Chapitre 14 : La catastrophe
Cela venait de derrière moi.
L’huile que j’avais laissé sur le feu depuis un bon moment déjà, fumait à pleine casserole.
Le détecteur de fumée de la pièce se mit à sonner aussitôt. Et tandis que je me précipitais pour éteindre la gazinière, l’huile s’enflamma d’un coup.
La panique étant une très mauvaise conseillère, je me saisis des anses du récipient et l’emmenais en direction de l’évier.
J’ouvris l’eau froide et sans entendre la voix de Ren qui me commandait de stopper, je mis la casserole dessous.
Le temps se ralentit d’un coup.
Mes yeux écarquillés assistèrent à la naissance d’un monstre de flammes.
Un feu impressionnant me survola dans un bruit presque irréel et sourd.
Dans un souffle chaud et puissant, ce brasier s’éleva jusqu’au plafond, consumant l'air de la pièce avant de disparaître.
Seuls vestiges de son passage, des traînées noires recouvraient les murs et les meubles.
Mes jambes tremblaient affreusement et mon esprit était confus, comme suspendu entre deux dimensions.
La scène de la flamme se jouait encore et encore dans ma tête, m’empêchant de refaire surface.
Les mains de Ren qui avaient saisi mes épaules et sa voix lointaine, avaient fini par me ramener à moi.
Puis soudain, une inquiétude s’imposa: étais-je brulée ?
Je portais des mains tremblantes à mon visage en tâtonnant, recherchant la moindre zone douloureuse, la moindre cloque.
Mes yeux au bord des larmes se plongèrent dans ceux de Ren qui me faisait face les sourcils froncés et le visage grave.
- Ren, balbutiais-je émue de voir qu’il s’inquiétait pour moi.
Alors que je ne m’y attendais pas, il passa doucement ses doigts sur mon front, puis sur mes joues.
- Tu n’as pas l’air d’avoir été blessée, conclut-il en soupirant. Tu as eu une chance folle.
- Quel soulagement ! Lança Michiko que l’on n’avait pas vu arriver.
- Je suis désolée, bredouillais-je en voyant le visage décomposé de ma logeuse.
- Mais quelle idée de mettre de l’huile enflammée sous l’eau ?! Me sermonna Ren avec force. Tu te rends compte que ça aurait pu être plus grave !
- Ce n’est pas le moment de la rouspéter ! Intervint ma logeuse. Tu ne vois pas qu’elle est sous le choc, la pauvre enfant. Allons, donne-lui vite un verre d’eau. Hana, continua-t-elle en prenant mon bras. Tu trembles, viens t'asseoir un peu.
Je me laissais emmener comme une poupée de chiffons en direction de la table.
Où était passé le moi, fort et débrouillard ? Le moi qui ne se laissait pas impressionner par les situations de danger.
J’avais beau m’ordonner de me reprendre, mon corps ne m’obéissait pas.
- Désolée, fis-je en voyant le carnage que j’avais opéré dans la cuisine, je vais ranger tout ça.
- Allons, ce n’est pas grave, me dit-elle en m’aidant à m'asseoir, l’important est que tu n'as rien. Et puis ce n’est que de la suie, ça partira avec de l’eau et du savon.
- De l’eau et du savon ? Rétorqua le jeune homme en me tendant un verre de lait de soja. Tu parles. Ça va me prendre une journée pour remettre la pièce en état.
- Je le ferais ! Lançais-je avec un éclair de détermination, je suis celle qui a provoqué cette catastrophe, alors c’est à moi de réparer…
- En voulant réparer ta bourde d’hier, tu as presque mis le feu à la maison, dit-il avec sarcasme, alors j’imagine ce que ça sera la prochaine fois. Si j’ai un conseil à te donner, ne répare plus rien et contente toi de vite trouver un autre logement. Ça me donne des sueurs froides de savoir qu’un danger pareil vit avec ma grand-mère.
- Ren ! Le sermonna Michiko.
- Il a raison, commentais-je l’oreille basse. Je ne suis qu’une source d’ennuis. Je ne fais jamais rien comme il faut…
- Je monte te chercher un vaporisateur, ça te fera du bien, lança ma logeuse en quittant la pièce.
Sans que je ne m'y attende, Ren revint vers moi avec une serviette humide, et allait débarbouiller mon visage.
Dans un réflexe idiot, je me raidis.
Il me questionna du regard.
Je secouais la tête pour lui signifier que tout allait bien.
Avec une douceur infinie, il passa le linge sur mon front, ma joue et s'arrêta tout près de mes lèvres...
- Je te laisse finir, dit-il en s'éclaircissant la gorge, et me mettant la serviette dans la main. je vais ranger le chantier que t'as fait...