Chapitre 3 : Le plan
Quand le Docteur Ozawa entra dans la salle d'attente, je sus enfin qui était ce magnifique éphèbe, ainsi que son nom.
Une manne d'informations inespérées pour mon esprit, qui se projetait déjà au bras du beau brun.
Trop rapide vous dites ?
Allons. On sait tous que les filles ont ce pouvoir surnaturel de formater un avenir, à leur convenance et avec les personnes de leur choix, en moins de trente secondes.
D'ailleurs, j'appelle ce phénomène "La maison de poupées".
Ce point éclairci, revenons-en à nos moutons.
Je vous disais donc que le docteur Ozawa venait d'entrer dans la salle où ma grand-mère et moi attendions, il nous salua jovialement comme il le faisait d'habitude, et nous invita à le suivre.
A ma grande surprise, le jeune homme se leva lui aussi et s'avança vers le médecin.
- Ah Ren, tu voulais me voir ? Fit le docteur à son attention, puis à ma grand-mère qu'il connaissait depuis toujours, je ne sais pas si tu te souviens de lui, Mori-san ? C'est mon petit-fils, Ren.
Le prénom fièrement prononcé par l'homme, se répétait inlassablement dans ma tête.
Un peu comme un écho venant d'un monde lointain et enchanteur.
Ren...
- Oh ! Mais dis-moi ? Comme il a grandi ! Et surtout comme il ressemble à son père au même âge, remarqua ma grand-mère qui paraissait bien connaître la généalogie des Ozawa. C'est un très beau garçon, continua-t-elle après que ce dernier l'ai respectueusement salué, et à en juger par son sérieux, il doit être très studieux aussi...
- Je ne te le fais pas dire. D'ailleurs, tout comme moi et son père avant lui, il ira à Tôdaï l'an prochain.
- Tôdaï, repris grand-mère d'une voix rêveuse avant de se tourner vers moi avec désenchantement.
- Quoi ? Bredouillais-je devant la diffamation silencieuse perpétrée à mon égard par la mère de ma mère, celle qui m'avait nommé et qui nourrissait tellement d'espoirs à mon sujet.
- Vous devez avoir le même âge, lança le Dr. Ozawa à mon intention. Toi aussi, tu seras diplômé cette année ? Non ?
- Oh ! Ce n'est pas dit, maugréa mon aïeul d'un soupir qui en dit long sur ma passion des études. Elle est loin d'avoir hérité de l'intelligence de ma fille. Ah si seulement cette entêtée m'avait écouté et qu'elle avait porté son choix sur quelqu'un de plus instruit, je ne souffrirais pas d'une descendance aussi peu lumineuse...
- Grand-mère ! M'indignais-je alors que Ren me jeta un bref regard avant d'arborer un léger sourire en coin.
- Allons, allons, intervint le Dr. Ozawa, cette petite a, j'en suis sûr, bien des qualités qui doivent vous rendre fière…
- Des qualités vous dites ? Reprit grand-mère en m'inspectant de haut en bas, eh bien, je les cherche encore…
Étant immunisée contre l'embarras d'habitude, je me sentais, pour la première fois de ma vie, envahie par une gêne sans nom.
Une chaleur me monta aux oreilles et sans avoir de miroir devant moi, je savais que je m'empourprais violemment.
Je n'eus pas le temps de protester, ni d'argumenter plus contre la tirade de ma grand-mère, que le jeune homme nous salua et se retira après avoir remis un document au Dr. Ozawa.
L'image de Ren était projetée en boucle dans ma tête ne laissant plus aucune place au reste, je fus rappelée à l'ordre plusieurs fois par mon aïeul qui voyait bien que j'étais ailleurs.
J'esquissais un sourire à chaque fois avant de me refaire happer par mes pensées.
Alors que nous sortions de la salle de consultations, le Docteur toujours en grande conversation avec grand-mère, laissa échapper que Ren allait quitter Kira le soir même pour retourner chez lui, à Tokyo.
Mon sang ne fit qu'un tour dans mes veines. Je devais faire quelque chose pour empêcher son départ et le convaincre de rester ici, auprès de moi ! Oui, aussi irréaliste que cela puisse paraître, c'est bien la pensée qui me traversa l'esprit à cet instant.
Ce n'est qu'après être rentrée à la maison que je me rendis à l'évidence. Ce garçon ne me connaissait pas.
Et qu'aurais-je bien pu lui tenir comme discours sans passer pour une psychopathe finie ?
Non. C'était impossible... Enfin… c'est ce que je me suis répétée jusqu'à ce que je me retrouve devant chez-lui accompagnée de ma meilleure amie.
Stalkeuse ?! Moi ?! Oh ! Tout de suite les grands mots !
Oui, bon, d'accord, je l'avoue... mais pour ma défense, j'étais sous l'emprise de ce garçon, et celle qui n'a jamais fait de trucs insensés pour admirer son amoureux de loin, me jette la première pierre.
Eh ! Doucement… Je parlais aux romantiques et aux extravagantes.
Bon. Où en étais-je déjà ? Ah, oui...
J'attendais, donc, depuis plusieurs heures devant le parapet de la demeure des Ozawa, en compagnie de Maria.
De temps à autres, cette dernière me servait de marchepied, grâce auquel, je pouvais espionner l'intérieur du jardin.
Le soir était en train de tomber, et toujours aucun mouvement dans la maison. Dans une profonde affliction, je finis par me rendre à l'évidence.
Ren était déjà parti.
- Allons, ne fais pas cette tête, me consola Maria qui ne m'avait jamais vu comme ça, ce garçon va sûrement revenir d'ici peu voir sa famille, et tu tenteras ta chance à ce moment-là.
- Noooon ! Je ne pourrais jamais attendre jusque-là. Et puis comment je saurais qu'il est revenu ?
- Mais toi aussi, me reprocha-t-elle, pourquoi n'as-tu pas saisi ta chance quand tu en avais l'occasion.
C'était la réplique parfaite de la fille présentable à toute heure et en toutes occasions. Il n'y avait qu'à la voir Maria. Toujours impeccablement coiffée, sa frange et ses pointes entretenues, ses mains manucurées et un corps tellement bien fait, qu'un sac de jute pouvait l'habiller.
- Tu veux que je te rappelle à quoi je ressemblais, plus tôt dans la journée !
- Ça va, j'ai compris ! Ça ne sert à rien de s'énerver... puis après un silence, elle reprit, tu m'as pas dit qu'il allait à Tôdaï, ton bonhomme ?
- Oui et alors ?
- Tu ne vois toujours pas ce que tu peux faire pour le retrouver ?
- Employer un détective ?
- Mais non, bon sang.
- Parle dans ce cas !
- C'est très simple, fais-toi accepter dans la même université.
- T'as perdu la tête ? On parle de Tôdaï, je te signale.
- Et ? Tu n'es pas plus bête qu'une autre. Avec de la motivation, je suis sûre que tu peux le faire, fit mon amie avec un regard confiant.
- Tu le penses vraiment ?
- Rien. Tu entends ? Rien, n'est impossible pour qui aime !
Galvanisée par ses profondes paroles, je tentais les examens d'entrée de cette année-là.
Bien sûr, si j'avais été dans une série romantique ou un manga, je les aurais réussis haut la main, mais la réalité étant ce qu'elle était, je fus allègrement recalée.
Ce n'est qu'un an, et un ulcère, après, que j'eus la chance d'être admise dans cette université de renommée mondiale.