Chapitre 5 : Retrouvailles
" C'est Ozawa Ren. Il est juste devant moi."
Enfin, « il était » devant moi. Juste avant que Yoko, qui m'avait emboîté le pas, s'interpose entre nous et me barre la route.
Mon premier réflexe fut de la laisser planter là et de continuer ma quête, avec toujours ce sourire béat peint sur ma face.
Mais c'était sans compter sur la ténacité de cette nouvelle connaissance qui me retint par le bras...
- Tout va bien ? Me demanda-t-elle.
- Hein ? Oui, oui, répondis-je en tentant de reprendre mon chemin.
- On ne dirait pas, insista-t-elle un peu inquiète.
Comment elle voulait que ça aille, elle venait d'interrompre mes retrouvailles tant attendues ! Celles dont j'avais rêvé depuis si longtemps, avec l'homme qui m'était destinée...
Enfin pour dire la vérité, la silhouette en question s'était retournée et il ne s'agissait que d'un étudiant avec la même carrure que celle de Ren.
Mais bon ça aurait pu être lui.
- Que me veux-tu à la fin ?! Avais-je abruptement demandé.
- Je... je voulais juste m'assurer que ça allait, t'étais bizarre, balbutia Yoko prise au dépourvu.
Arrivant à me convaincre que ma camarade n'avait pas fait exprès de se mettre en travers de mon chemin, je m'excusais de mon attitude.
Elle en fit de même avant de me proposer d'aller déjeuner en sa compagnie. Chose que je déclinais poliment. J'avais une mission importante à accomplir.
C'était bien joli d'être arrivée jusqu'à Tôdaï, mais encore fallait-il trouver Ren. Ne sachant par où débuter, j'entrepris de commencer par le réfectoire principal.
Ma pause déjeuner passée à fouiller Komaba, je dus me résoudre à arrêter mes recherches et retourner en cours la mort dans l'âme.
Je me traînais comme un zombie jusqu'à l'un des amphis qui se trouvait à l'entrée du campus.
Raisonnable vous dites ?
Vous avez sûrement dû sauter des passages lors de votre lecture.
A peine je m'étais installée dans l'immense salle bondée, que je fis mine de couver un quelconque mal pour fausser compagnie à ma promo, et continuer mes précieuses recherches.
Encore une fois, les regards d'une bonne quarantaine d'étudiants, tous plus studieux les uns que les autres, se tournèrent vers moi, dérangés par le bruit de la porte, que je m'acharnais à ouvrir dans le mauvais sens.
- Désolée, lançais-je en me courbant légèrement, désolée. Bien, continuais-je pour moi-même une fois dehors, par où je commence...
“Nulle part !” intervint une petite voix dans ma tête.
Je m'étais précipitée comme à mon habitude en oubliant un petit détail qui avait, néanmoins, son importance.
Ren était étudiant tout comme moi, et à cette heure-ci, il devait très sérieusement suivre un cours dans une salle de l'immense campus.
Si seulement je pouvais découvrir où il se trouvait, j'irai l'y attendre comme si de rien n'était.
« Mais oui ! C'est la solution ! M'écriais-je intérieurement sans réfléchir plus à ce que je pourrai dire à ce garçon, une fois devant lui. »
Toute contente de l'idée qui venait de germer dans mon esprit, je me précipitais vers l'intendance du campus qui se trouvait non loin de là.
La secrétaire à l'accueil me dévisagea un moment avant de me saluer. Mon état d'essoufflement et le râle qui exhalait de ma gorge, dût profondément l'interloquer.
C'est d'une voix méfiante et les sourcils froncés qu'elle s'adressa enfin à moi.
- Que puis-je faire pour t'aider ?
- En fait, voilà, répondis-je avec un large sourire niais qui devait me faire paraître encore plus suspecte aux yeux de l'employée, j'ai trouvé ceci par terre. Je sortis un banal cahier de ma sacoche avant de continuer, j'aimerai le remettre à son propriétaire, un certain Ozawa Ren. Si vous pouviez m'indiquer la salle où il a cours cet après-midi, cela m'aiderait vraiment…
- Hm, acquiesça suspicieusement la secrétaire avant de gribouiller quelque chose sur un post-it. Je vois que Ozawa Ren a une admiratrice de plus cette année, lança-t-elle en me remettant le bout de papier.
- Une… une admiratrice de plus ? Bredouillais-je abasourdie par ce que je venais d'entendre.
- Oui, ce jeune homme, est comme qui dirait, très convoité, m'expliqua la femme sur un ton espiègle avant de décrocher son téléphone dont la sonnerie s'impatientait.
Je demeurais une bonne minute interdite, déboussolée d'entendre que je n'étais pas la seule à courir après Ren.
Mon esprit s'emballa et les images de celui que j'aimais, entouré de groupies toutes plus jolies les unes que les autres, m'envahirent. Tous ces efforts pour arriver jusque-là, tout ce temps passé à préparer notre rencontre, mes rêves…
Après mille émotions, je me ressaisis.
Je devais garder la tête sur les épaule, et être un minimum objective afin d'évaluer mes chances.
Les filles de Tôdaï ne devaient pas m'impressionner. Elles étaient trop intelligentes pour que le ciel, leur ait en plus, accordé la beauté.
Et puis si le destin m'avait permis, à moi, d'arriver jusqu'à ce lieu, ce n'était pas pour rien.
Ren et moi étions fait l'un pour l'autre, j'en étais persuadée. Il ne me restait qu'à le retrouver et à le convaincre de cette vérité évidente.
Regonflée à bloc, je dépliais le papier que la secrétaire m'avait remis. Et sans attendre, j'accourais auprès de mon âme sœur, qui n'allait pas tarder à sortir de la bibliothèque où il travaillait avec son groupe.
Le bâtiment principal était en briques rouges, son architecture se confondait à merveille avec celle d'une cathédrale gothique, les gargouilles en moins.
Je ne pouvais rêver plus bel endroit pour nos retrouvailles.
Du plat de ma main, je remis un peu d'ordre dans ma tignasse et avec ma manche je tamponnais mon front pour éliminer la sueur qui avait perlé dessus.
Alors que j'allais entrer dans la bâtisse, je jetais un coup d'œil aux sakuras fleuris qu'un vent fort venait d'ébouriffer. Des centaines de petits pétales d'un rose pâle s'envolèrent, pareil à de gros flocons de neige.
Pour moi ce fut un présage de plus, notre histoire allait réellement commencer ce jour-là.
Une heure à faire les cent pas dans le hall, à assister à la sortie d'un tas de groupes d'étudiants, et toujours pas de Ren. Mon regard qui ne se détachait pas des escaliers, se fit bientôt de plus en plus inquiet.
Et s'il n'était pas venu en cours à cause d'un quelconque mal ou pire, je repensais aux mots de la secrétaire.
Se pourrait-il qu'une de ses admiratrices ai dépassé les limites de la loi, en harcelant le pauvre garçon ?
« Non, comme me le dirait Maria, il ne faut surtout pas que je m'aventure en spéculations absurdes. »
J'allais attendre encore un peu, après quoi, j'aviserai…
Un quart d'heure plus tard, persuadée que mon bien aimé avait fait l'école buissonnière pour échapper à un groupe de stalleuses obsédées, je finis par me résigner.
Puis soudain l'ambiance du Hall changea.
Elle devint plus légère et des voix douces et féminines se firent entendre.
Ça provenait du haut des escaliers.
Je me retournais, curieuse de voir à qui appartenaient ces timbres cristallins.
Un cortège de magnifiques jeunes femmes, toutes plus sophistiquées les unes que les autres, descendirent en papotant.
Leurs jambes dénudées semblaient faire deux mètres, et leurs rayonnantes chevelures se balançaient au gré de leurs mouvements.
La seule question qui me vint en tête c'était “Que faisaient ces filles à Tôdaï ?”
Étant à peu près sûre qu'il n'y avait aucun défilé de maillot de bain d'organisé par le campus, je dus me rendre à l'évidence. Ces poupées grandeurs natures étaient bien des étudiantes.
Ebahie par ces nymphes et leur beauté, je ne m'aperçus du plus important qu'à la fin.
Au milieu de ces naïades toutes droit sorties d'une pub pour céréales diététiques, se tenait Ozawa Ren.
Mon Ozawa Ren...
Encore plus beau que dans mes souvenirs…