CHAPITRE 4
La petite écolière, après avoir salué sa mère de son retour de l’école cet après-midi-là, avait abandonné la daronne dans la cour et se dirigea vers la chambre. La mère, quant à elle, était assise sous un hangar, faisant face à ses marchandises. Ne voulant pas rester assise devant ses divers les bras croisés sans ne rien faire, elle triait de haricot.
Dès que la jeune écolière entra dans la chambre, elle aperçut sa grande sœur Clara, inquiète. De sa voix triste, elle lui demanda si tout allait bien ?
– Oui, ça va ; bonne arrivée, lui répondit la sœur.
– Merci !
Sans attendre une seconde, Linda continua sa marche et se dirigea ensuite dans la chambre à coucher puis accrocha son sac contre la pointe plaquée dans le mur ; ce clou au bout duquel elle avait toujours l’habitude d’accrocher son sac à dos.
Elle montait le sac contre la pointe lorsque tout à coup elle se souvint du papier que lui avait remis son responsable de classe. Elle redescendit le sac et ouvrit la fermeture de la petite partie qu’elle avait réservée aux objets qui lui étaient d’importante utilité.
Elle en sortit en effet le papier et le déplia. D’une voix silencieuse, elle commença à parcourir la feuille de ses yeux.
Elle fut aussitôt pétrifiée après avoir vu le format des écritures sur le papier. Se frottant les yeux pour mieux voir ce qui était étalé sur la feuille, elle se dirigea les pas lourds, vers son lit et s’y assit. Elle reprit la lecture de plus bel du début mais cette fois, avec de petits chuchotements : « Bonjour Linda. Pardon, je t’aime. Je t’aime. Je te jure que je t’aime. Dis-moi oui. Pardon, je t’aime. Je veux que toi avec moi, on soit papa et maman ; je t’aime, crois-moi ».
La lecture des quelques lignes de la missive troubla aussitôt la tranquillité de la lectrice qui ne savait plus que faire. Il est vrai qu’elle s’attendait à un message mais pas de ce genre-là. Elle fouillait dans sa tête et se demandait ce à quoi ces mots référaient. C’était la première fois de sa vie où on lui adressait une lettre parlant d’amour. Elle reprit encore la missive et la relut une troisième fois. Ne la suffisant pas, elle la relut une quatrième fois et enfin, une cinquième fois.
– Ce n’est pas vrai ; se dit-elle tout bas ; moi, une pauvre fille ? se questionna-t-elle, confuse ; comment Angel peut m’adresser ce genre de message ? Que veut-il au juste de moi ? Et d’ailleurs, nous sommes encore petits ! Qu’est-ce qui l’a poussé à me…
Soudain, une voix venant de la cour cala le reste de ses interrogations dans sa gorge. C’était sa mère qui lui demandait depuis la cour si elle n’avait pas encore fini d’enlever sa tenue kaki ? Linda, cachant rapidement le papier dans son sac, enleva sa tenue d’école et rejoignit la mère sous son hangar.
– Va à la cuisine, lui dit la mère, sers-toi et prends un morceau de viande.
– D’accord, maman ! s’exclama-t-elle en se dirigeant vers la cuisine.
***
Cet après-midi-là, après son repas et même en déjeunant, Linda ne se sentait pas bien. Difficilement, elle se maîtrisait devant l’assiette. Dans sa cervelle, nombreuses étaient des images qui y déambulaient. Tantôt elle se rappelait des gestes que lui avait faits son responsable de classe en lui offrant deux pâtés de son petit déjeuner pendant la récréation. Tantôt elle se souvenait de la dernière phrase que lui avait adressée le jeune garçon lorsqu’elle s’était levée pour rejoindre sa place. À tout ceci, s’ajouta encore le sourire que lui avait offert le petit garçon lorsqu’elle lui avait fait “ au revoir ” de la main. En plus de tous ces souvenirs, venait s’ajouter encore le thème de la lettre.
À l’égard de tout ceci, elle était sans poile et confuse. Elle avait les yeux ouverts mais ne voyait rien de concret dans la nature. Ses idées et son esprit étaient tous en l’air.
– Que dois-je faire ? Comment l’élève le plus brillant de ma classe, et encore pire, le fils d’un grand directeur pourrait tomber amoureux de moi ? N’est-ce pas peut-être un jeu de sentiment ?
Elle se posa la question et garda le silence. Elle pencha la tête pour se regarder la poitrine. Elle y aperçut après un clin d’œil, deux petits citrons qui n’étaient pas encore selon elle, bien prêts à craquer.
– Mais je n’ai que de petits seins, moi ! s’exclama-t-elle.
Elle se toucha les seins et les pressa tout doucement et se dit tout bas :
– Peu importe la taille de mes seins, il faut que j’accepte cette offre. Je ne dois pas la rater ni la rejeter car, je ne sais pas encore ce que me réserve mon avenir.
Ceci dit, la petite fille se leva de son lit et se dirigea dans la cour puis, vers le puits. La mère, étant toujours assise sous le hangar, à la même place, lui demanda s’il était déjà l’heure du retour à l’école.
– Non maman, répondit-elle, notre directeur nous a demandé de vite venir à l’école, mentit-elle.
– Han d’accord ! Alors presse-toi, lui dit la mère.
Elle s’apprêta aussitôt et se rendit à l’école. Ce soir-là, lorsqu’elle arriva en classe, elle demeura pensive. Ce fut une vingtaine de minutes après que ses camarades commençaient par arriver un à un. Pendant tout ce temps, elle avait les yeux fixés dans la cour, guettant l’arrivée de son responsable pour lui annoncer une nouvelle. Oui, elle avait une salive dans la bouche qu’elle souhaitait cracher en présence d’Angel. Elle tenait à lui dire quelque chose qui lui tenait vraiment le cœur.
Était-ce pour lui dire qu’elle était d’avis ? Ou était-ce pour renoncer au désir du jeune amoureux ? Seule elle savait si ce qu’elle avait à dire égaierait le fils du directeur de joie ou non.
Elle était assise à sa place, le regard toujours fixé dans la cour. À chaque seconde qu’un écolier pénétrait dans la cour de l’école, elle se faisait l’idée qu’il s’agirait d’Angel mais après tout, elle se désolait. Désespoir sur désespoir, le jeune écolier finit par faire irruption dans la cour de l’école. Très contente, Linda se leva de son banc et se dirigea vers la portière de la classe, espérant accueillir dans ses bras, le nouveau venu, celui pour qui elle s’affolait il y avait quelques minutes. Elle lui sourit et lui dit « bonsoir Angel ».
Le nouvel arrivé, très heureux de la salutation mêlée au sourire que lui offrait la fille qui faisait battre son cœur, lui répondit d’un merci.
– Tu es la seule ici ? ajouta-t-il, tout sourire.
– Non, d’autres sont arrivés déposer leur sac et sont ressortis tout à l’heure.
– Je vois. Alors dis-moi un truc ; tu as lu le papier ?
– Oui, répondit-elle d’une voix mêlée de joie.
– Et tu en penses quoi ?
– Ce que tu sais !
– Je ne sais rien ! Dis-moi exactement ce que tu en penses ?
– Tu as dit que tu m’aimes n’est-ce pas ?
– Oui ! Je t’aime.
– D’accord ! Si tu m’aimes, alors moi aussi je t’aime.
À cette phrase, une grande joie submergea Angel. Il était si heureux que sur-le-champ, il ouvrit son sac et offrit cinq bâtons de craies de couleur à sa camarade.
– Tu me les donnes ? lui demanda Linda, surprise.
– Oui ; je te les donne ; tu les mérites.
– Alors merci !
– Tu n’as même pas à me remercier.
Linda était quant à elle, aussi, très contente.
– Mais tu sais, j’ai peur, répartit-elle.
– Tu as peur ?
– Oui, j’ai peur.
– De qui as-tu donc peur ? De tes parents ?
– Même pas, mais plutôt de ton père.
– Comment avoir peur de mon père ?
– J’ai peur qu’il ne nous punisse pas parce que nous sommes encore trop petits pour jouer à ce jeu d’adulte.
– Linda, si Dieu a fait que tu n’as pas peur de tes parents, alors sache que tu ne devrais pas t’en faire à propos de mes parents dont mon père en l’occurrence. Laisse-moi gérer cette affaire. Mon père est très loin d’être l’obstacle de notre mariage.
– D’accord ! Si tu es sérieux, alors je te fais confiance !