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3 - Un dîner ennuyeux

Alexandra :

Il est l'heure que je me rende à la réception, je ne peux me permettre d'être en retard. Après tout, elle a été organisée en mon honneur. En tant qu'invitée principale, je traverse, la peur au ventre, les longs corridors qui mènent à la salle de réception. J'entends déjà les nombreux invités échanger des banalités. Je m'arrête un instant avant d'entrer, j'ai besoin encore d’un peu de temps pour calmer les battements de mon cœur. J'aimerais que mon père soit près de moi pour m'apporter un peu de soutien, et son bras pour me retenir au moindre faux pas. Je n’ai rien à quoi me raccrocher pour m’encourager à franchir cette porte.

Je souffle et prend mon courage à deux mains. J'entre dans la pièce, personne ne remarque ma présence. J'aperçois mon père près de son ami à l'autre bout de la salle, je m'avance lentement vers lui. Quand les invités prennent conscience de ma présence, mes jambes tremblent, j'ai peur de faire un impair, de chuter. Je sens mon visage rosir, je n'aime vraiment pas voir tous ses yeux fixés sur moi. Je baisse la tête, je ne suis plus si rassurée que cela.

Comme s'il devinait mon trouble, un homme que je devine sans difficulté être le prince Edmund me présente son bras pour m'accompagner jusque ma place. Je n'ose pas regarder son visage, je fixe devant moi. Je suis intimidée tout à coup, et mon cœur bat très vite dans ma poitrine. Il me dirige vers une chaise près de lui. La repousse avec courtoisie pour que je puisse m'asseoir. Je m'exécute, je n’ose toujours pas le contempler. Le prince prend place à mes côtés. Tous les invités suivent et s'installent autour des tables. Les discussions reprennent. Je souffle de soulagement lorsque leur attention dérive vers les voisins de table pour poursuivre leurs conversations.

Je jette un œil dans la pièce, tous les invités sont des nobles. Je repère les dames de la cour dont j'ai surpris la conversation plus tôt. L'une d'entre elle ne cesse d’observer le prince. La concurrence est rude ! Je renonce à toute lutte. Je ne suis pas intéressée par celui-ci. Cependant, je n’aime pas que cette femme nous surveille. J'oriente ma tête vers ce dernier, il ne me dévoile que son profil, déjà très prometteur. Il est en pleine discussion avec son voisin. En fait, il ne m'accorde aucune attention. Il m'a accueilli pour obéir au protocole. Je reporte à nouveau mon regard sur ma rivale, elle le dévore littéralement. J’imagine qu’elle est très amoureuse de lui, et me voit comme un obstacle à son bonheur. Et lui ? Il pense la même chose ? Est-ce que je joue le rôle de la perturbatrice dans leur relation ? Je me pose beaucoup de questions. Je serre mes lèvres, et je me tourne vers mon père. Il me sourit. J'ai de la chance de l'avoir. Son sourire me réconforte parce que j’avais l’impression d’être totalement transparente.

De tout le repas, le prince n'a pas posé les yeux sur moi, ni même parlé avec moi. En toute honnêteté, je m'ennuie à mourir. J’ai l’impression de ne pas être à ma place du tout. J'observe les invités et surprend quelques regards masculins se poser sur moi. Il y en a au moins quelques uns qui me remarquent. Les serviteurs apportent le dessert. Heureusement que mon père détend l'atmosphère en évoquant ses souvenirs de guerre avec son ami. Je les écoute attentivement parler de leurs exploits, ils sont si fiers d'eux. Je souris, leur amitié fait plaisir à voir. Dommage que celle-ci doit impliquer mon mariage. Qu‘en sera-t-il de leur amitié si je refuse le mariage avec le prince ? Je me redresse sur ma chaise. Je causerais du tort à père ? Je déglutis. Je n’avais pas du tout pensé à cette conséquence. Suis-je une fille égoïste ?

Puis à bout de patience et très énervée, je me tourne vers mon prince. Et lui reproche :

"- Vous avez l'intention de m'adresser la parole durant la soirée, ou, vous allez continuer à m’ignorer totalement! »

Il tourne complètement sa tête vers moi. Je peux le contempler enfin. Il est sublime, je contrôle mes émotions. Bien plus beau que dans mes souvenirs ! Je comprends mieux l’intérêt des dames de la cour pour lui. Son visage est parfait, ses yeux bleus si profonds. Je détourne le regard, j’ai peur de m’y noyer, et que mon cœur chavire.

Il hausse un sourcil, surpris par mon audace. Je ne me laisse pas démontée. Et je poursuis :

"- Je comprends que ce mariage arrangé puisse être un fardeau pour vous. C'est également le cas pour moi. Vous n'avez qu'à demander à votre père de l'annuler, je ferais de même avec le mien. Ainsi, nous ne serions pas obligés de nous unir contre notre gré, ni de nous côtoyer !"

Je me tais. Suis-je allée trop loin dans mes paroles ? Je ne suis plus aussi confiante que cela. En fait, je compte beaucoup sur son soutien. Mais, je crois que ma manière de demander son aide est très maladroite et peu porter à confusion. Il me fixe et j'ai du mal à analyser l'expression de son visage : la colère, la déception. Il ne me répond toujours pas. Je suis agacée par son attitude. Je soupire ouvertement.

J'enchaîne :

"- Je pense qu'il aurait été plus correcte de votre part de nous éviter ce déplacement pénible. Je suis d'accord que nous marier serait une grossière erreur !" J'insiste.

Enfin, il me répond :

"- Je vous trouve un peu présomptueuse de vous permettre de parler de cette manière à votre futur mari" lance-t-il brutalement pour me désarmer.

Je ne le comprends, je lui donne une opportunité d'en finir avec toute cette histoire sordide. Qu'est ce qu'il recherche ?

Devant la réaction du prince, je trouve une répartie :

"- Cela me rassure, vous n'êtes pas muet ! Vu que vous ne m’avez pas adressé la parole depuis le début de la réception, j'avoue avoir eu un doute !" J'ironise en souriant.

"- Ne me prenez pas de haut ! J'ai horreur de ses manières chez une demoiselle ! Je peux vous garantir que cela ne se reproduira pas lorsque nous serons mariés. Je ne le tolérerais pas !" Il me casse.

"- Qui vous dit que j'accepterais d'épouser un homme tel que vous. Vous m'ignorez depuis que je suis assise près de vous, vous me tournez même carrément le dos. Qui a de mauvaises manières, ici ?" Je me défends en haussant la voix.

Il m'observe. Je me sens intimidée, et je sens le rouge monter à mes joues. Il poursuit :

"- Franchement, je ne vois pas sur quoi nous pourrions discuter ensemble. Nous n'avons certainement aucun centre d'intérêts communs."

"- Je sais qu'à vos yeux, je ne suis qu'une femme que l'on vous impose. Et peut-être même que votre cœur est épris ailleurs.(je fais allusion à sa maîtresse)" J'essaie de l'amadouer.

"- Qui vous a dit que je ne voulais pas vous épouser ?" Il se révolte.

Quoi ? Je n'en reviens pas. Il n'est pas contre notre mariage ? Je suis en colère. Je baisse la tête désespérée. Il continue à me fixer. Je tourne mes yeux vers lui. Il sourit. Je l'amuse ou il se moque de moi ! Ses yeux se posent sur ma bouche. Ah, c'est embarrassant ! D’autant plus que mon cœur n’arrête pas de faire les montagnes russes. Je ne comprends pas pourquoi je réagis de cette manière.

Je me concentre sur le dessert que je savoure. Je promène à nouveau mes yeux sur les invités et je remarque le regard intense de la maîtresse du prince sur moi. Elle semble jalouse. Son regard noir me désarme un peu. Elle semble être capable de tout pour garder son amour de prince. Si elle est jalouse, elle peut agir de façon inconsidérée, et provoquer un scandale. Ce qui entraînerait la fin de notre mariage. Cette hypothèse est intéressante. Je devrais attiser la jalousie de la maîtresse.

Quand j'ai fini mon dessert. Le prince me dit :

"- Votre père a vanté auprès de nous votre jolie voix. Nous feriez-vous le plaisir de chanter une chanson pour nous permettre d’en juger par nous-même ?"

Je n'ai pas envie de chanter pour lui et pour toute l'assistance. Je n'ai jamais chanté en public d'ailleurs. Je m’apprête à décliner.

"- Je suis pressé d'entendre votre voix, charmante demoiselle" Il insiste.

Il se venge. Alors, au bord du désespoir, je me place devant l'assistance. C'est une conspiration. Au bout d’un combat avec moi-même et d’un effort surhumain, je parviens à reprendre mes esprits et me concentrer sur la chanson. Je respire fortement pour chasser le stress. Ma voix commence à retentir dans la pièce. Je dois être performante pour ne pas contredire les flatteries de mon père. Je n’ai pas le droit à l’erreur dans ces conditions. Je pose un regard sévère sur le prince. Je compte bien me venger de cet homme par la suite.

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