4 - Rapprochements laborieux

Tous les invités écoutent la princesse Alexandra avec respect et intérêt. A la fin de la chanson, elle est applaudie, les invités se lèvent. Elle les remercie en les saluant. Le prince est également sous le charme. Elle ne voit personne, la seule présence qu'elle a remarqué pendant qu'elle chantait été celle de son père qui l’encourageait en l’admirant avec passion. Elle regagne sa place. Le prince la félicite pour sa voix. Elle lui sourit timidement pour rester polie, mais elle le déteste au fond d’elle.

Le bal commence. Le prince reste assis à sa place. Il reprend le fil de sa conversation avec son voisin. Elle soupire en laissant vagabonder son regard parmi les invités. Alors un jeune et charmant comte se lève et vient demander au prince l'autorisation d'inviter la princesse à danser. Le prince se tourne vers elle, la contemple quelques secondes, et finalement, préfère l'inviter à danser. Elle gratifie le jeune hommee d’un sourire timide, un peu embarrassée de la réaction du prince.

Le couple danse désormais sous les regards envieux et amusés des invités. Alexandra ne voit que le prince. Elle ne peut détacher son regard du sien, confrontation entre le bleu azur et le bleu fond d’océan. Il est hypnotisant. Et quand les paumes de leurs mains se touchent, elle frissonne. Cette proximité entre le couple princier est troublante. Elle sent qu’elle vibre, en parfaite symbiose, et en rythme avec son partenaire, lui-même excellent danseur. Elle est partie dans ses pensées, elle s'évade de la réception, elle est déjà loin, chez elle, avec son prince dans son jardin. Elle ne remarque pas que la mélodie vient de se terminer. Le prince lui tient encore la main. Quand elle reprend conscience, elle essaie de la retirer, mais il la retient fermement. Tous les yeux sont posés sur eux, elle fait attention à ces gestes. Il se penche et dépose un baiser sur sa joue. Elle rougit encore, et le fixe étonnée. Le prince annonce à voix haute :

"- Mes très chers amis, mes chers parents, vous avez été conviés à cette réception afin que je puisse vous présenter la princesse Alexandra Bernsberg, ma fiancée et future princesse.".

L’assistance applaudit pour indiquer leur approbation. Alexandra s’effondre intérieurement.

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Alexandra :

Je me sens prise au piège. Cependant, je tiens mon rôle, j'offre un sourire à l'assistance. Quelques minutes passent pendant les félicitations des invités. Puis, le prince libère ma main. J'en profite pour m'échapper de la réception. En fait, je suis en colère. Pourquoi, veut-il m'épouser ? Quel est l'intérêt pour lui ? Cela ne peut pas être nos biens ! Leurs leurs sont plus importants que les nôtres ! Je ne trouve aucune raison valable à son comportement contradictoire.

Je cours dans les couloirs jusqu'à ce que je parvienne dehors. Je me réfugie dans la grande cour déserte. Je respire l’air frais à plein poumon. Enfin, libérée de toute pression pesante, je m'approche du puits au centre de la place. Je me penche pour contempler l'eau. J'y vois mon reflet et la grande tristesse qui passe dans mon regard. Force est de constater que je suis touchée par le prince. Il ne me laisse pas indifférente, mais, je ne changerais pas d’avis. Je refuse ce mariage à cause de la précipitation de son organisation, des maîtresses du prince, etc. Mon cœur qui bat, mon intimidation devant lui sont des symptômes de l'amour ? Comment dois-je les interpréter ? Je suis amoureuse du prince ? Impossible ! Je ne dois pas ! De plus, il est tellement inaccessible. Comment puis-je avoir des sentiments pour lui ? Je chasse ses pensées de ma tête.

Le jeune garçon que j'ai rencontré à l'époque avait beaucoup de charisme. Ce soir, je ressens à nouveau cette même force, et une autre émotion encore indéfinie en sa présence. Aujourd'hui, le prince est très froid avec moi, même s'il fait des efforts pour être courtois. Comme le disent si bien les dames de la cour, comment peut-il tomber amoureux d'une jeune fille innocente, candide comme moi ? Ce n'est évidemment pas ce que je souhaite. J'ai l'impression de perdre pied, et le plus désarmant dans tout cela, c'est que je ne sais plus quoi penser. Je n'ai plus mon petit cocon réconfortant, rien à quoi me raccrocher en cas de défaillance. Ici, je serais loin de mes parents. Je mesure l’ampleur de ma situation. Je ne veux pas de cette vie, avec un prince qui ne pourra jamais m'aimer. Je soupire, je déteste ma vie actuelle. Si je pouvais m’enfuir, très loin. Je ravale mes larmes au cas où quelqu’un me verrait en train de pleurer. Mais mon cœur est meurtri par la déception de devoir m’engager avec un homme qui ne m’apprécie pas, et parce que je ressens un grand vide en moi.

J'entends un hennissement. Je relève la tête du puits. Je suis à proximité des écuries royales. Je m'y dirige espérant obtenir un peu de réconfort auprès des chevaux. J'entre dans celle-ci, magnifiquement entretenue. Je suis captivée par un élégant étalon noir. Méfiant au premier abord, il se laisse approcher et flatter. Il est calme, je suis attendrie par cet animal. Il réconforte mon cœur désespéré. Je le caresse avec conviction, je me sens bien. Je prends la tête du cheval entre mes mains et je dépose un baiser au-dessus de son museau.

"- Mon cheval a beaucoup de chance !" s'exclame le prince.

Je sursaute au son de sa voix. Je m'excuse auprès de lui :

"- Désolée, je ne savais pas qu'il s'agissait de votre cheval, votre majesté !"

La colère passée, je respecte le protocole quand je m’adresse à lui.

"- Vous n'avez rien fait de mal. Et en plus, mon cheval habituellement, ne se laisse pas approcher facilement. On dirait que vous lui plaisez ! Vous n'êtes pas obligée de m'appeler "votre majesté", lorsque nous sommes ensemble, Alexandra !" Il est aimable. Il me surprend.

Je suis saisie par sa voix quand il prononce mon prénom, j’ai ressenti un pincement au cœur. Pourquoi est-il aussi prévenant ? Pourquoi souhaite-t- il m'épouser ? Pourtant, il doit sentir tout comme moi qu'il y a un malaise entre nous. Nous sommes de parfaits étrangers l’un pour l’autre. En quelque sorte, j’admire ce prince qui assume ses responsabilités. Il s'arrange pour tout ce passe comme prévu par nos pères. Il est un homme d'honneur. Il renonce à l'amour de sa maîtresse pour son royaume et ses sujets. Cependant, il y a trop de bravoure dans son attitude, s’il pouvait seulement partager mon désaccord.

"- Je constate que vous avez le même pouvoir envoûtant sur les animaux que sur les personnes" Ajoute le prince.

"- Pardon ! Moi, un pouvoir envoûtant ? Vous devez faire erreur, Votre Majesté ! Je suis juste moi-même, j'aime la vie, j'aime les gens et les animaux !" Je lui précise.

Il me dévisage, je suis mortifiée par son regard bleu foncé. Je serre les poings, il met un point d’honneur à me déstabiliser. Il joue avec moi, c’est navrant.

Il m'invite à visiter son écurie. Il raconte une anecdote à chaque cheval rencontré. Je pourrais l'écouter parler avec autant de passion pendant des heures, mais je m'inquiète de ce que les invités pourraient penser de son absence. D'ailleurs, je lui rappelle :

"- Excusez moi, Votre Majesté ! Mais, je pense que les invités vont s'inquiéter de votre absence."

"- Je comprends, appelez moi Edmund !" Il insiste.

"- Ah, j'allais oublier. Laissez de côté vos idées préconçues sur moi. Apprenez à me connaître avant de me juger !" Il ajoute.

Le prince m'observe, ses yeux sont posés sur moi. A quoi pense-t-il ? Son silence est désarmant. Je suis mal à l'aise tout à coup. Il a essayé de faire tomber les barrières, mais il reste impressionnant. J'apprécie son effort d'approche, cependant tout en m’interdisant de succomber à son charme.