Chapitre 6

Aimez-vous les mathématiques ? 

Pour un certain nombre de personnes, la réponse sera un ''Non'' catégorique et en majuscule. Je le pense parce que je ne connais pas grand monde qui les aime. Mais je sais qu'il en existe des tas. En ce qui me concerne, il est quasiment impossible d'employer le mot mathématique et mon nom dans la même phrase. Ils ne font pas bon ménage. En un mot, les mathématiques et moi c'est un amour voué à l'échec. Ce n'est pas parce que je ne les aime pas, détrompez-vous. Ce sont elles qui ne m'aiment pas. On ne force pas l'amour, alors je laisse le temps faire. 

De toute façon, je ne me vois pas ramper à leurs pieds pour cela. 

Je suis actuellement en route pour mon prochain cours. Je crois qu'il est inutile de préciser lequel, vous l'avez sûrement compris. Je ne suis pas vraiment impatiente de m'y rendre alors je traîne mes pas du mieux que je peux. Je sors mon téléphone de ma poche et regarde combien de minutes il me reste avant d'être définitivement en retard. 

5 minutes. 

Je soupire et me presse un petit peu. Quand je lève mon regard de mon téléphone, je vois à pas plus d'une dizaine de pas de moi, le beau Joshua. Il vient dans ma direction et paraît très occupé sur son téléphone. Il ne m'a pas vu. C'est normal, il ne regarde pas où il va. Soudain, une scène digne d'une pièce théâtrale, se joue dans ma tête. Je me concentre rapidement sur mon téléphone, faisant mine de faire quelque chose dessus et je vais à sa rencontre. Je relève un petit peu les yeux pour être sûre que c'est bien sur lui que je fonce et en un rien de temps, nos corps entrent en collision. 

- Aïe ! 

Parfois, il faut forcer le destin. 

- Merde ! Désolé. 

Je le vois se précipiter sur moi pour m'aider à me relever. 

- Est-ce que ça va ? Me demande-t-il. 

Oui ça va. Ça va même très bien. La secousse a été brusque, mais pas assez pour me faire tomber. Je me suis jetée au sol toute seule. Mais ça, il n'a pas besoin de savoir. Je fais une grimace alors qu'il m'aide à me relever. 

- Je... je crois... 

- Je suis vraiment désolé, je ne regardais pas où j'allais. 

- Ne t'en fais pas... Moi non plus. 

Il me tient toujours par l'avant-bras. Son toucher me fait frissonner. J'ai l'impression que je vais m'évanouir. Je vois ses lèvres bouger, mais aucun son ne me parvient aux oreilles. Il me regarde bizarrement avant de me lâcher. Ses yeux semblent chercher quelque chose au sol et la seconde d’après, il se baisse. Mon regard suit ses mouvements de près. Il ramasse deux téléphones et mes livres éparpillés par terre et se redresse. Quant à moi, je reste planté là, tel un poteau électrique. 

- Je pense que ça t'appartient. 

Il me tend mon téléphone et mes livres. 

- Oh... Euh... En effet, c'est à moi. Merci. 

Je récupère mon portable et mes effets scolaires tombés lors de ma petite prestation de ses mains. Je place mon portable dans la poche arrière de mon jean sans le quitter des yeux et serre mes livres contre ma poitrine. C'est la première fois que je le vois d'aussi près, alors j'en profite. Nous nous regardons sans rien dire. Une sorte de gêne commence à s'installer. Je le vois baisser de nouveau les yeux sur son téléphone et je sens qu'il ne va pas tarder à me dire qu'il doit s'en aller. 

Allez, Anya trouve quelque chose à dire avant qu'il ne se casse. 

- Aimes-tu les maths ? 

QUOI ? 

Il relève la tête, m'observe avec curiosité et fronce les sourcils. 

- Sérieux ? 

Là, maintenant, j'aimerais que la terre s'ouvre sous mes pieds et qu'elle m'engloutisse. Je rougis, mais je baisse la tête pour ne pas qu'il le remarque. Ça me générait encore plus. 

- Tu es bizarre comme fille. 

- Oh... Je murmure 

Je ne sais pas pourquoi mais ses paroles se présentent à moi comme un grand coup dans le derrière. Tout le monde me trouve bizarre dans cette école, mais j'espérais que ce ne soit pas le cas pour lui. 

- Enfin, pas bizarre dans le sens négatif... 

Ah, parce qu'on peut être bizarre dans un sens positif ? Je le regarde et c'est à mon tour de froncer les sourcils. 

- Mais bizarre, bizarre quoi. Mmm... Je m'enfonce là. Hein ? 

Je lui souris. Il est vraiment mignon comme ça. 

- Oui, j'aime les mathématiques, finit-il par répondre. En fait, sans vouloir me vanter, je suis plutôt bon en cette matière. 

Je le sais. C'est pour cela que j'ai trouvé ça stupide de lui poser la question tantôt. 

Il me demande si c'est pareil pour moi. Je lui réponds simplement que les mathématiques ne m'aiment pas ; et il rit doucement. 

- Tu cherches quelqu'un pour t'aider à réviser ? Il ne me laisse pas répondre et poursuit. Si tu veux, je peux m'en charger. 

J'ai l'impression d'avoir mal entendu. Joshua voulait m'aider à réviser. Ce qui signifie que l'on pourrait se voir assez souvent, se parler et même devenir amis. Et qui sait, être plus. 

- Tu... Vraiment ? 

- Oui. Passe-moi ton numéro et je t'appellerai pour choisir un jour et un endroit pour cela. 

Il me tend son téléphone. Je le lui arrache presque, trop impatiente d'inscrire mon nom dans ses contacts. C’est l'occasion en or pour moi de me rapprocher de lui. J'entre mon numéro et l'enregistre sous mon nom sans demander son avis puis je le lui remets. 

- Bon, je dois vraiment y aller, là. Je t'appelle d'accord ? 

Je hoche la tête en souriant et me dégage un peu pour qu'il puisse passer. Il fait quelques pas pour s'en aller, puis s'arrête soudainement. 

- Au fait, moi c'est Josh... 

- Joshua, je sais. Moi, je m'appelle An...

- Anya, je sais. 

Je souris. Il connaît mon prénom. Je m'apprête à le remercier pour l'aide qu'il veut m'apporter, mais il m'interrompt. 

- Ne me remercie surtout pas. Considère que c'est pour me faire pardonner.

°°°

J'ai un souris idiot plaqué aux lèvres depuis tout à l'heure. Je ne peux pas m'en empêcher, peu importe ce que je fais, mes lèvres s'étirent toutes seules. Actuellement je suis dans les toilettes en train de me rafraîchir. Oui, je sèche les cours de mathématiques. Après ma discussion avec le beau Joshua, je me suis directement rendue ici pour exprimer ma joie à l'abri des regards. D'ailleurs je crois que lui aussi sèche car il est parti dans le sens opposé de la salle de cours. 

Pendant que je me passe de l'eau sur le visage, j'entends quelqu'un entrer mais je ne prête pas attention à cette personne. 

- C'était plutôt bien joué. 

Mon corps entier sursauta à l'entente de cette phrase, mais ce n'est pas la phrase en tant que telle qui m'a le plus surpris. C'est la voix qui la dite. Une voix d'homme ; mais pas de n'importe quel homme. Je lève ma tête et le regarde à travers le miroir. 

- Colin. 

Voilà deux jours qu'on s'évite. Le jour d'après notre... Petit moment d'égarement, il était venu me voir pour me prévenir qu'il avait classé tous les livres et que je n'avais pas à m'en faire. Sans vous mentir, j'avais oublié cette histoire de livres à ranger par ordre alphabétique, mais je m'étais gardée de le lui dire. Depuis, tout était redevenue comme avant. Et voilà qu'aujourd'hui, il revient me voir. 

- Ils m'ont manqué. 

Je fronce les sourcils et le regarde sans comprendre. Il vient coller son torse contre mon dos puis passe rapidement ses mains sous ma chemise. Je me fige. Il la remonte littéralement et d'un geste vif, dégage mes tétons de mon soutien-gorge. On peut les voir à travers la glace. Mes mains se posent immédiatement sur les siennes. 

- Colin...

Il attrape chacun d'eux et les roule entre ses doigts. 

- Oui, ils m'ont terriblement manqué.