05
Je remerciai ma sœur et attendis l'approbation de Sarah pour m'assurer qu'elle suive bien. Cette dernière avait les sourcils froncés et le regard assombri. Elle demanda :
- Pourquoi on s'enfuit ? Tu veux bien m'expliquer ?
Ses yeux voguaient de droite à gauche rapidement. Ils ne se posaient jamais plus d'une seconde au même endroit et semblaient inquiets. Je lui pris la main sous le regard étonné de Mike pour la lui presser, d'un geste réconfortant.
- Je te jure que je t'expliquerai mais plus tard. Là, il faut qu'on parte.
Il y eu un moment de silence et May se leva pour ouvrir la porte arrière. Le calme était uni, limite effrayant mais tant qu'aucun bruit ne résonnait nous étions en sécurité et seuls.
Ma sœur posa sa main sur la poignée et l'abaissa lentement. Soudain, mes oreilles sifflèrent, je n'avais que quelques secondes…
D'un geste sec, je lui attrapai le mollet et lui ordonnai :
- Baisse-toi !
Je la tirai violement vers le bas et à peine eu-t-elle heurté le sol que la vitre incrustée à la porte vola en éclats. Je me relevai et pressai mes amis qui fixaient le trou béant causé par la pierre qui aurait pu blesser May.
- Allez, allez ! Vite !
Mike se leva d'un bond. Je dû trainer May au salon, encore sous le choc tandis que Sarah criait de panique. Je lui mis une main sur la bouche puis la forçai à rencontrer mon regard :
- Si tu cries, on est tous morts.
Elle me regarda, pétrifiée. Ses yeux remontèrent au-dessus de mon épaule. Une expression d'horreur anima ses prunelles quand une voix masculine résonna derrière moi.
- Comment on se retrouve, Tess.
Mes épaules s'affaissèrent. Je me retournai petit à petit jusqu'à faire face à un homme d'une cinquantaine d'années qui embaumait l'eau de Cologne à plein nez. L'éternel froid glacial de ses yeux me pétrifia, en souvenir des actes d'antan. Je savais pertinemment que je ne faisais pas le poids même si j'avais des capacités qu'il ne possédait pas.
- Pas de bonjour ? Voyons, comment t'ai…
Il n'eu pas le temps de finir sa phrase qu'il fut violement projeté au mur par ma sœur, lui coupant le souffle. Elle s'était positionnée derrière moi après avoir mis Sarah et Mike en retrait derrière le canapé.
L'homme se releva en se frottant l'épaule endolorie par le choc. Il esquissa un sourire menaçant et n'avait pas peur de s'approcher à nouveau.
- May ! Quelle joie de te revoir. Vous vous ressemblez toujours autant à ce que je vois. Alors Tess, tu n'as pas reçu ma petite carte postale ?
Ma sœur commençait à perdre son sang-froid. Je lui pris la main ce qui eu un effet de détente sur elle.
- Je vois qu'on s'est fait des amis, sourit-il en regardant Mike et Sarah, tourmentés par la tournure de la soirée.
Il s'avança vers eux et s'arrêta à quelques mètres du canapé pour les jauger.
- Pas de présentations ? leur demanda-t-il.
Ils secouèrent la tête timidement. Sarah respirait un peu trop vite.
Mike se leva, poussé par un élan de courage puis s'avança pour faire face à cet homme.
- Qui que vous soyez, vous êtes seul face à quatre ados dont deux télépathes. Vous pouvez encore partir.
Il éclata de rire et aucun de nous ne broncha. Mike avait eu tord de vouloir jouer les héros.
- Sache que je ne suis jamais seul.
Puis il retourna un gifle à Mike qui tomba inerte sur le plancher froid. Je lâchai un cri horrifié et fis tomber l'armoire sur lui.
À peine le meuble était-il entré en collision avec lui que trois hommes armés enfoncèrent la porte d'entrée dans un fracas énorme. May prit Sarah par le bras et nous courûmes vers les escaliers pour échapper aux tirs qui commençaient à fuser dans le salon. Elles passèrent devant. Je m'assurai de couvrir leurs arrières en envoyant toutes sortes d'objets sur les hommes qui entamaient leur progression. Je réussi à en écraser un entre le mur et la table que j'avais projeté. Les deux restant ne tardèrent pas à escalader le canapé et les quelques commodes entassées dans la cage d'escaliers.
Nous nous enfermâmes dans ma chambre et ouvrîmes la fenêtre au cas où nous aurions besoin d'une dernière occasion.
- Tess on fait comment ? paniqua ma sœur, ils vont entrer d'une minute à l'autre.
Je tournai en rond et baladai mes mains autour de moi pour former une barricade d'objets devant la porte.
- J'aimerais des explications.
La jolie brune avait enfin reprit ses esprits. Elle me regardait d'un air dur, sans doute fâchée de la tournure qu'avait prit cette soirée.
- Après, lui assurai-je.
- Non, j'en veux maintenant !
- C'est pas le moment là, après, renchérit ma sœur.
Sarah s'écarta de cette dernière et haussa le ton :
- J'estime que vous me devez des explications et maintenant !
- Sarah c'est pas le moment là ! criai-je.
De gros coups résonnèrent contre la porte et les objets vacillèrent. May et moi nous rapprochâmes. Ce réflexe d'avoir mutuellement besoin de l'autre nous avaient sauvé maintes fois.
- Comment vous pouvez faire ça ? Tess c'est qui eux ? paniqua la brune.
- Sarah, après ! cinglai-je.
La porte céda au même moment et les deux hommes relevèrent leur arme vers nous. Sarah cria et je tendis la main vers l'un des garde qui se retrouva soulevé dans les airs. May fit un geste net de la tête pour briser le bras de l'autre sbire qui tomba au sol en gémissant. Elle attira l'arme vers elle et l'acheva d'une balle dans la nuque. Je ne tardai pas à m'occuper de mon prisonnier. Tandis que je le maintenais dans les airs d'une main, j'écartai ses os de l'autre petit à petit jusqu'à entendre ses cris mêlés à ceux de Sarah qui était horrifiée par la scène. J'achevai ses souffrances par un mouvement de tête, le soulevant rapidement au plafond. Son crâne s'écrasa contre celui-ci et une tache rougeâtre se répendit, dégoulinant ensuite sur les murs.
Je tombai au sol, fatiguée tout comme May qui cracha du sang sur le parquet. Il y eu un court silence et une main se posa sur mon dos.
- Ça va aller ?
Sarah replaça une boucle derrière son oreille sans me lâcher du regard. Comment pouvait-elle passer de l'horreur à la compassion ? Elle m'étonnait de plus en plus. La brune s'agenouilla ensuite à nos cotés, silencieuse mais choquée par la violence de nos actes.
- Quelle progression, railla l'homme.
Il se tenait au pas de la porte et regardait les corps inertes sans expressions. Je m'essuyai le nez et relevai à peine les yeux vers lui.
- Et si vous veniez avec moi ?
Ma respiration était saccadée et mon cerveau réfléchissait à l'envers. Je m'appuyai sur Sarah et me relevai, déterminée. Faisant face à lui, les pieds dans un motif ensanglanté, je m'efforçai à tenir debout. Mes poings se serrèrent machinalement et je me tins prête à tout éventualités.
- Non, non, je ne veux pas me battre contre toi Tess. Je veux juste que vous revienniez, comme avant, assura-t-il
- Et nous faire traiter comme des machines ? Ça va aller merci rétorquai-je.
Je fis un pas vers lui, relevant un peu plus le menton. Je sentis une masse chaude dans ma main puis des doigts s'entremêler aux miens. Je baissai les yeux et serrai un peu plus fort la main de Sarah qui se tenait juste derrière moi. Il continua :
- Non. Tu ne comprends pas. Je vous aide à contrôler tout ça. Regardez-vous, un quart d'heure seulement et vous voilà ravagées. Sois raisonnable.
- J'ai dis non.
May releva la tête après avoir craché une ultime fois pour évacuer le sang de sa bouche. Elle campa sur ses positions en reprenant son souffle.
- Il s'agirait peut-être d'abandonner et de nous laisser vivre, hoqueta-t-elle.
- Ça serait du gâchis.
Ma sœur cligna des paupières, faisant reculer l'homme de quelques pas. Une certaine distance était toujours préférable quand il s'agissait de notre sécurité. Le cinquantenaire leva les bras en angles droit, paumés levées, en riant.
Je fronçai les sourcils. Mes tympans vibraient et ma tête bourdonnait. Ces effets nocifs ne passaient que quelques heures après l'arrêt des capacités. Une poignée de médicaments suffiraient à diminuer les maux de tête et cette sensation de brûlure dans la gorge.
- Partez, ordonna May à l'intrus.
- Non ma belle, je ne crois pas…
Il avança, décidé. Ni moi ni May n'avions les ressources nécessaires pour parer son avance. Il passa une main dans son dos pour y attraper un objet.
Un déclic de rechargement d'arme l'arrêta dans sa course. Nos yeux se portèrent derrière son épaule.
- À mon avis, vous devriez partir avant que j'appuie par inadvertance.
Mon ami avait repris connaissance. Il détenait maintenant l'arme de l'un des cadavre qui devait jonchée l'escalier. Il me sembla voir une lueur de terreur dans les yeux de l'homme mais elle s'effaça trop vite pour que j'en aie la certitude.
- Cette fois, c'est toi qui es seul, affirma-t-il.
Il s'apprêtait à lui envoyer une seconde gifle quand on coup de feu électrifia la pièce.
Un silence.
Un cri.
May tenait l'arme d'un ancien sbire tendue devant elle, plantant une balle dans le bras de notre assaillant.
Celui-ci poussa des grognements avant de faire volte-face et de dévaler les escaliers, poussant Mike au passage. Trente secondes plus tard, le bruit d'un moteur puis les crissements de pneus traduisant une folie.
Ma sœur lâcha l'arme et reporta son attention sur moi. Mes jambes tremblaient et le sang séché sur mes joues me grattait. Malgré l'absurdité de la situation, elle m'accompagna vers mon lit en soutenant ma marche par son bras autour de mon dos. D'une pensée, elle défit le lit et installa mon corps à moitié endormi.
- Je suis là, tout va bien, chuchota-t-elle.
Elle me recouvrit et demanda à Mike d'aller chercher un gant humide pour éponger les giclures qui brunissaient en séchant. Les yeux mi-clos, j'esquissai un sourire gratifiant à son encontre. L'odeur de fer emplissait de moins en moins mes narines mais je ne doutais pas de la présence de cette tâche rougeâtre sur mon plafond que je me promis de nettoyer dès mon réveil.
Le seul souvenir que j'eus avant de sombrer fut celui de May qui nettoyait mon visage avec délicatesse.
Le lendemain matin, May ouvrit délicatement les rideaux, laissant passer quelques rayons de soleil qui s'échouèrent sur ma descente de lit. Le matelas s'affaissa légèrement en signe de compagnie. May venait de s'assoir à mes côtés, caressant tendrement ma tempe. L'effluve de son parfum me laissait deviner qu'elle était déjà habillée et préparée à une nouvelle journée. L'absence de l'odeur âcre elle, indiquait qu'un nettoyage intensif avait été commis durant mon sommeil. Si c'était le cas, je devais songer à remercier ma sœur pour l'aide qu'elle venait de m'offrir de son gré.
- Tess, debout.
Elle chuchota d'abord, me faisant prendre consciente petit à petit du monde. Ma tête ne souffrait plus et le goût de fer s'était dissipé dans mon sommeil. Elle me pressa doucement l'épaule.