Résumé
« On s'est connus sur les bancs alors que j'avais onze ans et lui, douze. Qui pourrait imaginer où nous a conduits le bonheur ? » C'est l'aventure de Linda et d'Angel, une histoire hallucinante.
CHAPITRE 1
Ce matin, la ville de Parakou grouillait. Le calme s’était plié et avait laissé place au brouhaha. Du lointain, on entendait le cri des véhicules et surtout celui de leur klaxon.
C’était lundi, le jour considéré comme premier de la semaine selon les artisans où chacun devrait vaquer à ses préoccupations.
Pendant que le mécanicien s’apprêtait déjà pour se rendre dans son atelier, le maître tailleur, peut-être encore au lit, ronflait dans l’espoir que ses apprentis ouvrissent la porte de son atelier avant huit heures et fussent déjà en train de travailler le reste des commandes des clients. Les femmes battantes, quant à elles, très tôt le matin, abandonnaient leur époux comme d’habitude dans le lit pour aller activer le feu, cuisiner le repas qu’elles allaient porter à leur point de vente. En effet, le défi de la semaine était d’une importante utilité pour chacun.
Sinon en ce premier jour de la semaine où les écoliers retardataires couraient pour leur école, Linda était encore à la maison, accroupie, avec une éponge à la main, lavant des bols.
– Linda, sais-tu l’heure qu’il fait à la montre ? lui lança sa mère.
La petite interpellée changea de position afin d’augmenter un peu de pression à sa lenteur au travail.
– Laisse maintenant les assiettes je vais m’en occuper et va rapidement te doucher, continua la mère. Parce que tu vois que le soleil ne s’est pas encore pointé dans le ciel, tu te fais l’idée que tu es encore à sept heures. Ou bien tu as oublié qu’aujourd’hui est Lundi et que tu dois aller au mât ? Ou as-tu oublié que les lundis, on ferme le portail à moins quinze minutes de l’heure ?
Pendant que la mère continuait ses interrogations, la petite, aussi obéissante qu’elle a toujours été, s’était déjà filée sous la douche et s’était vite lavée. Parce qu’elle avait peur, elle n’avait pas duré sous les toilettes avant de sortir. Elle se rappelait de la nervosité de son directeur. Elle s’imaginait également des coups qui allaient retentir sur sa peau dès qu’elle arriverait en classe.
Linda, c’était une jolie fille ; une très belle fille dont, même avec son petit âge, le charme de son visage faisait rêver tous ses camarades garçons y compris même parfois, les enseignants de son école. C’était une fille qui n’aimait pas du tout la chicotte. Elle n’aimait pas, qu’avec sa peau souple, qu’on la touchât d’une brindille de balaie.
Lorsqu’elle finit de s’habiller ce matin-là, elle s’approcha de sa mère qui ne lui posa aucune question avant de lui murmurer :
– Tiens ! Voilà ton petit déjeuner et fais vite. Je ne veux pas qu’on te frappe, ma chérie.
En fait, Linda est une petite fille de douze ans. Elle est issue d’une famille pas trop modeste. Son père est fon, une des langues parlées au Nord du Bénin et d’une mère Nago, une des langues aussi parlée dans la même région que celle de son père. Elle est une très jolie fille et très douée d’intelligence. Elle est écolière en classe de CM². Elle n’est pas l’aînée de la famille. Bien avant sa naissance, ses parents avaient déjà prêté vie à une fille qui récapitulait le symbole du fruit de leur amour.
Linda, comme tout enfant chanceux, avait été élevée par sa mère. Comme nous le constatons le plus souvent, la meilleure éducation était la tâche première des mères. C’était dans cet ordre d’idée qu’elle avait perçu de sa mère, de très bonnes éducations.
– Merci maman, dit-elle lorsque sa pièce de cent francs lui atterrit la paume de la main droite.
Sur le chemin de l’école, Linda courait sans se fatiguer. Elle craignait la chicotte.
Ce matin-là, elle avait beaucoup la chance que ce fût à peine lorsqu’elle mettait le pied droit sur la pelouse du portail de l’École Primaire Publique de l’Organisation Commune Bénin-Niger communément appelé EPP OCBN, que la sirène retentit, ordonnant que tous les élèves se rassemblassent en rang pour la cérémonie des couleurs.
– Merci Seigneur, se dit-elle tout bas.
Sans perdre le temps, elle courut et alla se mettre en rang avec ses camarades de classe. Dans le rang, chacun connaissait sa place. Nul ne prenait la place de l’autre. Chacun savait qui restait derrière lui et celui qui restait devant lui.
Le responsable de la classe, c’était un mignon garçon ; il était d’une taille courte et c’est lui qui gérait d’ailleurs la classe. Il était non seulement meilleur en matière de travail mais aussi très intelligent. Il était d’ailleurs le fils du nouveau directeur de l’école.
Alors ce matin-là, il était debout devant les écoliers en train de fredonner le même refrain de : “ couvrez ! Fixe ! Repos ! Garde à vous ! ”.
Sous ses ordres, les écoliers obtempéraient malgré sa taille. Il était d’une taille courte mais avait le pouvoir de diriger la classe qui comptait environ une cinquantaine d’élèves.
– Où étais-tu, Linda ? demanda-t-il à l’adresse de la retardataire.
Il avait un petit bâton avec lequel il assignait de petits coups soit sur la tête ou sur l’épaule de ses camarades têtus. Mais toujours était-il qu’il n’aimait jamais toucher la petite Linda de son bâton. Il préférait la regarder sur ses erreurs que de réagir. Pour ce faire, beaucoup des écoliers de la classe les soupçonnaient d’amoureux. Angel s’en contrefichait des idées que se prêtaient ses amis.
Ce matin-là, avant que la petite retardataire n’ouvrît les lèvres pour s’exprimer, Angel, le fils du directeur, lui dit :
– Ne cherche même pas à te justifier ; occupe juste ta place dans les rangs.
Or, ce matin-là, Angel avait déjà tapé de son bâton, deux voire trois élèves parce qu’ils n’étaient pas vite entrés dans les rangs. Les deux écoliers frappés il y avait quelques minutes étaient jaloux de sa réaction. Mais puisque c’était son père qui dirigeait l’école, les écoliers s’étaient finalement fait l’idée que c’est parce qu’il se prenait pour le fils d’un grand homme qu’il frappait ceux qu’il voulait.
Peu importe l’idée qu’ils se feraient, Angel ne calculait aucun de ses camarades. Il s’en contrefoutait pas mal.
***
Ce soir, l’obscurité avait déjà gagné les toits. Le petit Angel avait l’air très bouleversé. Il était inquiet devant son cahier de leçon. Il apprenait ses leçons d’éducation scientifique et technologique. Lui qui avait toujours un petit cahier à côté et, après avoir bien bûché ses leçons, les recopiait à nouveau dans le deuxième cahier, avait plutôt ce soir-là, le cahier ouvert à ses côtés et au lieu de faire ce qu’il se donnait déjà l’habitude de faire, avait plutôt le regard fixé ailleurs.
Sa mère, assise dans le divan, l’observait de loin. Quelquefois, la mère le voyait mouvoir les lèvres. Ce qui lui signifiait qu’il apprenait les leçons. Tantôt, elle le voyait secouer la tête. Ses mouvements étonnaient sa mère qui retenait sa patience.
La mère, se concentrant à l’observer, ne lui demanda rien. Elle avait tantôt un œil sur la télévision et l’autre sur son garçon. Le comportement finissait par devenir une habitude et, ne pouvant plus supporter, la jeune mère se leva de son séant et vint vers son garçon. Bien que la mère fût debout tout près d’Angel, il ne s’y rendit pas compte. La mère garda elle aussi, son calme jusqu’au moment où elle l’entendit dire : « Linda, je t’aime ».
La mère prit peur et se fit l’idée d’avoir mal entendu la phrase que venait d’articuler son unique garçon.
– Angel ! s’exclama la mère.
Ce en ce moment que le petit garçon sursauta de sa rêverie et fixa droit sa mère avec les sourcils froncés.
– Maman, tu étais là ?
La mère le considéra pendant un moment et commença par secouer incessamment la tête.
– Maman, est-ce que ça va ? reprit-il.
Au fait, Angel n’avait qu’onze ans. Comme certains parents enseignants en avaient l’habitude, ses parents lui avaient sauté la classe de CE². Ce qui avait fait qu’il n’avait pas encore fermé ses douze ans comme certains élèves pour arriver au niveau de classe où il était arrivé. Il était aussi beaucoup intelligent. Ses interventions faisaient parfois beaucoup réfléchir les gens.
– Angel, sont-ce les leçons-là que tu apprends comme ça ? lui demanda la mère.