Chapitre 4
Ulrich, je le sens troublé ; mais il se ressaisit rapidement ; il fait semblant d’être aussi surpris que moi ; il pousse même le bouchon plus loin en me demandant de reprendre mes esprits…
-Mais tu divagues ou quoi ? Ça te sors d’où ?
-Non ! C’est… c’est toi ! C’est toi ! Tu me fais peur Ulrich ! Je ne pouvais pas imaginer ! Toi ??? Ulrich c’est toi ?
-Je suis perdu là ! On a toujours été bien non ? Alors !!! J’ai fait quoi ?
-Tout, sauf ça ! Tout, sauf ça !!! Mon dieu !!! C’est pas possible !!! Tu… tu m’as fait ça !!! Tu m’as donc menti pendant tout ce temps !!!
-Mais quoi ? Jamais je ne te ferai du mal ! Jamais !!! Et tu le sais !
-Ah bon ? Sache donc que tu viens de me tuer !!!
-Bébé ! Calme-toi ! Et dis-moi franchement ce qui ne va pas ! Je suis perdu ! On était bien là tout à l’heure et… je… merde !!! Qui t’a permis de fouiller dans mon phone ?
-Ça devait arriver ! Les choses n’arrivent pas pour rien !
-Pourquoi tu as ouvert mon téléphone ?
-Je n’avais pas l’intention de fouiller dans ton phone ! Mais… je viens de me rendre compte que tu es le pire des salauds !!!
-Non !!! Avec tout ce que j’ai fait pour toi ! Tu oses me traiter de…
-Tu as quand même eu le culot de le faire ! Dis-moi ! Toutes ces filles !!! Ne me dis pas que tu couches avec toutes ces filles ! C’est pas vrai !!!
-C’est du n’importe quoi ! Ecoutes-moi ! Ce que tu as vu ce sont des foutaises ! Je ne suis pas un menteur !
-Jusqu’à bèlè* (mettre enceinte) deux filles !!! Noooon !!! Je ne peux pas !
Il tente de se rapprocher de moi, mais je fais volteface, et je me décale rapidement.
-Il faut que je parte d’ici ! En plus tu mens !
-Calme toi ! Stp ! Ce n’est pas ce que tu crois !
-Ah bon ? Je dois croire quoi ? Donc je suis bête ? Les messages sont là ! Toutes ces filles tu les gères même comment ? Je veux comprendre !
Ulrich secoue bêtement la tête et n’arrête pas de tourner autour du pot, question de me dissuader ou de me faire comprendre que je faisais fausse route. Il se couvre le visage et donne l’impression de se sentir coincé. J’attends justement des explications ; j’ai le cœur qui bat mille à l’heure. Il relève subitement la tête et finit par dire…
-Je t’aime vraiment Adissa ! Tu es différente ! Tu n’es pas comme les autres !
-Donc c’est vrai ce que je viens de lire !
-Quoi ? Qu’est-ce qui est vrai ? Rien de tout cela n’est vrai ! Je… je cause juste avec toutes ces filles ! Mais cela ne veut rien dire ! Tout le monde a le droit d’avoir des amis de tout sexe confondu ! Est-ce que moi je t’interdis d’avoir des amis ? Je ne te surveille jamais ! Mais toi tu fais comme si j’étais le pire des criminels !
-C’est pas possible !!! Qu’est-ce que tu racontes même ? Tu as mis deux filles enceintes ! C’est écrit noir sur blanc qu’elles t’attendent pour la layette et machin chouette !
-C’est faux !!! C’est du n’importe quoi ! Tu ne me fais pas confiance ! Ça me déçoit beaucoup !
-C’est toi qui me déçoit Ulrich ! Je… je t’ai donné tout mon cœur ! Tout !!!
-Et pendant tout ce temps est-ce que tu as été une fois malheureuse ? J’ai tout fait pour te rendre heureuse ! Je n’ai fait qu’être patient et compréhensif envers toi !
-Tu n’es qu’un sale hypocrite ! Tu jouais les saints et les surhommes avec moi !
-Mais je ne peux pas te donner la lune !!!
-Ce n’est pas ce que je te demande ! Tu m’as menti sur toute la ligne !
-C’est bon ! Je sors ! Quand tu te seras calmée on pourra causer ! Là ça ne sert à rien !
-Fou-moi la paix ! C’est ça sort !!! Va-t-en !!! Va les rejoindre !!! Vagabond !!!
Il avait déjà claqué la porte en sortant. J’étais en colère ; très en colère au point de n’avoir pas la force de pleurer ; je ne savais pas quoi faire, sinon que de tourner en rond dans la chambre. Tout dans cette pièce m’a subitement semblé si désuet, austère et si dégoûtant ; je n’ai plus eu goût à rien ; je tombais des nues ; au fond je voulais croire que tout cela n’était qu’un pur mensonge et que je me faisais des idées ; ou encore, j’aurai voulu pouvoir lui pardonner ses relations avec toutes ces filles ; sauf les deux filles enceintes ; ça me rendait malade ; ça m’a anéantie.
Il était pratiquement 21h passés, et il n’était toujours pas rentré…
-Je lui donne jusqu’à minuit ! De toutes les façons demain je me casse !
J’ai essayé de me refaire le film de toute notre vie passé ensemble, nos projets communs, tout ; je commençais à me sentir vraiment mal, mais je ne voulais pas faiblir ; je voulais garder la tête haute et en avoir le cœur net, surtout à propos de ces deux filles enceintes. Pour le moment tout était encore si frais ; je n’ai voulu parler de ça à personne pour le moment, surtout pas à ma sœur Mireille ; elle m’avait prévenue depuis longtemps, mais j’étais à dix mille lieux de l’écouter, pensant tout simplement qu’elle me jalousait.
J’ai fini par m’assoupir, mais avec beaucoup de peine ; partagée entre le désir de d’écouter Ulrich ou de lui donner assez de temps pour se faire pardonner, je ne savais où donner de la tête ; je savais tout simplement que je l’aimais ; c’est ce sentiment qui me transperçait le cœur. Je n’ai pas su à quelle heure exacte il est rentré, mais je l’ai senti tout près de moi ; il m’a enlacée par la taille ; je me suis laissée faire, parce que je me sentais un peu lasse ; il fallait que je dorme pour tenter de remettre toutes les idées en place.
Le lendemain à mon réveil, j’ai senti l’odeur des beignets haricot ; le bon monsieur se sentait donc coupable, et il cherchait toutes les voies et moyens pour se faire pardonner, en jouant les amants si attentionnés…
-Coucou ! Tu es réveillée ? Me demande-t-il.
Je détourne la tête et je ne réponds pas…
-Je t’ai acheté ton petit déjeuner préféré ! J’ai pensé que ça…
-Je n’ai pas faim !
-Ok ! Tu mangeras quand tu pourras alors ! Fais-moi juste signe et je vais te réchauffer ça !
-Ulrich ce n’est pas le moment ! Stp je ne suis pas d’humeur ! Je me sens très mal !
-Je sais ! Je sais ! J’essaye juste de te remonter le moral !
-Et c’est à cause de qui tout ça ? Qui en est la cause ?
-C’est moi ! Je sais que c’est moi ! Mais c’est toi qui pense que c’est moi !
-Alors laisse-moi tranquille stp ! J’ai besoin de réfléchir !
-Mais à quoi ?
-A tout ! A nous !
-Tu veux rompre c’est ça ? Hein c’est ça ? Pendant tout ce temps tu n’as pas été malheureuse !
-Donc tu ne te reproches de rien ?
-Moi ? Non !
-Ok ! Dans ce cas laisse-moi tranquille !!!
-Comme tu veux ! Je vais prendre une douche et je vais sortir ! Je sens que tu n’as plus envie de voir ma tête ! Prends le temps que tu veux pour te calmer ! Mais moi je te dis, je n’ai rien fait ! Je t’aime et j’ai toujours été là pour toi ! Tout le reste ce sont des histoires que tu te fais dans la tête !
Je me sentais si épuisée pour répondre ; Ulrich avait l’art de si bien se défendre ; j’ai juste détourné la tête, et je suis restée couchée. Je ne savais pas où il allait, de toute les façons cela n’effacerait pas tout ce que je venais de découvrir…
Après qu’il m’ait lancé un faux de regard de compassion, il a voulu s’approcher de moi pour me faire la bise ; dégoûtée et si mal en point, je l’ai repoussé…
-Va-t-en stp ! Laisse-moi tranquille !
-Comme tu veux ! Je n’aime pas te voir ainsi, mais tu ne veux pas me sentir ni me voir ! Je m’en vais donc, le temps que tu te calmes ! Je t’aime !
Son comportement m’écœurait au plus haut point ; je savais qu’il faisait tout pour se défendre et faire bonne figure auprès de moi, mais je n’étais pas dupe ; en l’espace de 24 heures je venais d’ouvrir les yeux et de me rendre compte de la triste réalité ; comme j’aurai voulu me tromper, mais hélas.
J’avais déjà ma petite idée en tête, et je voulais avoir le cœur net. Je me suis levée péniblement et j’ai pris mon téléphone ; d’abord hésitante, puis d’un geste rapide, j’ai composé le numéro… ça sonne, on décroche…
-Allo ? Oui c’est moi ! Adissa ! Je vous ai écrit hier soir sur whatsapp ! Oui ! J’aimerai vous rencontrer ! A quelle heure ? 10h ! C’est bon ! A tout à l’heure !
Je n’avais plus conscience de ce que je faisais, mais mon instinct me guidait tout simplement ; j’ai pris une douche et j’ai enfilé un jean et un chemisier ; au téléphone mon interlocuteur m’a bien indiqué le quartier, Obili. C’était bien à l’autre bout de la ville, mais je devais le faire, qu’importe la distance, je l’aurais fait de toutes les façons. Par chance les rues étaient assez dégagées à cette heure, et nous étions un dimanche. Je connaissais bien le quartier Obili, et il s’est avéré que la personne habitait pas loin de la cité estudiantine de Ngoa-Ekelle, communément appelé Bonamoussadi. J’ai donc vite trouvé le chemin, et en arrivant dans la zone indiquée, je l’ai rappelé…
-Allo ? Je suis déjà sur la rue que vous m’avez indiquée ! Oui ! Ah oui ! Je vous vois !
La personne m’attendait devant le portail ; j’ai tout de suite déduis qu’il s’agissait d’une concession familiale. L’anxiété dominant tout mon être, j’ai pris la peine de la dévisager, et de remarquer son ventre proéminent ; c’était donc vrai ! Elle était bel et bien enceinte d’à peu près 8 mois d’après ce que j’ai lu…
-Et le chien continue de me mentir ! Me suis-je dit.
Elle non plus ne souriait pas, et semblait très troublée ; elle me dévisageait également et cherchait à comprendre …
-Bonjour ! Je suis Adissa !
-Bonjour moi je suis bien Ornella !
Toutes les deux nous n’avons pas pu contenir notre nervosité, mais elle a quand même pris la peine de me faire entrer et de m’installer à la terrasse arrière de la maison…
-Prends place me dit-elle.
-Merci !
-Tu dis que tu es la petite amie d’Ulrich !
-Oui ! Nous sommes ensemble depuis plus de deux ans !
-Wandaful !!! S’exclame-t-elle. Quand tu m’as écrit sur whatsapp j’ai cru à une blague de mauvais goût !
-C’est pourtant vrai ! Je viens de découvrir ton existence et puis celle des autres ! Il y a une autre qui est aussi enceinte ! Et…
-Quoi ? Pardon ! Avec Ulrich on va se fiancer juste après l’accouchement ! C’est quelle histoire ça ? Je n’ose même pas parler fort ici ! Tout le monde le connait ici ! Je porte son enfant ! C’est lui qui s’occupe de tout ! Qu’est-ce que tu me racontes là ?
-En tout cas moi je n’ai pas de problème ! Je voulais voir de mes propres yeux ! Il est à toi et aux autres de toutes les façons ! Si vous êtes heureux ensemble tant mieux pour vous !
Je n’ai plus perdu de temps ; je me suis levée en trombe et je suis sortie de là en toute vitesse ; encore haletante, je me suis demandé ce que je foutais là…
-Merde !!! Qu’est-ce que je fou là ? Seigneur ce n’est pas possible !!! Putain je ne me sens pas bien !
Je crois que c’est à ce moment précis que j’ai vraiment réalisé toute la supercherie d’Ulrich ; j’ai senti une grosse boule remonter tout le long de mon ventre ; mais il fallait absolument que je me retienne, pour ne pas attirer tous les regards sur moi ; la seule chose que j’ai pu faire avant de craquer a été celle de prendre rapidement un taxi en dépôt ; je me suis affalée sur le siège et je me suis lâchée en solo ; je pleurais en silence, j’encaissais tout en silence ; toutes les idées, surtout les plus sombres me passaient par la tête. Une fois arrivée à la cité, Ulrich n’était toujours pas là ; et comme si cela ne suffisait pas je reçois un coup de fil impromptu ; je suis toujours en larmes ; j’essaie de calmer mes esprits et je décroche…
-A… Allo ! Snif ! Qui est-ce ? Snif !!!
-Ecoute-moi bien ! Je suis Stéphanie ! Celle à qui tu as envoyé le message hier soir ! Ecoute-moi bien !!! Ulrich est à moi ! Il ne sera jamais à toi ! Je suis enceinte de lui ! Ce n’est pas parce que vous vivez dans cette misérable chambre que tu vas te foutre de ma gueule ! Je comprends maintenant pourquoi il ne voulait jamais que je vienne là-bas ! Hein ? Une chambre que je paie de ma propre poche !!! Tu vas déguerpir tout de suite là !!! Sale chipie !!! Tu vas…
J’ai vite fait de couper court ; c’en était trop, je n’en pouvais plus ; effondrée, j’ai appelé Mireille ma sœur…
-Allo ? Mireille ? Snif ! Snif ! Pardon viens !!! Snif !!!
-C’est comment ? Ta voix est bizarre !
-Viens ! Viens me chercher ! Je ne peux pas rester une seconde de plus dans cette chambre !
-C’est Ulrich ?
-Oui !
-Je savais ! Je te disais toujours qu’il était…
-Ce n’est pas le moment stp ! Viens seulement ! J’ai besoin que tu m’aides à faire mes affaires !
-Ok j’arrive avec Robin !
-N’en parlez pas à papa ni à maman ! Ni aux autres !
Je ne souhaitais pas qu’Ulrich me trouve ; alors que j’étais en train de ranger mes affaires ; j’ai préféré ne prendre que l’essentiel, pour un début ; j’ai commencé à me rendre compte de ma naïveté, de ma bêtise ; comment je n’ai rien vu venir, comment est-ce qu’il a toujours fonctionné et gérer toutes ces filles ; comment fait-il pour subvenir aux besoins de ces deux filles enceintes, où trouvait-il toutes les ressources financières ? Je me tournais les pouces toutes les cinq secondes, sans pouvoir trouver une réponse, ou une raison valable. J’arpentais la pièce sans rien comprendre ; je me suis même surprise en train de parler toute seule…
-Je sens que je vais devenir folle à cette allure ! Je n’arrive pas à comprendre… toutes ces vérités !!!
-Quelles vérités bébé ? Il n’y a rien !
C’est lui Ulrich ; il se tenait sur le pas de la porte…
-Tu es là depuis combien de temps ?
-Assez longtemps pour t’entendre pleurer ! Où vas-tu ?
-Je rentre chez mes parents !
-Non !!! Ne… ne fais pas ça ! Stp !!! Stp !!!
Ulrich se met à genou devant moi et me tient fortement par la taille ; il fond brutalement en larmes…
-Stp ! Ne me laisse pas ! Stp ! J’ai besoin de toi ! Tu es tout pour moi ! Qu’est-ce que tu es allée faire chez Ornella ? Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi tu as call Stéphanie ? Tu n’aurais pas dû !
-Pourquoi toi tu continues à mentir ? Alors que tu es coincé ! Tu n’es qu’un sale hypocrite ! Stéphanie vient de me laver correctement au téléphone ! La honte ! Tu n’imagines même pas à quel point je me sens ! Tu n’es pas fichu de me dire la vérité alors que tu es fait comme un rat !!!
-Ok ! Dit-il avec peine.
Il se lève péniblement et tire une chaise sur laquelle il s’affale lourdement ; il se passe la main sur le visage et prend une grande bouffée d’air…
-Quand on s’est connus, j’avais tellement d’amour pour toi, et même maintenant ; mais le problème c’est que tu étais vierge ; tu avais des principes que je respectais et…
-Toi aussi tu avais des principes que j’ai toujours respectés !
-Mais je suis un homme… et le sexe…
-C’est donc comme ça que tu t’es toujours soulagé ! En vagabondant de gauche à droite !
-Attends ! Ne me…
-Ulrich ! Je pouvais encore comprendre ! Souviens-toi ! Quand je t’ai soupçonné au début de notre relation, tu couchais avec Sandrine ! Je t’ai compris, parce que je savais que je ne te donnais pas ce que tu voulais, mais je t’ai pardonné ! Je t’ai pardonné parce que je comprenais ! Je t’ai toujours compris ! Mais quand je découvre que tu as non pas une mais au moins cinq nga ! Et que deux d’entre elles sont enceintes de toi ! Je fini par conclure que tu as toujours été frivole ! Menteur et bordel !!!
-Ne me quitte pas stp !
-Tout l’estime que j’avais pour toi ! Snif !!! Tu oses sortir avec Vanessa !!! Ma… ma camarade ! Je passe pour quoi ? Nooon !!! Même le mépris ne vaut pas le carreau de ce que j’endure !
Mireille et mon frère Robin sont finalement arrivés ; Ulrich n’a pu rien faire, malgré ses supplications ; je n’ai pas réfléchi deux secondes de plus ; j’ai demandé à mon frère de prendre ma grosse valise ; Mireille a pris un sac ; elle en a profité pour toiser sauvagement Ulrich, question de lui montrer son indignation ; sans plus tarder nous sommes sortis.
Un mois plus tard…
Ça fait un mois que je suis retournée chez mes parents ; j’ai fait une croix sur ma relation avec Ulrich, et je me suis déconnectée de tout, surtout de tout ce qui se rapportait à lui ; ce n’était pas chose aisée parce que j’avais encore des sentiments pour lui ; et parce que je ressentais encore quelque chose pour lui, j’ai préféré me couper du monde pendant un long moment ; par chance les cours à la fac étaient presque terminés ; j’ai préféré gérer ces derniers mois de cours en assurant mon transport aller-retour. Mon entourage n’a rien compris à propos de ma décision soudaine de quitter la cité, mais j’avais bien mes raisons.
Après les derniers examens à la fac, je me suis repliée dans un village, pas loin de la ville de Yaoundé, pour assister à une retraite spirituelle dans une paroisse, pensant que cela me ferait un bien fou et me permettrait de noyer mon chagrin.
Je me suis vite intégrée dans le groupe des jeunes de la paroisse ; et par la suite j’ai été affectée à la cuisine avec trois autres filles d’à peu près mon âge. Le programme était bien défini ; on alternait les prières, l’étude biblique, les chants et bien d’autres activités constructives ; j’étais persuadée que tout ceci était censé me faire oublier ma peine de cœur ; il m’arrivait souvent de me replier sur moi-même et de me tasser dans un coin, de rester pensive et parfois triste. Un jour alors que nous avions terminé avec les programmes de la journée, le prêtre de la paroisse, Abbé Benoît ayant remarqué mon attitude, a fait appel à moi…
-Alors ! Comment tu te sens ici ?
-Très bien mon père ! Très bien !
-Je t’observe beaucoup ! Et j’ai remarqué tu es tout le temps triste !
-Non ! Tout va bien !
-Adissa dis-moi ce qui ne va pas !
Je n’ai pas pu me retenir ; je lui ai ouvert mon cœur, du moins en partie, en omettant certains détails que je trouvais crus…
-Je comprends ce que tu endures ! Tu as vraiment aimé ce gars ! Tu l’aimes même encore ! C’est normal, la blessure est très grande et la plaie tarde à guérir ! Je voulais te dire que tu peux compter sur moi ! Je… je pourrai t’aider à surpasser ça ! Je te propose qu’on se voit ici chaque soir pour en parler ! Si tu veux bien Adissa !
-Oui ! Je… je veux bien !
Impressionnée par son ouverture d’esprit, j’ai accepté de causer avec cet homme d’Eglise, tous les après-midi ; il était si gentil, ouvert, attentionné et si relax ; il m’invitait souvent à marcher, et ensemble on sillonnait calmement le village en bavardant…
-Tu sais la vie est tellement simple ! C’est nous qui la compliquons ! Parfois nous n’avons pas le choix, mais nous avons le choix !
-Attends mon Père ! Je ne comprends pas !
-Si tu choisis de t’entêter face à une situation qui ne dépend plus de toi alors tu vas souffrir ! Mais si tu choisis d’accepter les choses que tu ne peux pas changer, alors tu retrouveras le sourire !
J’ai souri ; en fait j’étais épatée par son intelligence…
-Enfin ! Tu souris ! C’est un bon début !
Nous étions sur le chemin du retour, le sentier était désert ; il n’y avait pas de maisons entre cette zone et le presbytère…
-Oui ! J’apprends beaucoup ici !
-C’est normal ! Je suis là pour ça ! Maintenant laisse-moi te poser une devinette ! Si tu la trouves, tu auras droit à un cadeau spécial !
-Quelle devinette ?
-Il suffit d’un oui et d’un non pour qu’elles se séparent. Qui sont-elles ?
-Euuuh ! Elles se séparent ? Chai pas moi ! Les lèvres ?
-Waouh ! Tu es très forte !
-C’est quoi mon cadeau alors ?
-Ferme les yeux !
J’ai senti comme un souffle sur mon visage, puis quelques secondes après, je n’ai pas vite réalisé ce qui était en train de se passer… il a déposé un baiser sur mes lèvres…