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Chapitre 11 : Yoko

Toute cette nourriture m’avait donné faim.

Mon ventre était passé par toutes les plaintes et quand arriva l’heure d’aller manger, je me précipitais en courant vers le réfectoire.

Après une dizaine de minutes d’attente, je pus enfin prendre ma commande : un grand bol de Ramen, un autre de Udons, une assiette de curry surplombé d’un katsudon, une salade de pomme de terre et deux parts de gâteau au chocolat.

Il fallait bien ça pour me requinquer et me donner la force d’appréhender le reste de la journée.

L’employée qui m’encaissait me dévisagea.

- Si c’est pour manger avec des amis, vous pouvez prendre d’autres couverts. Même des plateaux si…

- Heu, non, bredouillais-je discrètement. C’est pour moi.

- Ah ? S’étonna-t-elle ahuri. Ça fera 2000 Yen…

« Pourquoi elle fait cette tête ? C’est pas comme ci s'était qui allait tout manger. »

Tout en faisant les yeux doux à mon copieux plateau débordant, je pris place à une table à l’écart.

Je n’avais aucune envie d’être observé par les autres tandis que je me régalais.

Je n’étais pas loin de finir mon premier plat quand l’atmosphère du réfectoire changea.

Je sentais des regards discrets se lever vers l’entrée et des chuchotements se firent entendre.

Je sortais mon nez de mon bon de Ramen, et levais le menton.

- Ren, balbutiais-je avec admiration comme si je le voyais pour la première fois.

Une aura noir et pesante me fit frissonner. Je sentais plusieurs regards se poser sur moi avec désapprobation.

Puis une fille assise près de moi lança à ses copines :

- Tu l’entends celle-là ? Elle l’appel carrément par son prénom.

- Je vous jure, il y en a, elles se croient tout permis, ajouta une autre en secouant la tête.

« C’est quoi ça ? Le comité d’admiratrices secrètes ? »

Même si je pesais intérieurement, je fis profil bas pour ne pas attirer plus l’attention de ces mégères enragées.

Puis je retournais au plus important.

Comme la veille, Ren était entouré de demoiselles à la plastique impeccable. Et comme la veille, mon cœur était accablé par cette scène. Ça me faisait mal de l’admettre, mais en même temps, je le voyais mal se pavaner avec des filles ordinaires dans mon genre.

Et puis à en juger par ce qui se déroulait sous mes yeux, ces donzelles devaient le connaître depuis un bon moment…

« Une seconde ! Me fis-je remarquer. Moi aussi je le connais à présent. Et tout comme ces filles, je peux l’approcher et même lui parler. »

En voyant qu’il regardait dans ma direction, je me levais fièrement afin qu’il puisse me voir et peut-être même me saluer de la main.

J’imaginais déjà la tête des harpies qui étaient assises non loin de moi, et qui s’étaient moquées de ma familiarité envers Ren un peu plus tôt.

Le regard de Ren balaya les alentours sans me prêter la moindre attention.

le sourire peint sur ma face la seconde d’avant se mua en une grimace déçue.

Je m’asseyais toute honteuse d’avoir été snobée comme une vieille chaussette.

« J’espère que personne n’a vu la pathétique scène que je viens d’offrir, songeais-je mal à l’aise. Je dois donner le change. »

Sans attendre, je me mis à pianoter sur mon téléphone et fis semblant de passer un coup de fil.

« Mais c’est quoi ce type ? Me revoltais-je intérieurement. La veille il me donne rendez-vous pour faire des courses avec lui, et là quand il me voit à la fac, il ne daigne même pas me saluer de loin. »

J’avais conscience qu’il ne m’avait pas encore accepté, ne serait-ce que comme une connaissance, mais tout de même.

Un salut n’allait pas le tuer.

Puis je finissais par comprendre, sa majesté ne voulait pas être vue en train de parler aux gueuses.

Tout en grignotant nerveusement mes petits concombres marinés, je me retournais de temps à autre pour regarder mon amoureux évoluer au milieu de ces filles.

« Non mais franchement ? pestais-je d’un air hargneux. Elles m’exaspèrent avec leurs manières de de femmes au foyer et leur douceur surjouée. Qu’est-ce qu'elles espèrent à s’agglutiner autour de lui de la sorte ? »

La réponse me faisait rager d’avance, et je m’en mordis la langue.

Après un moment à observer ma cible, je m’aperçus qu’il n’était pas très bavard non plus avec les autres filles. Il les écoutait tout au plus, ne se défaisant à aucun moment de son air froid et insaisissable.

C’était comme s’il s’ennuyait, et qu’il n’avait aucune envie d’être là.

Cette distance qu’il maintenait avec ses magnifiques camarades, malgré leurs tentatives de rapprochement, soulagea quelque peu ma jalousie. Et c’est presque une guillerette que je revenais à mon plateau.

Yoko qui avait pris mon numéro plus tôt, m’envoya un message me demandant de la retrouver à la bibliothèque. Nous allions passer la première heure de l’après-midi à étudier ensemble. Je ne la croyais pas aussi studieuse.

« A son contact, je vais peut-être trouver un intérêt pour les cours. Qui sait ? »

Sur le chemin qui menait à la grande bâtisse, je commençais à sentir des brûlures désagréables aux pieds.

« Des ampoules ? Non, ce n'est pas le bon jour pour ça... »

Mes escarpins étaient neufs, et je ne les avais jamais portés auparavant. Pas étonnant que ça arrive.

J’ai manqué de jugeote sur ce coup-là. Ma tendance à privilégier le confort ne m’ayant pas habitué à faire face à ce genre de désagréments, c’est en boitant comme un canard que je rejoignais Yoko.

- Tu es tombé ? Me demanda-t-elle inquiète ?

- Non, du tout, juste un peu mal aux pieds.

- Chaussures neuves, hein ?

- Comment tu sais ?

- Le cuir à l’air encore rigide.

- T’es une experte. On va s'asseoir, comme ça je pourrais les enlever et soulager un peu mes petons.

- Hm hm, très mauvaise idée, fit ma copine en secouant la tête. Et tandis que je la questionnais du regard, si tu fais ça, tes pieds vont gonfler et ça sera encore plus difficile de te rechausser après. Le mieux c’est de patienter jusqu’à chez toi.

Patienter ?

Mais comment lui dire que je n’allais pas tranquillement rentrer chez moi, et que j’allais faire les courses les plus importantes de ma vie, ce soir.

Yoko ne me laissa pas tergiverser plus, et me traîna vers l’une des tables libres.

Sous ses airs de fille superficielle, ma camarade était, en réalité, très studieuse.

Nous n’avions pas encore commencé le semestre, qu’elle sortait ses cours l’année passée.

- Je te conseil de prendre de l’avance aussi, me fustigea-t-elle quand elle me vit rêvasser, auquel cas tu seras vite larguée.

- Heu oui, fi-je penaude devant la transformation impressionnante de cette fille. Je vais faire de mon mieux.

Elle parlait chaussure la minute d’avant. Comment j'aurais pu deviner que c’était en réalité une machine de travail. Le pire c’est qu’elle avait décidé que je devais en faire autant.

« Je retire tout ce que j’ai dit sur le fait que j’étais contente de l’avoir rencontré. Maria ! Au secours ! »

Mon calvaire et mes cours étaient terminés ! Je pouvais enfin respirer et surtout m’en aller rejoindre Ren.

Je ramassais mes affaires avec hâte, quand Yoko me tendit une clé USB.

- C’est quoi ?

- Mes notes d’aujourd’hui.

- Hein ?

- Tu crois que je t’ai pas vu roupiller, dans l'amphi ?

Mais qui était cette fille ? le KGB ? Et je n’y pouvais rien moi si j’ai peu dormi cette nuit.

- Tu ferais mieux de venir réviser chez moi, ce week-end ? Me conseilla-t-elle après avoir jeté son sac sur ses épaules.

- Ce week-end ?

-Oui. Tu as décidément besoin d’un petit coup de pouce pour te mettre sur les rails et si tu ne veux pas aller au repêchage dès les premiers examens, tu ferais mieux de bien commencer le semestre…

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