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Chapitre 8

Marcus démarra sa voiture en silence. Lucas monta lui aussi sans se plaindre de notre retard. Ce silence commençait à devenir pesant. J'aurais préféré limite qu'on parle du meurtre. Nous finîmes par arriver et nous dépéchâmes d'aller en cours pour ne pas briser nos habitudes.

L'ambiance au lycée était horrible. J'avais l'impression que même le bâtiment pleurait la mort d'Emma. Ses copines s'étaient toutes habillées en noir et pleuraient à chaque cours. Les profs quant à eux étaient plus que mal à l'aise surtout quand ils donnaient cours à notre classe. Ce n'était la faute de personne mais l'ambiance me fit me sentir encore plus mal.

À midi nous nous regroupâmes dans l'amphithéâtre pour le discours du directeur. Lucas et moi nous assîmes à la première rangée vide et quand je vis Iris j'eus envie de lui faire signe de venir avec nous mais je n'osais pas. Lucas se contenta donc de le faire pour moi. Iris nous sourit et s'assit à mes côtés avec grâce. Elle portait une robe noir d'un chic imposant qui la faisait vieillir tout en la mettant beaucoup en valeur. Je me sentais soudain pas assez habillée.

Lucas détailla Iris des pieds à la tête sans gêne avant de demander:

«Tu connaissais Emma?

-Non pas le moins du monde... Malheureusement.

-Alors que nous vaut cette tenue?»

Iris détailla sa tenue perplexe.

«Ne suis-je pas habillée convenablement?

-Oh si justement. On dirait une veuve de quarante ans.

-Eh bien je pensais que qui que soit la victime elle méritait que je m'habille convenablement. Tu ne pense pas Mal?»

Je me redressais d'un coup surprise qu'elle m'interroge.

«Si si. Tu as parfaitement raison. Je me sens mal habillée tout à coup...»

Iris me détailla à son tour avec sérieux. Je n'avais pas eu le temps de me changer alors je portais un simple jean noir ainsi qu'un t-shirt bleu marine.

«Tu es très bien ne t'en fais pas.»

L'arrivée du directeur nous fit taire. Le directeur commença par nous dire à quel point cette perte était horrible. Que c'était une tragédie mais que nous devions continuer et qu'il espérait que la police allait vite arrêter le coupable. Ils firent monter sur scène les parents de la victime et je sentis mon cœur se serrer. Entendre la voix tremblante de la mère d'Emma me fit monter les larmes aux yeux. Elle laissait parler son cœur et disait à quel point elle aimait sa fille et à quel point les faits passés étaient une tragédie pour sa famille. À chaque mot mon cœur accélérait. J'avais de plus en plus de mal à respirer silencieusement. Il n'y avait pas d'autre mot. Tragédie.

Iris entendit ma respiration saccadée et se tourna vers moi. Ses yeux s'aggrandirent quand elle vit mes larmes couler.

«Tu connaissais Emma? me demanda-t-elle en chuchotant.»

Je secouais la tête tout en me battant pour arrêter mes larmes. Lucas me sourit avec tristesse et me serra contre lui d'un bras. Il chuchota à Iris pour m'éviter de parler.

«Mal est une sensible. Elle n'a jamais parlé à Emma mais j'étais sûr qu'elle allait pleurer. Elle pleurerait à l'enterrement d'une araignée aussi alors qu'elle a horriblement peur de ces bêtes.»

Iris me regarda avec un regard indéchiffrable. Elle avait l'air à la fois désolée pour moi et fascinée. Quant à moi j'avais honte. Je devais arrêter de pleurer. Pleurer était normal quand il s'agissait d'une personne que nous avions perdu. De quelqu'un que nous avions aimé. Le membre d'une famille, un ami, un pote même. Cependant je ne connaissais pas Emma le moins du monde. Qui étais-je pour pleurer en entendant sa mère parler?

Je finis par me calmer à la toute fin du discours pile avant que le directeur annonce qu'il serait préférable que nous ne marchions pas dans les rues après vingt heures. Je me frottais les yeux puis me levais avec les autres et suivais le flux pour retourner en cours.

En sport je me retrouvais à côté d'Iris dans les vestiaires. Cette dernière avait beau porter un jogging et un vieux t-shirt flottant, elle était beaucoup plus belle que je ne le serais jamais dans une robe. J'étais donc assez mal à l'aise à l'idée de me changer à côté d'elle. Mal aise qui disparut quand elle me sourit.

«Tu vas mieux?»

Il me fallut un instant pour deviner de quoi elle parlait.

«Oui... Désolée. Je suis trop sensible.

-Ne t'excuse pas. Je trouve ça unique.

-Euh... Merci?

-C'est un compliment ne t'en fais pas. Je n'ai jamais vu personne d'aussi sensible que toi. Ou d'aussi maladroit.»

J'enfouissais ma tête dans mes mains gênée. Iris émit un petit rire.

«Je trouve ça agréable.»

Iris s'assit à côté de moi alors je levais le regard vers elle.

«Je vais t'avouer quelque chose.»

J'écoutais avec intérêt. À part Lucas personne ne m'avait jamais rien avoué. Or Lucas était comme un membre de ma famille à présent. Iris c'était différent. Elle était une inconnue.

«Je ne suis pas du tout sensible. Je suis un vrai cœur de pierre. Alors ne sois pas gênée avec moi.

-Si justement... Je devrais être plus forte mentalement.

-Pas forcément. Il y a trop de personnes horribles sur Terre. On ne manque jamais de personnes sensibles.»

Je souris à Iris reconnaissante.

Comme sport nous faisions foot. Le prof avait fait deux équipes avec les plus et les moins avancés et je m'étais retrouvée dans l'équipe la plus avancée avec la majorité de garçons. Ayant six frères je devais avouer que je me débrouillais assez bien. Je n'étais pas une très grande fane de foot. À vrai dire mes frères non plus. Nous nous étions simplement mis à jouer un jour alors qu'il faisait beau qu'on s'ennuyait et qu'on avait un ballon. Ce qui plaisait dans le jeu à mes frères était la compétition. Nous avions pris l'habitude de jouer tous les samedi après midi qu'il fasse beau ou moche et l'équipe perdante invitait les autres à manger dans un fast food.

Mes frères aimaient toutes les activités où il fallait être compétitif. Il était arrivé une ou deux fois que quelqu'un perde le ballon de foot ou le trou. Le temps qu'on aille en acheter un autre nous nous étions mis à jouer au basket.

C'est donc grâce à la compétition qui régnait chez moi que j'ai pu m'améliorer au foot et me retrouver dans l'équipe des avancés comme l'appelait le prof de sport pour ne vexer personne.

Lucas avait réussi à rester dans la même équipe que moi. Ce fut assez surprenant. Après tout Lucas était un des pire joueurs que je n'avais jamais vu. Il y avait deux garçons de la classe qui étaient pires que lui et qui s'étaient retrouvés dans l'autre équipe. Lucas avait eu de la chance. Je lui avais proposé de venir s'entraîner avec mes frères et moi mais la compétition n'aidait pas Lucas à faire des progrès. Il venait quand même de temps en temps jouer avec nous.

Iris fut mise dans le groupe des débutants le temps que le prof voit comment elle joue mais très vite le prof l'appela pour qu'elle échange de place avec Lucas. J'étouffais un rire en voyant la tête de mon meilleur ami. Me voyant rire Iris me sourit.

«Qu'est ce qui est si drôle? demanda-t-elle amusée.»

Je me raclais la gorge pour retrouver mon sérieux.

«Le pauvre Lucas était tellement fière d'être dans l'équipe des avancés. La tête qu'il a fait m'a fait rire.»

Iris se tourna vers Lucas.

«Oups.»

Elle haussa les épaules avant de sourire de nouveau.

Ce fut dégoulinante de sueur que je regagnais les vestiaires. Je rangeais mes affaires et m'apprêtais à partir quand Iris m'interpella:

«Mal, tu ne te change pas?

-Je vais prendre une douche chez moi comme on a fini. Ça sert à rien que je me change. Je ferais que salir mes vêtements.

-Ah d'accord.»

Je ne savais pas trop ce que je devais dire à présent alors je baissais les yeux vers mon sac.

«Tu rentre comment? me demanda Iris.

-C'est mon frère qui nous ramène avec Lucas.

-Lucas fait aussi parti de tes six frères?»

Je souris.

«Non mais c'est tout comme.»

Iris me sourit ce qui me détendit un tant soit peu. Elle se changeait tout en parlant. Je ne savais pas comment elle faisait mais elle n'avait pas du tout transpiré.

«Personnellement je suis fille unique.

-Oh... Je ne peux pas imaginer ce que ça doit être. Lucas aussi est fils unique et parfois il se sent seul. Comme moi quand mes frères ne sont pas à la maison.

-Je vois ce que tu veux dire. Mais je ne peux pas imaginer ce que ça doit être d'avoir des frères. Ou des sœurs. J'ai l'habitude du calme.»

Je souris.

«Moi c'est tout l'inverse.»

Iris me sourit à son tour.

«Bon... dis-je. Bon week-end.

-Merci à toi aussi, Mal.»

Sur ce je sortais des vestiaires. Lucas m'attendait adossé contre le mur grognon.

«Qu'est ce qu'il t'arrive Lulu?»

Il ne me répondit pas et se contenta de se mettre en route. Je le suivais en riant.

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