CHAPITRE 04
« Pouvez-vous me parler de l'élection présidentielle américaine qui a eu lieu et les différents éléments importants de la campagne. »
Je soupire intérieurement de soulagement.
Ça, c'est un sujet que je maîtrise et qui m'intéresse.
J'énonce alors les deux candidats ainsi que leur parti respectif. Je parle de leurs idées, des états qu'ils ont remportés et qu'ils étaient susceptibles de remporter et des débats qui ont déjà eu lieu. Je déballe absolument tout ce que je sais et je sens que ça lui plait.
Je reprends alors peu à peu confiance moi et j'essaye de faire abstraction des réactions de ses deux collègues en me disant qu'ils font certainement ça pour me déstabiliser.
Les sujets d'actualités se suivent les uns à la suite des autres et je prends un peu plus facilement mon aise.
« Je pense que nous en avons fini avec ces sujets de société. Passons maintenant à vos motivations. » L'homme s'éclaircit la voix. « Qu'apporteriez-vous aux universités pour lesquelles vous avez postulé ? »
« Et bien, je leur apporterai ma culture, ma manière de voir les choses. Je m'investirai pleinement dans la vie associative et culturelle de l'école, je participerai à différents concours qu'ils organisent, j'aimerai vraiment leur montrer et vous montrer que vous n'avez pas fait le mauvais choix en me choisissant. »
« Et comment allez-vous donc participez à toute cette vie étudiante ? » La femme que je n'aime pas hoche la tête.
« Et bien, en organisant des évènements sur le campus avec les associations dont je ferai partis. »
« Mais quelles associations ? » L'homme prend le relais. « Vous avez un sport que vous pratiquez à haut niveau ? »
Je ne réponds rien.
« Une passion qui vous prend aux tripes ? » Il poursuit.
« J'aime énormément lire et écrire aussi. »
« Écrire ? Comment ? » Il plisse les yeux.
« Mes pensées, quelques histoires, ce qui me passe par la tête et ce que j'imagine. »
« Donc ce ne sont pas des articles de presse ou universitaires ? »
« Non non pas vraiment. » Je dis doucement.
Il jette un coup d'œil à ses collègues et soupire.
Je comprends alors que ce n'est pas bon signe.
« Mademoiselle, je peux vous poser une question ? »
« Oui allez-y. »
« Faites-vous partie d'une association étudiante actuellement ? Ici, sur ce campus ? »
Je me sens rougir.
« Non monsieur. »
« Et dans votre vie personnelle ? »
« Non plus. »
« Alors pourquoi le faire là-bas ? Aux États-Unis, si vous ne le faites pas ici ? »
« Et bien... » J'essaye de trouver mes mots mais je me sens coincée, sans issue de sortie.
« Je vais vous dire quelque chose. » Il pose ses lunettes. « Au début de cet entretien, quand je vous ai dit que nous cherchions des personnes motivées avec une valeur ajoutée, je le pensais. »
« Oui et je l'ai bien compris. »
« Alors quel est votre talent ? Votre passion ? »
« Je... Je... » Je suis incapable de répondre.
« Pensez-vous être accepté dans une équipe sportive là-bas ? »
« Non je ne pense pas, il n'y a pas un sport où j'excelle particulièrement. »
« Alors qu'elle est votre valeur-ajoutée mademoiselle ? Qu'est-ce qui vous différencie des autres candidats ? »
Je suis totalement sous l'eau.
Paniquée.
Déstabilisée.
Je ne sais pas quoi répondre et je doute sincèrement de moi.
« Moi j'imagine. » Je réponds sans réfléchir.
« Vous ? » Il lève les sourcils.
« Ma spontanéité, ma personnalité, ma motivation, mon rêve qui est peut-être sur le point de se réaliser. Oui moi monsieur. Je n'ai peut-être pas de talent particulier mais je sais que je me donnerai au maximum pour représenter cette université et la ville dans laquelle je vivrai. J'ai travaillé dur pour obtenir cette bourse et... »
« Tout le monde a travaillé dure mademoiselle. » La femme me coupe.
J'essaye tant bien que mal de ne pas me décomposer mais ils ne me facilitent pas la tâche.
« Je pense tout simplement que vous n'avez pas vraiment saisi les objectifs de cette bourse. » L'homme aux cheveux grisonnants replace ses lunettes.
« Si je les ai très bien compris. » J'essaye de me défendre.
Ils se jettent une secondes fois, un regard entre eux, même ma préférée ne semble pas convaincue et je réalise qu'elle est d'accord avec eux, qu'elles étaient simplement un peu plus aimable mais pas plus compréhensive.
Il regarde ensuite sa montre et là, je me décompose.
« On va s'arrêter là. » Il se racle la gorge. « Merci. »
« Nous allons être honnêtes avec vous mademoiselle. » La femme à droite me regarde. « Vous êtes certainement très gentille mais parmi tous les candidats que nous avons vus, vous ne semblez pas remplir à cent pour cent tous les critères. »
« Je vois. » Ma gorge est toujours aussi serrée.
« Nous allons cumuler toutes vos notes mais, vos chances sont très mimines. Il faudrait qu'une ou deux places se libèrent ou soient ajoutées mais à l'heure actuelle, tout est très compromis. »
Je comprends alors que c'est terminé.
Je n'ai même pas eu à l'apprendre par mail, je sais que jamais je n'obtiendrai cette bourse.
« Merci en tout cas pour votre participation. » La première femme se lève.
« Merci à vous, de m'avoir écouté. » Je réponds avec amertume.
« Retentez l'année prochaine, peut-être que ça sera la bonne. » L'homme finit mais je ne réponds rien.
Quel con.
« Bonne fin de journée. » Je me lève.
« À vous aussi mademoiselle. »
La femme me ramène alors vers la porte par laquelle je suis arrivée.
« Bon courage pour la suite. » Elle me lâche un premier petit sourire.
« Merci. » Je baisse le regard et elle ferme la porte.
Je pose mon sac au sol sans bouger.
Je suis lessivée, liquidée et vidée de toute émotion.
Je n'arrive même pas à réaliser que tout vient de se terminer, tous mes efforts n'ont servis à rien.