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Chapitre 7 : Le gâteau

Je déambulais dans le quartier de Shibuya tout un moment avant de me rendre à la gare.

J’attendais mon bus sur un fond d’« I will survive » que je me passais en boucle dans ma tête.

Mes yeux n’étaient plus que des puits asséchés et ma gorge qui avait trop sangloté, arrivait à peine à fredonner cet hymne des jours difficiles.

Je montais sans grande conviction dans le véhicule qui venait de s’arrêter à mes pieds. Des usagers me bousculèrent pour pouvoir passer plus rapidement.

« Ne vous gênez surtout pas, marmonnais-je dans ma barbe. Vous avez de la chance que n’ai plus de force, sinon je vous aurais montré de quel bois je me chauffe. »

Une fois assise dans le bus, je pris mon téléphone pour appeler Maria. Puis en pensant à ce qu’elle allait me dire, je renonçais.

Loin de me comprendre, elle aurait aussitôt fait de me persuader de rester à Tôdaï, et ce, même si mon histoire avec Ren était compromise. Pour elle, c’était un miracle si j’ai pu accéder à cette université, et lâcher après tant d’efforts, était juste inimaginable.

« Tu as pensé à ta grand-mère ? Elle ne s’en remettra jamais si tu décides de tout abandonner. Et tes parents ? Ils étaient si fiers de l’annoncer à leur clientèle, ils ont bassiné tout Kira avec ton entrée à Tôdaï. »

Voilà ce qu’elle m’aurait servi, et entre nous, elle n’avait pas tort.

Pauvre Grand-mère et dire qu’elle était allée jusqu’à piocher dans ses économies pour me payer des cours de soutien. Je n’y serais jamais arrivée sans elle.

Plus je repensais à toute cette histoire, plus je me sentais mal.

En repensant aux sacrifices que ma famille et mes amis avaient fait pour moi, je devenais plus mitigée.

J'allais laisser passer la nuit, en espérant que l’adage était vrai, et qu’elle me porterait conseil sur la marche à suivre…

J’arrivais tranquillement dans le vieux quartier de Yanaka, un lieu tranquille presque hors du temps.

Je descendais la longue rue marchande avant de s'engouffrer dans une discrète embouchure fleurie qui menait à ma résidence.

Je poussais la grille du vieux portail extérieur et m’avançais tête baissée en direction de la grande maison, que des panneaux Amado rendaient plus traditionnelle.

Je farfouillais un instant dans mon sac avant d’en extirper le trousseau de clé que m'avait remis Michiko, la propriétaire des lieux.

Après avoir ouvert, je m’asseyais sur l’estrade en bois du Genkan où je retirais machinalement mes chaussures. Je glissais mes pieds dans de coquettes pantoufles roses et j’entrais la tête toujours dans mes pensées.

Un discret « je suis de retour » à l’intention de Michiko, la propriétaire, puis je filais à l’étage.

J’ouvris la porte de ma chambre, puis je me jetais sur mon lit qui soupira sous le poids de mon corps.

Je retirais mes socquettes fleuries, que j’avais acheté sur conseil de Maria, avec tout un tas d’accessoires aussi féminins qu'inutiles.

La garde-robe décontractée que j’affectionnais, fut bannie par la psychopathe de la mode qu’était mon amie.

En échange, elle me fit dépenser toutes mes économies dans une autre plus « saillante à une future universitaire ».

Elle avait échangé mes magnifiques sweats contre des liquettes délicates, mes survêtements contre toutes sortes de jupes et de shorts. Quant à ma superbe collection de T-shirt, elle fut transformée en un hideux patchwork.

J’avais bien essayé de protester mais Maria tenait ma volonté d’un simple nom : Ozawa.

Et si en plus elle ajoutait Ren, c’était tout mon être qui obéissait.

Qu’est-ce que je n’aurais pas fait pour lui…

En me ressassant les événements passés dans ma pauvre tête qui était déjà au bord de l’explosion, je finis par m’endormir dans une flaque de bave.

Mes songes se mêlèrent à mes souvenirs de la journée, puis une drôle de confusion s’empara de moi.

Il me semblait percevoir la voix de Ren qui m’appelait au loin.

Une voix dont je n’avais, pourtant, entendu que quelques mots, il y a longtemps.

Je me réveillais en sursaut après que mon téléphone retentit, sûrement un message de mes parents.

Mon esprit qui confondait encore la réalité et le rêve mit quelques secondes avant d’émerger.

Dehors, le splendide soleil de la journée était en train de se coucher embrassant lentement le vieux quartier de Yanaka.

La maison semblait vide, malgré l’appétissante odeur de croquettes de poulet qui embaumait l’escalier.

Michiko était peut-être sortie arroser ses fleurs et son petit potager. Elle le faisait tous les soirs depuis le début du printemps.

Cette femme trouvait dans le jardinage des bienfaits qui m’étaient totalement étrangers. Ce n’était pas faute d’avoir essayé mais sous mes soins, les pauvres plantes survivaient rarement plus d’une journée.

Alléchée par les effluves de nourritures, je poussais la porte coulissante, et m’engouffrais dans la cuisine.

Cette dernière était propre comparé au matin. Les placards, l’évier et même le sol rutilait.

Michiko m’avait confié que sa fille venait l’aider de temps à autre, j’en conclus que ce devait être un de ces jours.

Je ne conjecturais pas plus sur l’état des lieux et me mis à la recherche de ce que j’allais pouvoir me mettre sous la dent.

Mon nez m’emmena jusqu’au salon, là mes yeux s’écarquillèrent devant la multitude de plats qui ornaient la table.

Un magnifique gâteau à la crème trônait au milieu de ce délicieux tableau.

Ma bouche affamée qui n’avait rien eu depuis le petit déjeuner, salivait joyeusement. Mon estomac, quant à lui, fit rouler les tambours et des couinements involontaires sortirent de ma bouche.

Mes doigts avides que je ne pouvais plus retenir, se plongèrent sans ménagement dans cette palette de délices. Je dégustais tantôt les succulents sashimis, tantôt les beignets de crevettes, pour ensuite me gaver de croquettes de pommes de terre.

Manger de ceci, puis de cela allégea vite les désagréments fâcheux de ma pénible journée.

Mais pour que mon moral revienne à son apogée, je savais qu’une petite bouchée de ce délicieux gâteau était indispensable.

Du bout des doigts, je raclais les flans crémeux de la pauvre pâtisserie.

- Ce gâteau est trop bon ! Je n’en avais jamais mangé d’aussi bon de ma vie.

J’étais en train de creuser un petit tunnel discret dans la génoise au chocolat quand la porte s’ouvrit subitement.

Bien que Michiko fût une femme décontractée et un peu extravagante, elle n’allait surement pas bien prendre le carnage que je venais d’opérer sur sa belle table.

Résolue à la faire craquer par la plus mignonne de mes bouilles, je me tournais avec un sourire penaud et des yeux de caniche.

- Désolée, Michiko, lançais-je la bouche pleine, j’ai pas pu résis…

Je finis ma phrase dans un grognement de surprise.

Je devais rêver.

Oui, c’était ça.

Je pensais m’être réveillée tout à l’heure alors qu’en fait, il n’en était rien. Mon esprit contrarié m'avait, sûrement, plongé dans un drôle de songe, y mêlant mes deux grands amours : la nourriture et…

- Je peux savoir ce que tu fais ici ! Me lança Ren d'un regard noir.

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