Chapitre 04
Chapitre 4
- On se voit le weekend prochain ? je demande en sortant mon sac de la voiture de Fabrice.
- Oui, c’est nous qui venons, cette fois, réponds Audrey.
- Fais déjà le marché hein, ajoute Agatha, je n’ai pas envie d’aller faire le rang au mall là-bas encore.
Je me penche par la vitre ouverte de la portière avant pour embrasser Agatha avant de répondre :
- C’était juste deux fois, ma camarade.
- Non, ça fait cinq fois. C’est-à-dire chaque fois qu’on vient chez toi. D’ailleurs, je me demande comment tu manges, si ton frigo est toujours vide.
- Tu es sûre que tu te nourris convenablement, quand on n’est pas là ? renchérit Audrey.
Je pouffe de rire. Elles sont pires que ma mère.
- J’achète des provisions chaque jour ou chaque deux jours, en fonction de ce que je veux manger.
- Tu vas au mall loin comme ça tous les jours ?
- Oui, ou au petit marché pas loin de chez moi.
- Mais ayi ? crie Agatha.
- Tu as quel problème ? Tu ne peux pas faire tes courses une bonne fois pour toute, comme tout le monde ?
- Je voudrais bien, mais j’ai peur de faire des stocks puis de mal réagir aux aliments et être obligée de les jeter.
Agatha et Audrey affichent des airs catastrophés, pendant que Fabrice éclate de rire.
- Tu es un cas désespéré, Liah, commencé Audrey.
- On dirait les gens qu’on délivre et qui n’arrivent plus à vivre sans leurs démons là.
J’éclate de rire face à cette comparaison et me redresse.
- Merci de m’avoir raccompagnée. On se voit vendredi.
- Je vais t’envoyer un message pour te rappeler d’aller faire les courses, répond Agatha.
- Réponds d’abord à son merci, avant de l’agresser !
- Ah, Afia, pardon, laisse-moi.
Fabrice me fait signe de rentrer à la maison. Quand ces deux-là commencent comme ça…
Je leur fais au revoir de la main, récupère mon sac que j’avais posé par terre et rentre dans la maison.
J’entends Fabrice démarrer quelques minutes plus tard.
J’ouvre la porte d’entrée de la maison, y pénètre et la laisse grande ouverte pour aérer la maison. Ça fait quand même trois jours qu’elle est restée fermée.
J’étais à Accra, chez Serge. Enfin, pas vraiment. J’y ai juste posé mes affaires et ai mis la ville sur ma tête, comme dit Fabrice, en compagnie d’Audrey et Agatha.
Depuis la première fois qu’elles ont débarqué à l’improviste, on a décidé – elles, plus que moi, mais bon – qu’on se verrait chaque weekend, que ce soit quand je vais à Accra ou elles qui viendraient, pour tester de nouveaux aliments à ajouter à mon régime et essayer des recettes que je n’avais jamais gouté.
Ainsi, en un peu moins de 3 mois, Audrey a réussi à me faire manger du veau, du lapin, des cailles, de la pintade, de la dinde, du saumon, du thon, des fruits de mer (crevettes, homard, crabes…), des escargots et de la lotte. En plus des desserts à base de lait délactosé qu’elle me cuisine et des pâtes sans gluten qu’elle a réussi à dénicher je ne sais où. Et ce weekend, on a testé les fromages. Ça a été compliqué, parce qu’ils sont tous dérivés du lait, mais certains sont moins difficiles à digérer que les autres. J’arrive à supporter le fromage crème allégé, ainsi que la brie et la mozzarella. Audrey a dit que c’était trop peu, que ne pas pouvoir manger de formage, c’était tellement triste, et qu’elle ne m’abandonnerait pas avant d’être parvenue à me rendre une liberté alimentaire digne de ce nom.
Inutile de vous dire que mes parents l’adorent.
La première fois qu’elles sont venues, maman m’avait appelé pour savoir si le médecin m’avait prescrit un nouveau régime. Et comme j’avais les mains dans la pâte à gaufres – parce qu’Audrey tenait vraiment à ce que je sache en faire – c’est Agatha qui a décroché.
C’était assez drôle. Elle a commencé par saluer maman avant de lui dire que non, ce n’était pas Liah, mais sa nouvelle amie.
- Liah a une nouvelle amie ? s’est étonné maman.
- En fait, elle en a deux. Je m’appelle Agatha, et l’autre, c’est Audrey.
Elle a ensuite raconté à maman comment on s’était rencontré et a confirmé que oui, c’était elle la fille qui avait donné le numéro du diététicien à Serge.
Rien que pour ça, maman l’aimait déjà. Et quand elle lui a expliqué qu’Audrey et elle étaient venues me faire tester des aliments et des recettes pour étoffer mon régime, j’ai cru que maman allait se téléporter pour venir leur baiser les pieds.
Elle s’est mise à la remercier chaleureusement, en l’appelant ‘’ma fille’’ et à lui faire des bénédictions. Elle a fait pareil avec Audrey, quand Agatha lui a passé le téléphone, avant de demander à me parler et de me dire que j’avais intérêt à conserver de bonnes relations avec de si bonnes amies qui se préoccupaient de ma santé.
Le soir même, c’était au tour de papa d’appeler pour les saluer. Et je pense bien l’avoir entendu étouffer un sanglot quand Audrey lui a dit que j’avais mangé une salade de pommes de terre, un filet de lotte et deux grosses gaufres.
Et comme elles sont restées tout le weekend, maman leur a donné son numéro de téléphone et leur a demandé de la tenir au courant de mes ‘’évolutions’’ quotidiennes.
Ma sœur et mon frère ont également téléphoné, Delphine pour les remercier, et Stéphane pour demander si mes nouvelles copines étaient draguables.
Depuis, elles parlent régulièrement aux membres de ma famille, pour expliquer comment mon régime s’améliore.
Et papa a commencé à leur faire des mandats hebdomadaires, parce qu’une fois, en parlant avec maman, j’ai dit que les filles achetaient tous les aliments avec leur propre argent. Je me souviens que ça avait même été une source de conflit entre nous. Je voulais les rembourser pour ce qu’elles achetaient, mais elles refusaient, prétextant que je ne leur avais rien demandé, et que de toute façon, elles n’allaient pas me faire payer pour quelque chose qu’on n’était même pas sûres que je puisse manger. Au bous de trois tentatives, j’ai laissé tomber. Parce qu’Audrey peut être très opiniâtre quand il est question d’argent et de nourriture.
Bref, donc papa a commencé à envoyer de l’argent pour ça. La première fois, je n’ai pas dit à Audrey que c’était pour ça, j’ai simplement expliqué que mes parents estimaient leur devoir beaucoup et qu’ils voulaient qu’elles s’achètent un cadeau avec l’argent. Elles ont paru super gênées, mais elles ont accepté l’argent, certainement pour ne pas le vexer. Mais quand la semaine suivante, elles ont de nouveau reçu de l’argent, j’ai dû leur expliquer le fin mot de l’affaire. Je ne vous dis pas comment Audrey s’est fâchée.
- Non, moi je n’aime pas les choses comme ça ! Si c’est une histoire de rembourser là, on va arrêter notre amitié ici et puis ça va finir.
- Mais…
- Il n’y a pas de mais, Liah ! Tu es notre amie, pourquoi tes parents vont nous payer qu’on fait preuve d’amitié envers toi ?
- Ils ne payent pas votre amitié, ils remboursent l’argent que vous dépensez pour moi.
- Donc si c’était un gars qui te draguait qui faisait tout ça, tes parents allaient le rembourser ?
- Pas qu’on veuille te draguer, a ajouté précipitamment Agatha.
- On le fait parce que ça nous fait plaisir, parce qu’on veut vraiment t’aider à améliorer ton alimentation. C’est comme si on allait faire du shopping et qu’on payait pour toi. Tes parents allaient nous rembourser ?
- Non, mais vous n’allez pas payer pour toutes nos virées shopping, quand même ?
- Pourquoi pas ?
Au bout d’interminables discussions, elles ont réussi à me convaincre de renvoyer l’argent à mes parents. Sauf que mon père est aussi têtu qu’Audrey. Il a dit que c’était la moindre des choses, vu tout ce que les filles faisaient pour moi, et que maintenant qu’il y pensait, il allait aussi rajouter de l’argent pour payer le carburant de la voiture de Fabrice. Et il a tranquillement continué à envoyer l’argent. Maman m’a conseillé de le prendre et de le garder, pour faire des courses à chaque fois que les filles viendraient. Mais elles viennent tout le temps avec des choses, parce qu’il est plus facile de trouver les aliments dont j’ai besoin à Accra qu’ici.
Au final, c’est Seye qui a trouvé la solution : on met l’argent de côté et comme elles financent ce qu’ils appellent tous ma rééducation alimentaire, moi je finance nos virées shopping.
Parlant de Seye, il est venu à Accra pour les congés de Toussaint, il voulait absolument rencontrer celles qui avaient réussi le miracle de me faire manger autre chose que du poulet, pour reprendre ses mots.
Il faut dire qu’Agatha l’avait bien emmerdé.
Le jour où elles sont venues, elle m’avait harcelé de questions, jusqu’à ce que je lui explique exactement qui était Seye, comment on s’était rencontrés et depuis combien de temps on était ensemble. Elle a ensuite insisté pour voir une photo de lui, et quand il m’a appelé dans la soirée, Audrey et elles ne se sont pas gênées pour commenter et se moquer de moi. Forcément, il les a entendues et a demandé à leur parler.
Là ou Agatha s’est comportée comme une fille à peu près normale, Audrey a fait sa folle sur le pauvre gars. Si je pensais qu’au moins Audrey pouvait rattraper un peu Agatha, elle m’a ôté toutes mes illusions ce jour là.
- Je ne comprends pas, disait-elle, comment tu peux la laisser manger du poulet. Du poulet ! Même si on dit que c’est une noire.
- Pourtant j’ai essayé, répondait-il en riant, de lui faire manger autre chose. Mais elle faisait toujours son air de chien battu, j’avais pitié d’elle.
- Oh, il faut t’endurcir ! Tu es un homme ou une lavette ? Vraiment, si tu ne peux pas la gérer, je vais lui donner mon frère hein !
Elle lui a ensuite raconté nos essais culinaires et il a passé son temps à rire.
Il a vraiment bien accroché avec elles et il leur parlait souvent, vu qu’on est tout le temps ensemble, les weekends.
Et quand je lui ai annoncé que j’avais réussi à prendre et à garder deux kilos, il a sauté dans le premier avion pour venir les remercier en personne.
On a passé un super weekend, tous ensemble à Accra. Il nous a offert une journée shopping – Audrey, Agatha, Sonya et moi – pendant qu’il allait jouer au golf et se balader dans la ville avec Fabrice, Serge et Eric, le petit ami d’Audrey. Le soir, on est allés diner tous les huit, et le lendemain, Audrey a organisé un brunch chez elle – brunch qu’on organise maintenant chaque dimanche en quinze – en son honneur.
Les filles ont réussi à se comporter correctement tout le long du séjour, en dehors d’Agatha qui lui a demandé s’il était dealer de drogue ou s’il faisait sakawa* quand il m’a donné sa gold card pour payer notre shopping. Heureusement, il ne s’en est pas offusqué. Il a simplement rigolé et a répondu qu’il était plus dans le trafic d’armes que dans celui d’organes. J’ai cru qu’elles allaient toutes faire une crise, surtout avec les rumeurs qu’il y a sur les nigérians. Il a fallu que Sonya trouve des infos sur Google ainsi que sa page Wikipédia – je vous dit, nos amis qui ont les pages Wikipédia – pour qu’elles arrêtent de flipper.
La seule personne qui n’a pas l’air ravie que j’ai des amies et que je mange mieux, c’est Marina. Surtout depuis qu’elle sait que j’avais déjà rêvé d’elles. Elle estime que c’est trop facile, et que si ça se trouve, ce sont des démons que j’ai fait entrer dans ma vie à travers mes rêves.
- Je suis certaine que ce ne sont pas des filles de bonne moralité, m’a-t-elle dit un jour. La preuve, elles vivent toutes les deux avec des hommes qui ne sont pas leurs maris.
- Le fait de vivre avec un homme n’est pas un signe de mauvaise moralité, Marina. Il faut que tu sois plus ouverte d’esprit.
- En plus, tu défends maintenant les fornicateurs et les impudiques ?
- Arrête de parler comme ça, tu ne les connais même pas.
- J’en sais suffisamment pour savoir qu’elles ont une mauvaise influence sur toi, Liah. Regarde, il a fallu que tu te mettes à les fréquenter pour commencer à dormir avec Seye.
- On a rien fait !!
- C’est ce que tu me dis. Qu’est-ce qui me prouve que tu n’as pas brisé notre pacte ?
Avec Marina, quand on a eu nos règles, on s’est promis de se marier le même jour, avec des frères jumeaux, et de perdre nos virginités le soir de notre mariage, en même temps. Un pacte stupide de petite fille, qui a très peu de chances de se réaliser. Cependant, j’ai quand même tenu à respecter la partie ‘’perdre nos virginités le soir de notre mariage’’, plus à cause de Christophe qu’à cause d’elle, mais quand même.
- Je n’ai pas brisé notre pacte, Marina. Je te l’aurais dit, sinon.
- Je n’en sais rien, vu que tu as de nouvelles amies.
J’avais compris depuis le début que c’était la jalousie qui la faisait parler ainsi, alors je n’ai pas cherché à discuter plus que ça.
- Peut-être, mais toi, tu es ma meilleure amie.
- Une meilleure amie que tu n’as pas vue depuis trois mois ?
- Je pourrais dire la même chose. Tu n’es pas venue me voir non plus.
- Tu sais bien qu’avec la femme de mon père, c’est compliqué. Mes déplacements sont limités.
Marina vit à Lagos, chez son père. Son épouse ne l’aime pas beaucoup et lui fait des misères, réduit son argent de poche, l’empêche de sortir, monte son père contre elle…
- Les miens aussi, actuellement. J’ai beaucoup de choses à faire, Marina, entre les cours et mes stages ruraux. Je ne peux pas me permettre de voyager aussi souvent que je le voudrais.
- Même pas un petit weekend ?
- J’ai ma rééducation alimentaire, les weekends.
- Avec tes nouvelles amies, évidemment ! Tu as changé, Liah.
Et rebelote.
Toutes nos conversations se terminent ainsi, dernièrement. Je ne m’en préoccupe pas vraiment, je mets ça sur le compte de la jalousie.
******
Je porte une bouchée de pavé de saumon à ma bouche et soupire de bonheur.
Seye éclate de rire et je lui tire la langue.
Il sort son appareil et se met à me mitrailler de photos.
Il a fait ça toute la journée, me prendre en photos. Il dit qu’il n’aurait jamais imaginé me voir manger une crème glacée, des pâtes (parce que je suis également intolérante au gluten) ou du poisson, alors il doit immortaliser ça.
Je suis à Abuja, depuis deux jours. J’y suis avec Seye, je passe mes congés de Noël avec lui. En temps normal, je rentre à Lomé, mais j’ai dit à mes parents que je voulais rester avec les filles cette année. Ils en ont donc profité pour aller rendre visite au frère de papa à Londres. Et comme les filles rentrent chacune chez elle, bah je me suis retrouvée à Lagos, pour profiter de mon chéri et voir Marina. Mais Marina n’est pas là, du coup Seye m’emmène partout avec lui, y compris à ses congrès barbants. La semaine dernière, on est allés à Kano, et là, on est à Abuja.
Ses congrès durent 5 jours en général, et nous sommes seulement au 3e. Il passe ses journées en réunions et autres conférences, pendant que je visite la ville avec un guide, ou que je fais du shopping. On ne se voit que les soirs, à partir de 17h. on s’installe sur le toit de l’hôtel pour regarder le coucher du soleil et se raconter nos journées en buvant du thé (pour lui) et en mangeant des pâtisseries (pour moi).
En réservant une chambre pour moi, il a spécifié toutes mes intolérances alimentaires et le chef a accepté de faire une sélection de pâtisseries sans lait lactosé et sans farine contenant du gluten. Comme, pour la première fois depuis je ne sais combien de temps, je peux manger une tarte ou une mousse au chocolat sans me tordre de douleur ou me gratter comme une galeuse une heure plus tard, j’en profite au maximum.
Seye passe son temps à se moquer de moi. Il dit que j’agis comme une personne qui a passé des années dans le désert et qui essaie de rattraper le temps perdu.
C’est un peu comme ça que je me sens, en vérité.
Et mon bébé est tellement adorable qu’il me passe tous mes caprices. J’ai mangé plus de gâteaux en trois jours qu’en toute une vie. À chaque fois que j’en vois un qui est super appétissant, il me couve du regard et me demande de sa sexy voix : ‘’tu veux goûter ?’’. Comment résister, dites-moi, comment !!!!
Je termine mon repas sous l’œil amusé de Seye, qui lui n’a pris qu’une entrée.
On dine dans notre chambre, et quand je finis, il appelle le service d’étage pour récupérer les plateaux et demander des snacks pour la suite de la soirée.
Il prend ensuite mon ordinateur pour se connecter à internet et choisir un programme intéressant, pendant que je défais le lit et retire les draps pour les porter jusqu’au balcon.
Depuis notre séjour à Kano, c’est devenu une sorte de rituel. On se pose à la belle étoile, sur le balcon pour se câliner et regarder la télé jusqu’à ce qu’on s’endorme. Je suis étonnamment à l’aise avec le fait de dormir avec Seye, alors qu’avant son séjour à Accra, en octobre dernier, je ne l’avais jamais fait. Mais contrairement à ce que je craignais, c’est super facile.
Et, fatalement, notre proximité physique en entraine une autre un peu plus… biologique, je dirais. J’ai l’impression qu’en sa présence, mes nerfs lâchent et mes hormones prennent le dessus. Ça a l’air d’être pareil pour lui. On se touche plus depuis deux mois qu’on ne l’a fait en deux ans. Par se toucher, j’entends se caresser et se peloter. Avant, on se contentait de s’embrasser, parce que Seye disait que faire autre chose nous conduirait indubitablement à faire l’amour. Et il s’y refuse catégoriquement. Pourtant je le lui ai proposé. Pour notre deuxième anniversaire de relation (évidemment, je n’en ai pas parlé à Marina, ni à Christophe, dans mon journal, mais à vous, je veux bien raconter, une autre fois cependant). Et il a dit non. Sans ciller, sans hésiter, sans bégayer.
N’y voyez pas une quelconque galanterie ou une volonté de respecter mes désirs, il est parfait, mais il n’est qu’un humain. Ce qui se passe, si vous voulez mon avis, c’est qu’il a peur. Il n’a jamais défloré de fille et ne veux même pas y penser. Il dit et je cite :
- Si la caverne est déjà ouverte, je peux l’explorer. Mais je ne peux pas venir ouvrir. Imagine que je quitte la fille après, je prête le flanc à toute sorte de malédiction. Non merci.
Apparemment, c’est arrivé à un de ses cousins qui a passé je ne sais combien d’années incapable de procréer avant que la fille ne lui pardonne finalement et que le charme soit rompu.
Bref, je disais donc qu’on se ‘’découvre’’ on va dire, physiquement parlant. Il m’apprend à apprivoiser le corps masculin et j’apprends en même temps à connaitre mon corps. Il arrive à faire vibrer des endroits de mon anatomie dont j’ignorais jusqu’à l’existence.
Je sais que je le devrais, mais je n’arrive pas à me sentir coupable vis-à-vis de Christophe. Au contraire, j’en suis à me demander pourquoi on ne s’y est pas mis plus tôt. Je veux dire, c’est un ‘’entrainement’’ non ? Un test avant l’utilisation définitive, un stage avant l’emploi. Je devrais donc, au sortir de cette relation, être fonctionnelle pour Christophe, tant au niveau émotionnel qu’au niveau physique. Je dois être capable de savoir comment le toucher autant que comment l’aimer. Et puis, comme je le disais tantôt, j’aime vraiment Seye. C’est normal, quand on s’aime, de se désirer charnellement. C’est peut-être moins important pour certains que pour d’autres, mais c’est bien là. Du coup, je ne pense pas qu’il prenne mal le fait que j’aie découvert, touché et caressé un corps masculin avant le sien, s’il ne s’offusque pas que j’aie aimé quelqu’un avant lui. En tout cas, ce n’est pas l’éventualité qu’il se fâche qui va m’empêcher de me laisser aller dans les bras de mon copain. Parce que je veux vraiment apprendre. Et je préfère encore le faire avec Seye, que je connais et en qui j’ai confiance, plutôt que sur un forum anonyme froid et virtuel, ou, pire (pour moi en tout cas), toute seule, avec pour seule compagnie un jouet de plastique.
Je termine d’installer notre nid douillet sur la terrasse pendant que Seye, qui a choisi le programme – un film d’afro américains sur Netflix – gère ses affaires avec les gens du room service qui sont arrivés entre temps.
Quand il revient dans la chambre, il me prend dans ses bras pour me porter jusqu’au lit improvisé et me lover dans ses bras. Il lance ensuite le programme et rabat la couette sur nous.
Si ce n’est pas ça, le bonheur…
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*Sakawa: nom donné aux crimes rituels au Ghana