aide et Son pardon. Et nous recherchons protection auprès de Lui contre le mal qui pourrait provenir de nous-même, et contre le mal qui pourrait provenir de nos mauvaises actions. Celui qu'Allah guide, ne sera point égaré et Celui qu'Allah égare, ne trouvera point de guide. Je témoigne qu'il n'y a de divinité digne d'être adoré en dehors d'Allah, l'Unique, sans associé, et je témoigne que Mouhammad est Son serviteur et messager, Paix et Bénédiction d'Allah sur lui. » «Ya Ayyuh Al-Ladhina amanou Attaqu Allah haqq Tuqatihi Wa La Tamutunna Illa wa antum muslimuna S3,V102 Ya ayyuha an-nasu Attaqu Rabbakumu al-ladhi khalaqakum min nafsin wahidatin Wa khalaqa minha zawjaha Wa Baththa minhuma rijalaan Kaçiraan Wa Nisa'an Wa attaqu Allaha Al-Ladhi Tatasa'aluna Bihi Wa Al-arhama inna Allaha Kana Aleykoum Raqibaan S4V1, Ya ayyuhal ladhina amanu ittaqu Allah waqoulou qawlan sadidan Yuslih lakum a'malakum wayaghfir lakum thunoubakum waman yuti'i Allaha warassoullahu faqad faza fawzan 'athiman S33V70-71».« O les croyants, craignez Allah comme Il doit être craint, et ne mourrez qu'en pleine soumission S3V102. O hommes! Craignez votre Seigneur qui vous a créé d'un seul être, et a créé de celui-ci son épouse, et qui de ces deux là a fait répandre sur la terre beaucoup d'hommes et de femmes. Craignez Allah au nom duquel vous vous implorez les uns les autres, et craignez de rompre les liens du sang. Certes Allah vous observe parfaitement S4V1. O les croyants, craignez Dieu et tenez des propos droits, Dieu améliorera vos actions et pardonnera vos péchés. Et celui qui suit ce que Dieu et son Prophète ont dit, celui-là a réussi d'un énorme succès S33V70-71». As salam aleykoum Rahmatoullah wa Barikatouhou (Que La Paix d'Allah soit sur vous ainsi que Sa Miséricorde et Sa Bénédiction).
Chers Frères et sœurs musulmans, nous sommes ici présents pour célébrer le mariage de Mamadi Kanté et de Mariama Kindy Kaba en présence de leurs témoins respectifs Aboubacar Sidiki Kanté et Amidou Kaba. Monsieur Amadou Kaba, acceptez-vous de donner votre fille Mariama Kindy Kaba ici présente en mariage à Monsieur Mamadi Kanté avec une dot de quatre millions de francs guinéens ? Demande-t-il à mon père.
-Oui, je l'accepte.
-Bien. Monsieur Mamadi Kanté, acceptez-vous de prendre Mariama Kindy Kaba comme épouse avec une dot de quatre millions de francs guinéens ?
-Oui, je l'accepte.
-Bien. Alors devant Dieu et devant les hommes, en présence des deux témoins, le mariage entre Mariama Kindy Kaba et Mamadi Kanté vient d'être scellé.
Les applaudissements résonnent. Mon cœur se serre. J'ai la respiration saccadée. J'inspire un grand coup afin d'avoir une respiration normale. Je réalise peu à peu que c'est fini, il n'y a plus de retour possible. Je suis à présent une femme mariée. L'imam enchaîne avec les dou'as et nous fait un débat sur l'importance du mariage, la vie en couple, les droits des conjoints.