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Chapitre 12 : Le meilleur de moi-même

Il était dix-sept heures quand je finis par arriver au lieu de rendez-vous fixé par Ren la veille.

J’avais les pieds en compote et j’accusais un retard de plus de vingt minutes.

Pas sûre qu’il m’ai attendu, je cherchais la silhouette du garçon à travers la vitre du petit café.

- Personne, fis-je déçue. En même temps il n’est pas du genre patient, alors m’attendre, faut pas trop rêver. Ah ! ce maudit bus. Il fallait toujours qu’il parte pile à l’heure.

Connaissant cet acariâtre, il allait penser que je m’étais défilé.

Moi qui voulais montrer le « meilleur de moi-même », je commençais sur les chapeaux de roue.

Alors que je traversais la rue pour rejoindre le raccourci qui menait chez Michiko, une grande silhouette attira mon attention. Mes yeux s’animèrent et c’est avec un grand sourire que j’accélérais le pas.

- Ren ! Lançais-je une fois arrivée à sa hauteur. Désolée, mon bus est parti sans moi et comme je n’avais pas ton numéro, je n’ai pas pu te prévenir.

- Je vois, répondit-il sans s’étaler sur la question. Par contre, je ne me souviens pas t’avoir permis de m’appeler par mon prénom…

- Désolée, l’habitude. Déclarais-je avant de me rendre compte de ma boulette. Euh… je veux dire l’habitude d’entendre Michiko t’appeler ainsi.

Je me rattrapais comme je pouvais.

En même temps, je n’allais pas lui dire que lui et moi vivions une grande histoire d’amour dans ma tête, et qu’il était donc normal, pour moi, de l'appeler de manière informelle.

- Tu aurais moins besoin d’être désolée, si tu étais plus consciencieuse. Mais bon, puisque tu es là, on pourrait peut-être y aller, fit-il sans relever plus mon explication bancale.

- Oui, acquiesçais-je tout sourire, faisons ça.

- Qu’est-ce qu’il te faut comme ingrédients ? Tu as une liste ?

- Oui, j’ai ça, hochais-je la tête en pâmoison devant son air si beau, et après avoir fouillé dans mon sac, je sortis un petit carton plein de cœurs et de fleurs gribouillés ici et là.

Je le voyais déjà soupirer et lever les yeux au ciel, consterné par la gaminerie dont je faisais preuve. En prenant le feuillet, il se contenta de le parcourir avant de dire le plus sérieusement du monde :

- Vu l’heure, je te suggère de passer chez le marchand de Mochis.

- Le marchand ? On ne les prend pas directement au supermarché ?

Il ne répondit pas à ma question et commençait déjà à partir.

Ses jambes immenses me distancèrent très vite, ce qui m’obligea à accélérer comme jamais.

Pour couronner le tout, mes pieds en feu vacillaient à chaque pas que je faisais.

Quelle ingénieuse idée que d’avoir mis ces escarpins. « Je t’en donnerai, moi, des occasions « spéciales ».

Surtout que depuis que nous marchions ensemble, Ren ne m’avait pas gratifié d’un seul regard.

Enfin, ensemble était un bien grand mot.

Disons plutôt que je me trainais derrière lui comme une pestiférée.

Et si l’on ajoutait à cela, ma démarche claudicante, on aurait pu se dire qu’il était pris en chasse par une fille louche, sous l’emprise d’on ne sait quel stupéfiant.

- Marche plus encore plus vite, tant que t’y es, fis-je exaspérée par son manque de considération.

J’avais la nette impression qu’il ne voulait pas être vu en ma présence. Et que c’était pour cette raison qu’il me tenait éloignée.

- Si tu n’avais pas été en retard, on ne serait pas obligé de se dépêcher, me rappela Ren sans daigner se retourner.

- Je me suis excusée je te signale…

- Je te l’ai déjà dit, s’excuser ne résout pas tout dans la vie.

Sur ces mots, il accéléra sans faire de cas de moi, ni de mes pauvres pieds, qui devaient être en sang à l’heure qu’il était.

J’en avais déjà vu des vertes et des pas mûres avant de pouvoir le rejoindre à Tokyo. Maintenant que j’y étais, je devais m’armer de patience et montrer « le meilleur de moi-même ».

La boutique de Mochis donnait vraiment envie avec ses assortiments sucrés et colorés.

Je comprenais mieux pourquoi Ren m’avait amené ici.

Ce garçon était, apparemment, friand de bonnes choses. Et à voir la finesse de certaines spécialités, je me dis que l’on était chez l’un des meilleurs artisans de la ville.

Disposés sur de magnifiques supports derrière la grande vitrine, ces œuvres d’arts comestibles donnaient autant envie de les admirer que de les manger.

- Les Dangos n’étaient pas sur ta liste ? Si ? Me demanda Ren tandis que j’en ajoutais à ma commande.

- Non, mais ils ont l’air tellement appétissants, me justifiais-je en essayant de me donner un air mignon.

- Tu devrais faire attention, me prévint-il d’un air sérieux, à force de manger de la sorte tu vas finir par ne plus passer les portes.

- Quoi ?! M’exclamais-je vexée. Pour ta gouverne je n’ai pas bien déjeuné à midi et de plus je peux manger ce qui me plaît sans prendre un gramme.

- Mmm, fit-il d’un air narquois. Donc le plateau débordant que tu as englouti au réfectoire, n’était qu’une illusion ?

- Je ne vois pas de quoi tu parles, répondais-je comme si je me sentais en rien concernée par ses paroles.

- Un bol de Ramen, des Udons, une assiette de curry…

- Je ne savais pas quoi choisir, me défendais-je, alors j’ai pris un peu de tout pour goûter !

Ce type m’avait bien vu à la cafétéria et m’avait sciemment ignoré. Par contre, ce qu’il n’avait pas ignoré, c’était ce que j’avais ingéré. Je fulminais intérieurement tandis que l’on quittait l’échoppe.

- Enfin, je dis ça pour toi, si tu ne veux pas aggraver ton embonpoint.

S’en était trop.

Là, il dépassait les bornes et j’allais exploser d’une seconde à l’autre.

« De quel embonpoint il parle, d’abord ? C’est à peine si j’ai pris deux kilos depuis que je suis à Tokyo. Et puis, qu’est-ce qu’il croit ? Que toutes les filles rêvent de ressembler aux asperges qui le suivent partout comme des toutous ? »

« Calme-toi, me résonna la voix de Maria alors Hyde, mon alter égo incontrôlable, menaçait d’apparaître au grand jour. N’oublie pas que tu es là pour lui montrer le meilleur de toi-même »

Me calmer ?

Le meilleur de moi-même ?

Exaspérée par sa voix, je décidais que c’était sur elle que j’allais passer mes nerfs.

Je m’imaginais l’étranglant comme une oie. Clouant le bec à cette harpie sans cervelle.

"Je vais t'en donner, moi, du « meilleur de moi-même ». "

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