Chapitre 15 : Ren risque de s'en aller
Avec Yoko, on s’était donné rendez-vous devant l’entrée principale de la fac pour aller réviser chez elle.
J’attendais depuis cinq minutes, mais elle pointa son nez.
Elle était resplendissante et très enjouée comme à chaque fois qu’il s’agissait d’étudier. Et à voir l’entrain qu’elle mettait chacun de ses pas, la matinée promettait d’être chargée.
« Pourquoi je suis venue ? Me blâmais-je tapant du pied. J’aurai mieux fait de rester sous ma couverture chaude. »
- Et bien ! On voit que tu es ravie de me voir, me dit-elle après avoir remarqué mon air dépité.
- Ce n’est pas contre toi, marmonnais-je. C’est juste que je me sens fatiguée.
Ce n’était pas un mensonge. Cette fille m'avait fait passer une semaine des plus chargée en m’imposant, en plus des cours, de travailler des heures durant à la bibliothèque.
Si l’on ajoutait à cela la déprime qui me minait, depuis les évènements qui se sont produits chez Michiko, j’étais à la ramasse.
- Hm, c’est moi, ou tu es fatigué à chaque fois qu’on parle de travail ?
- Non, je t’assure, je…
- Ecoute, me dit-elle sur un ton espiègle et en s’accrochant à mon bras. Ce que je ne t’ai pas dit, c’est qu’aujourd’hui nous allons avoir de l’aide. Et pas n’importe quelle aide.
- De l’aide ? Répétais-je intriguée.
- Oui. Tu connais le beau garçon que je t’ai présenté l’autre jour…
- Lequel ? Il y en avait deux…
- Je te parle du plus beau ! Timote ! Puis en plissant les yeux, ne fait pas celle qui ne l’a pas remarqué ! J’ai bien vu comment vous vous regardiez.
- N’importe quoi ! Tu vois des choses là où il n'y en a pas.
Moi regarder un autre que Ren ? Elle divaguait totalement la pauvre fille. Oui bon, j’avais peut-être bien remarqué qu’il était beau garçon, mais de là à craquer sur lui, non.
- Dans tous les cas, continua-t-elle, il va nous rejoindre pour nous donner un petit coup de pouce. Car ce type, figure-toi, n’a pas qu’un physique, il est aussi un véritable petit génie.
- Ça n’en fera que deux, soupirais-je en repensant à mon bien aimé que je n’avais pas vu depuis ce fameux, ou plutôt ce fumeux soir.
- Pardon ?
- Non rien, me repris-je en m’apercevant que je pensais à voix haute.
Yoko était la fille unique d’un d’avocat notoire de la ville et sa belle maison témoignait de l’aisance dans laquelle elle vivait.
En entrant dans le jardin, je fus d'abord fascinée par la diversité de la végétation qui l’arborait, puis un malaise s’empara de moi. Je ne me sentais pas à ma place et mon instinct me poussa à me faire toute discrète.
Sur la réserve et en total décalage avec le monde de ma camarade, je la suivais tête baissée.
- Ne sois pas si timide, lança Yoko en arrivant devant la porte d’entrée. On ne va pas te manger tu sais.
L’intérieur de la demeure se composait d’espaces ouverts, chaleureux et accueillants. La décoration qui ne tendait absolument pas vers l’ostentation, mélangeait harmonieusement modernité et traditionalisme.
- Allez viens, m’encouragea mon hôte tandis que je traînais de la patte dans l’entrée.
- Tes parents ne sont pas là ?
- Mon père travail quasiment tout les week-end, et ma mère est en Europe chez ma tante. Je suis seule la plupart du temps. T’inquiète, on s’y fait, me rassura-t-elle en voyant ma mine déconfite.
- Je m’en doute, mais ça ne doit pas être facile quand-même.
- On se met sur la table de la cuisine, ça te va ?
- Oui, comme tu veux.
Yoko posa devant nous une carafe de thé frais, et de quoi grignoter. Pendant ce temps, j'allumais mon ordinateur et sortis un bloc de feuilles.
La pièce, claire et calme, m’aida à très vite me mettre au boulot. Seulement après une demi-heure à bûcher, je bayais aux corneilles, la jauge de concentration à zéro.
Une pesanteur s’empara de mon esprit me rappelant ma deuxième terminale. Une année d’horreur et de sacrifices. Les cours, les cours et rien que les cours. J’avais des fiches et des post-it placardés dans chaque coin de la maison. Même dans la salle-de-bain. Ma grand-mère avait trouvé le moyen de plastifier mes formules et les avait affichées sur le mur de la baignoire. Ainsi à chaque bain, je pouvais les contempler à loisir.
- Nan ! Me révoltais-je dans un sursaut. Je veux plus de cette vie de forçat…
- Hana ! Me réprimanda la jeune femme qui fut surprise par la pensée qui venait de m’échapper à haute voix. Tu es une étudiante à Tôdaï je te signale ! Tu ne peux pas juste te laisser vivre sans fournir le moindre effort. A moins que tu veuilles redoubler ton année ? Crois-en mon expérience ce n’est pas drôle. Je suis séparé de mes amis de longue date, et dès l’année prochaine certains risquent de changer de campus.
Les mots de Yoko raisonnèrent pendant plusieurs secondes dans ma tête.
J’avais oublié qu’après la deuxième années, les étudiant choisissaient leur cursus et cela impliquait que Ren allait sûrement partir aussi...