Chapitre 3 : Le devoir d’une épouse
Après avoir passé toute la nuit seule dans la chambre, Lisa se leva tôt. Elle déplaça ses affaires dans l’armoire, et occupa toute la chambre. Elle avait déjà été claire avec Yves hier soir, sur le fait qu’ils ne partageraient pas la même chambre. Donc, cette chambre lui appartenait. Après tout, pour le faux couple qu’ils étaient, l’un ne devait pas se mêler des affaires de l’autre. Et cette situation l’arrangeait beaucoup.
Quand Lisa descendit après avoir fait sa toilette, elle trouva un essaim de domestiques en mouvement. Elle avait un peu faim, et voulait demander le chemin de la cuisine, quand une domestique tendit directement la main, pour la pousser.
— Qui est cette femme ? s’offusqua cette dernière avant de pousser Lisa. Bouge-toi !
Lisa ne fit pas attention, et elle tomba par terre. La domestique lui lança un regard hautain, qui fut tout de suite remplacé, par une attitude respectueuse mêlé à de la crainte.
« Qu’est-ce-qui a bien pu se passer ? » se posa-t-elle
Avec l’aide d’une paire de mains douces, Lisa se releva, avant de se retourner pour découvrir des yeux tendres et doux. En face d’elle, se tenait un homme qui portait une chemise blanche sans aucun repli, avec un sourire doux comme la brise printanière. Lisa se perdit dans sa contemplation. Mais quelques secondes plus tard, elle reprit ses esprits, puis recula immédiatement d’un pas, pour prendre ses distances avec lui.
— Merci. Mumura-t-elle à son bon samaritain.
— De rien, ma belle-sœur ! lui répondit ce dernier.
— Belle-sœur ? s’étonna Lisa
— Effectivement ! lui confirma-t-il. Je suis Brunoi, le frère aîné d’Yves.
Après qu’il se soit présenté, Brunoi Chevotet tendit la main à Lisa. Cette dernière était stupéfaite pour effectuer le moindre mouvement.
« Ah ; c’est son frère ! », pensa-t-elle.
D’un air toute hébétée, elle lui tendit finalement aussi la main, pour serrer la sienne.
— Bonjour Brunoi. Finit-elle par le saluer, d’une voix apparemment nerveuse, ce qui n’échappa pas à son beau-frère.
— Je te prie d’excuser les domestiques pour cette erreur. S’excusa-t-il à la place des employés de maison. Ne le prends pas à cœur, car chez les Chevotet, tout le monde est sympa. Je vais leur en toucher un mot !
Elle hocha la tête.
— Merci, Brunoi. Le remercia-t-elle.
Brunoi sourit à cette dernière, et voulut dire quelque chose, mais fut interrompu par une voix froide qui résonna à leur côté.
— Il semble que j’arrive au mauvais moment, n’est-ce pas ?
« Cette voix... » paniqua-t-elle secrètement.
Lisa jeta un regard dans la direction de la voix. Alors, elle vit venir vers eux, Bastien qui poussa Yves assit dans son fauteuil roulant, une couverture mince lui recouvrant les genoux. Bien qu’il soit coincé dans son fauteuil roulant, il avait l’air digne d’un empereur.
Son regard froid comme la lame, se posa sur le visage de Lisa. Instinctivement, cette dernière baissa la tête, se sentant du coup, coupable.
« Mais attendez ; pourquoi se sentirait-elle coupable ? Elle était juste en train de saluer un membre de sa famille. » se fustigea-t-elle mentalement.
— Yves, on te rencontre rarement à la maison. Déclara Brunoi, quand ce dernier arriva à leur hauteur.
Brunoi adressa aussi un sourire à son frère. Mais Yves sans aucune expression, lui répondit juste d’un hochement de tête indifférent.
— Brunoi. Marmonna Yves entre les dents en guise de salutation.
Après quelques secondes...
— Bien ; je vous laisse alors ! annonça Brunoi. Puis, en se tournant vers Lisa, il lui fit savoir doucement. Lisa, je dois aller à la compagnie, et je vais quitter en premier.
Tellement abrutie pour prononcer un mot, elle hocha la tête en guise de réponse, avant de regarder Brunoi les quitter. Toujours perdue dans ses esprits, elle était sur le point de se retourner quand ;
— Les femmes divorcées, sont-elles à ce point si salaces ? ricana Yves à ses côtés. Tu es à ce point impatiente de séduire les hommes ?
En entendant cela, Lisa retrouva soudainement ses esprits.
— Quoi ? s’outra-t-elle, en rivant ses yeux à ceux d’Yves.
Sous les yeux noirs foncés de celui-ci, il y avait les ténèbres qui lui manifestaient de l’hostilité. Aussitôt, elle se mordit les lèvres.
— Je ne suis pas si obscène comme tu le penses et sous-entends. Lui fit-elle savoir.
— C’est ça ! railla-t-il d’un air narquois, se fichant d’elle. Parce qu’à ton avis, une femme divorcée comme toi, qui était impatiente de chercher son mariage prochain, n’est-elle pas obscène ?
Lisa serra les poings, un peu en colère à l’entente de ces paroles.
Etait-ce elle qui a voulu ce mariage ? Elle n’avait pas eu le choix.
Cependant, elle n’allait rien lui dévoiler sur les faits. Malgré tout, si elle arrivait à y rester, tout irait bien. En y réfléchissant, Lisa relâcha ses poings serrés.
— Il te vaut mieux tenir ta promesse et garder tes distances avec les Chevotet. Balança Yves. Si je découvre que tu fais quelque chose au nom de Chevotet, ou que tu as de mauvaises intentions envers eux, je promets de te faire mener une vie de chien !
Il eut un silence d’une seconde.
— Bastien ! interpella-t-il aussitôt, son assistant.
Et sans un mot de plus, Bastien comprit l’ordre d’Yves, puis s’entreprit de le pousser, afin de quitter les lieux. Juste après leur départ, une domestique vint dire à Lisa.
— Madame Clélie ; monsieur Olivier vous demande !
« Monsieur Olivier ? N’est-ce pas le grand-père d’Yves ? » se demanda-t-elle intérieurement.
Lisa devint immédiatement nerveuse. Sa mère lui avait dit avant, qu’aucun des Chevotet ne connaissait Clélie, raison pour laquelle, ils avaient eu l’audace de marier Lisa à la place de Clélie.
Mais à cet instant, entendre que monsieur Olivier la demandait, rendit Lisa anxieuse sur le champ. Très observatrice, en la voyant hésiter sur place, la domestique comprit directement l’état d’esprit de la demoiselle.
— Madame Clélie, suivez-moi ! la pressa-t-elle.
Sortie de ses rêveries, Lisa hocha la tête, puis la suivit. La villa des Chevotet était si grande, que Lisa s’égara presque, malgré le fait qu’elle soit guidée par la domestique. Un peu plus tard, elles arrivèrent à la salle d’étude.
— Madame Clélie ; entrez ! lui recommanda respectueusement, la domestique.
Lisa la remercia, puis entra. Comme elle l’avait prédit, la salle d’étude était solennelle et auguste, où les bibelots et les étagères étaient classiques. Sur les rayons, s’exposait une variété de calligraphies et de peintures. Mais elle n’y jeta qu’un coup d’œil rapide, avant de se retourner vers l’homme présent dans la salle d’étude.
— Bon... bonjour, beau grand-père. Bafouilla-t-elle.
Elle leva la tête pour le regarder, et fut immédiatement saisie par son regard habile. Olivier la jaugeait. En raison du mensonge sur son identité, Lisa devint soudainement nerveuse, et n’avait rien à faire que de baisser les yeux, de peur qu’il n’aperçoive son scrupule, sous son regard.
Elle s’était déjà fait prendre à son mensonge par Yves. Mais qu’en serait-il d’Olivier, s’il découvrait sa fausse identité ?
« Que faire alors ? » réfléchit-elle en silence.
— Clélie Maret ! l’appela-t-il.
— Pardon ? rétorqua Lisa.
Elle releva la tête par réflexe, mais la rebaissa direct, quand ses yeux croisèrent le regard d’Olivier. Il était si sévère.
— Yves a une mauvaise santé depuis son enfance. Lui fit-il savoir. Puisque tu l’as épousé, c’est ton devoir de t’occuper de lui. Je pense qu’il n’est pas nécessaire de t’apprendre ton rôle d’épouse.
— Je le sais ! acquiesça-t-elle
— A partir de demain, tu travailleras au côté d’Yves, comme son assistante. Lui annonça-t-il.
A ces paroles, elle leva vers lui, ses yeux remplis d’incompréhension, tellement elle était étonnée.
— Mais beau grand-père, j’ai mon travail... commença-t-elle quand ;
— Les femmes chez les Chevotet, ne doivent jamais se montrer en public. L’arrêta-t-il. Si elles veulent travailler, elles le feront au côté de leur mari.
« Quoi ? Les Chevotet sont si conservateurs ? » soliloqua-t-elle mentalement.
Bien sûr, elle n’osait pas dire le fond de sa pensée devant monsieur Olivier. D’ailleurs, ce dernier ne lui donna pas l’occasion d’ajouter quoi que ce soit, mais plutôt la congédia.
Sortie de la salle d’étude, Lisa retourna à sa chambre, très déprimée. La décision d’Olivier était ferme, et elle savait qu’il la blâmerait, si elle ne démissionnait pas de son travail.
***
Finalement, elle démissionna de son travail. C’était juste un travail ordinaire. Après avoir épousé Colin, afin de pouvoir faire un bon repas avant le retour de son mari, elle avait opté pour ce travail simple d’assistante du directeur général d’une petite compagnie, afin de pouvoir avoir des horaires souples, et mieux s’occuper de son foyer.
Juste peu après sa démission, quelqu’un occupa déjà son poste.
A cette nouvelle, Lisa fut très stupéfaite. Elle se rendit compte que, que ça soit dans le domaine du travail ou celui du mariage, il y avait toujours quelqu’un, pour vite la remplacer facilement. Elle rit jaune.
Au lendemain de sa démission de son ancien travail, Olivier la fit directement emmener à Yves dans l’entreprise.
— Je sais bien ta raison de ne pas employer d’assistant ; mais dorénavant, Clélie est ta femme, alors laisse-la s’occuper de toi. Lui recommanda monsieur Olivier.
Le ton employé par ce dernier envers Yves, était le même qu’il avait utilisé avec Lisa. Cela semblait étrange à la demoiselle.
« Pourquoi une telle attitude envers son petit-fils ? » se demanda-t-elle.
Elle avait cru qu’ils s’entendaient bien.
« Apparemment ce n’était pas le cas ; ou peut-être qu’elle se trompait. » supposa-t-elle en secret.
Elle était toujours dans ses pensées, quand elle sentit sur son visage, un regard perçant la sonder, et dont elle connaissait déjà le propriétaire. Quand elle lui jeta un coup d’œil, elle remarqua qu’Yves la regardait de cette manière narquoise.
— D’accord. Finit-il par concéder à la demande de son grand-père.
Lisa parut un peu perplexe, car elle avait pensé, qu’il refuserait. Mais à sa grande surprise, Yves ne résista pas cette fois.
— Bien ; allez ! s’exclama monsieur Olivier, avec un air devenu un peu plus doux.
Yves assit dans son fauteuil roulant, garda un visage sans expression, tandis que Bastien lui, hocha la tête en guise de réponse à Olivier.
— Monsieur Olivier, on va à l’entreprise. Annonça Bastien à ce dernier.
— Emmenez Clélie avec vous ! leur recommanda Olivier.
Impuissante, Lisa les suivit sans broncher. Juste après être sorti du hall et une fois arrivé dans le jardin, Yves se mit à ricaner.
— Je constate que tu t’es très vite sympathiser avec mon grand-père ; n’est-ce-pas ? railla Yves. Veux-tu me surveiller ?
Lisa s’arrêta, puis fronça les sourcils.
— Que veux-tu dire par là ? chercha-t-elle à savoir. Je ne comprends pas où tu veux en venir.
— Haha ! railla-t-il d’un sourire narquois. Il vaut mieux pour toi, de ne jamais comprendre, sinon...