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La honte

La honte était, pour moi, une amie envahissante.

Je tentais désespérément de mettre à la porte, pour m'apercevoir, en fin de compte, qu'elle était revenue en passant par la fenêtre.

Je ne sais pas si cela vous est déjà arrivé ? Vous savez quand, vous pensiez être tombé plus bas que terre, et qu'en fin de compte, l'attraction trouve encore le moyen de vous plonger dans des abîmes plus profonds.

Ma grand-mère me le disait pourtant :

« Plus on laisse des mauvaises habitudes s'installer, plus elles finissent par nous définir. »

Dans mon cas, elle parlait bien sûr de ma négligence et de mon immaturité.

Il est vrai que cette fois, j'avais vraiment cherché les ennuis en me ruant comme une safre sur la table d'autrui.

Mais pour ma défense il faut que vous sachiez une chose, Michiko m'avait vraiment mise à l'aise en me demandant de faire comme chez moi.

Elle était un peu extravagante et n'aimait rien des protocoles barbants que les gens s'imposaient au quotidien.

Donc, en m'acharnant sur le festin que je croyais destiné à nous deux, j'étais loin, très loin de penser que j'allais me retrouver face à Ozawa Ren et à la situation qui allait suivre :

- Ren ! Fis-je machinalement en l'appelant par son prénom.

- Ren ? Répéta-t-il consterné par mon impolitesse (au Japon, on ne s'appelle pas par les prénoms, si l'on est pas familiers). Je t'ai demandé ce que tu faisais ici ? Insista-t-il comme s'il se trouvait chez lui.

- Je te retourne la question, baragouinais-je en essayant de vite finir le morceau de gâteau qui se trouvait encore dans ma bouche.

- Je suis chez moi ! Lança le beau garçon après un soupir d'exaspération qui le rendit encore plus magnifique.

Sous le choc, je gobais la bouchée d'un trait, d'un seul.

« J'ai bien entendu ? M'horrifiais-je en m'étouffant avec mon gâteau. »

Je me mis à chercher de l'air. Ressentant que mes yeux commençaient à sortir de leurs orbites, et que plus aucun son ne pouvait sortir de mon gosier, j'entrepris de faire passer la lippée récalcitrante avec un peu d'eau.

Je me tournais vers la table et me jetais avec urgence sur le pichet. Je bu à même le récipient, sous les yeux médusés de mon amoureux.

Michiko arriva sur ces entre-faits, un petit panier de fruits à la main.

Elle parut surprise, ou plutôt déconcertée par la scène qui se jouait dans son salon.

Elle n'eut pas le temps d'ouvrir la bouche pour demander ce qui se passait, que Ren l'avait déjà prise à parti :

- Grand-mère ?! Qui est cette fille ?

- Je t'ai déjà dit de ne pas m'appeler comme ça ! Protesta Michiko d'une tape sur le bras de son petit-fils.

- Grand-mère ? Répétais-je perdue. Il a dit Grand-mère ?

- Hana, voici mon petit-fils Ren, me lança ma propriétaire d'un sourire bienveillant, Ren je te présente Hana, une étudiante en pension chez moi.

- En pension ? Repris le jeune homme qui avait peur de ne pas bien saisir. Que veux-tu dire par « en pension » ?

- Je veux dire que Hana occupe une des chambres vides de l'étage.

- C'est une plaisanterie ?

- Absolument pas. Tu sais bien que cette maison est trop grande pour une personne seule, expliqua-t-elle à son petit-fils, j'ai donc décidé de mettre en location l'une des chambres.

- Mais enfin grand-mère… je veux dire Michiko, tu n'es pas seule, on vient te rendre régulièrement visite, Keito et moi. De plus, on t'a proposé de vivre avec nous...

Il semblait que ma logeuse n'avait jamais parlé de sa décision de prendre une pension à ses proches, et à voir la réaction de Ren, je compris que cette idée était loin de faire l'unanimité.

- Vous venez me voir en effet, mais une visite toutes les deux semaines ne m'épargne pas la solitude. J'avais l'habitude de vous avoir plus souvent avant que vous ne grandissiez… et quant à vivre chez ma guindée de fille, faut pas y penser !

- Michiko, soupira Ren devant le désarroi évident de son aïeul. Tu aurais pu nous en parler avant de faire venir n'importe qui.

Les mots de Ren étaient blessants à mon égard.

J'avais tout de même bravé un typhon, redoublé une terminale et quitté ma famille pour lui, et cet ingrat me traitait comme une vulgaire étrangère. Après une brève réflexion, je trouvais que je m'en sortais plutôt pas mal en écopant de ce simple qualificatif. Car dieu sait qu'il aurait pu être bien plus rabaissant, au vu des désolants spectacles que j'avais offert.

- Je ne suis pas aussi naïve que tu le penses, s'énerva Michiko, j'ai choisi ma locataire avec beaucoup de soin !

- Je vois ça, ironisa Ren en m'inspectant de haut en bas.

- Hana est très gentille et on s'entend à merveille. Puis, je ne vois pas en quoi, le fait que je prenne une pensionnaire, te dérange ?

- Tu as raison, tu es libre de faire ce que tu veux dans ta maison. J'étais juste venu m'entretenir avec toi à propos de quelque chose. Comme je te savais parti pour l'après-midi, j'en ai profité pour préparer le dîner autour duquel on aurait parlé… puis il y a eu ce glouton…

- Je suis vraiment désolée, m'empressais-je de m'excuser en me courbant. Je pensais que Michiko m'avait laissé dîner…

- Oui et un gâteau sur lequel il est écrit « pour grand-mère » ? Me coupa Ren, exaspéré par ce qu'il prenait pour de la mauvaise foi.

- Non, bredouillais-je en me retournant vers la pâtisserie litigieuse. Sur son dessus, de magnifiques caractères composaient bien le message précité. Comment avais-je fait pour ne pas le voir ? Continuais-je pour moi-même.

- Allons, allons ce n'est pas bien grave, intervint Michiko soucieuse de me venir en aide. Puis après avoir examiné le carnage que j'avais opéré sur la table, au lieu de râler, tu devrais être content que ta cuisine plaise. Comme son petit-fils continuait de me jauger d'un air mauvais, elle prit le parti de donner le change, Et si on oubliait ce malentendu. Tu n'étais pas venu me parler de quelque chose ?

- Ce n'est plus nécessaire, fit Ren en tournant les talons.

- Allons dis le moi, le rattrapa Michiko. Tu ne voudrais pas me faire passer pour une grand-mère qui ne sait pas être à l'écoute de ses petits-enfants.

- Je suis passé te dire que j'allais emménager avec toi, le temps que les parents seraient à Séoul. Mais comme tu n'es plus seule, ma présence ici sera en trop.

- Elle ne le sera pas ! Protestais-je solennellement. Enfin… me repris-je confuse d'avoir laissé échapper ma pensée à haute voix, j'veux dire que je ne veux pas perturber vos projets ou être la source d'une discorde...

- Bien, retorqua Ren avec défiance, dans ce cas tu peux t'en aller ?

Je savais que son attitude était compréhensible et que je ne devais pas m'en formaliser. Après tout, il ne savait rien de moi ni de mes sentiments.

Je ravalais laborieusement ma peine et je quittais la pièce, tête baissée.

- Hana, attends ! Tenta de me retenir Michiko. Hana !

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