Chapitre 10 : De retour à Tôdaï
Le réveil s’entêtait avec une constance telle, que je me résignais à étendre mon bras pour l’éteindre.
Ma nuit avait été courte, et mes yeux bouffis par l’excès d’écran refusaient de s’ouvrir.
M’armant d’une force mentale indescriptible, je me tournais sur le côté.
« Et puis, la flemme ! C’est vraiment grave si je sèche les cours ce matin ? »
- Hana ! Claironna Michiko en tambourinant à la porte. C’est l’heure. Si tu ne descends pas prendre ton petit déjeuner maintenant, tu arriveras en retard pour ton bus.
- Oui, oui, j’arrive tout de suite.
Je la remerciais de son intervention, sans laquelle, je serais encore sous la couette à paresser.
La douche fut persuasive. J’ai oublié de régler le thermostat. Après un cri de surprise, je laissais l’eau fraîche finir de me réveiller.
Le miroir qui me jaugeait de la tête au pied, fut sans scrupules, pour ne pas dire cruel.
Je ressemblais à un panda avec mes valises sous les yeux et mes cheveux indisciplinés. Quant à ma silhouette, que j’avais mis plus d’un an à surveiller, se remis à s’arrondir.
- Et comment je dissimule tout ça, moi ? Ça me déprime…
L’opération camouflage fut lancée.
Je jetais sur le lit toutes les tenues amples que j’avais avant de les placer devant moi, pour mieux les évaluer.
- C’est moi, ou j’ai que des trucs roses ? Et tous ces froufrous…
Au risque de faire soupirer Maria, mon choix se porta sur le vêtement le plus sobre que j’avais. Une robe pull ample en molleton qui cachait mon petit embonpoint et un collant opaque noir, idéal pour affiner les jambes.
Avec toutes ces astuces, Ren n’y verrait que du feu.
Contente de moi, je continuais sur ma lancée en sortant ma trousse à maquillage et en atténuant mon teint blafard et mes cernes.
Je n’étais pas en avance, mais en échange de l’étape petit-déjeuner, je pris aussi le temps d’attacher mes cheveux en un adorable chignon haut.
- Voilà, voilà, fis-je devant mon miroir, non mécontente du résultat. Je me suis plutôt bien débrouillée, il faut dire. Il me manque plus qu'à choisir mes chaussures.
Ren était une perche et je n’atteignais pas son épaule. Je ne pouvais donc pas porter de plat.
Je sortais ma paire d’escarpins de leur boîte. Maria me les avait fait acheter pour les occasions « spéciales ». Et même si cette sortie n’était en rien galante, elle n’en restait pas moins « spéciale » à mes yeux.
- Hana ! M’appela Michiko. Tu es en retard !
- J’y vais…
Tôdaï était aussi radieux que la veille avec ses allées bordées de végétations et ses arbres en fleurs qui ombrageaient le campus par endroit.
Un magnifique ciel printanier encadrait ce tableau et invitait les étudiants à s’installer sur la pelouse en attendant le début de leur cours.
Après avoir jeté un œil à mon emploi du temps, je me rendais au bâtiment où l’on allait avoir cours ce matin.
Déjà, des groupes s’étaient formés en ce deuxième jour de rentrée. Pour certains, ils avaient l’air de se connaître depuis des années et riaient ensemble de manière très décontractée. Était-ce le statut d’étudiant qui rendait les relations moins formelles ?
En arrivant devant l’entrée, j’aperçus Yoko qui discutait tranquillement avec trois personnes.
Ils étaient peut-être dans notre groupe, mais leur visage ne me disaient rien. En même temps, je n’avais pas pris le temps de regarder qui que ce soit. Et ma fuite d’hier, m’avait fait louper plusieurs heures de cours.
- Hana ! M’interpela ma camarade en m’apercevant.
- Ah, salut, répondais-je en lui faisant un signe de la main.
- Comment se fait-il que tu aies disparu hier après-midi ? Me questionna-t-elle quand je l’eus rejoint.
- Heu, je n’ai pas disparu, me justifiais-je penaude, j’avais juste un rendez-vous…
- Je vois. Hana, je te présente des amis. Nous étions dans la même classe l’année dernière.
- Bonjour, fis-je tellement intimidée que je levais à peine la tête vers eux.
- Elle, c’est Inoue Ryo, lui, c’est kazawa Amane et lui là, c’est Hirohisa Timote. Comme tu t’en doute, ils sont actuellement en deuxième année.
- Enchantée ! Lançais-je aux aînés qui venaient de m’être présentés. Je m'appelle Yamamoto Hana.
- Enchantée ! Me répondit Hirohisa avec un sourire qui dévoilait une petite fossette sur sa joue droite. Et, bienvenue dans notre campus.
- Merci, répondais-je intimidée par le beau garçon à l’allure distinguée.
- C’est pas tout, lança Ryo qui jeta un œil à sa montre, mais nous, on doit y aller. On se voit plus tard.
- Oui, on déjeune ensemble de toute façon, lui rappela Yoko.
- A très bientôt, Yamamoto-san, fit Hirohisa en s’éloignant avec ses amis.
- A bientôt…
Yoko avait vraiment l’air d’être une chic fille, il n’y avait qu’à voir comment ses camarades de l’an passé se souciaient encore d’elle. Même si elle n’était plus avec eux, ils venaient la voir, lui proposaient de manger avec eux, etc....
Contrairement à Maria, mon amie d’enfance, elle était plus enjouée et paraissait beaucoup moins rabat-joie et moralisatrice. Je sentais que nous allions nous entendre à merveille et j’étais bien heureuse de ne pas être rentrée à Kira, la veille.
Le premier cours de sciences sociales fut long et barbant à souhait. Il donna le ton du reste de la journée. Sincèrement, qu’en avais-je à faire de « la culture et de ses fondements ». D’ailleurs qui cela pouvait-il intéresser ?
Distraite pour distraite, je sortais mon téléphone, vissais un écouteur sur mon oreille et retournais sur les vidéos de recettes qui m’intéressaient.
Mon « dîner de réparation » devait être au top. Je voulais qu’Ozawa Ren ne trouve rien à y redire, qu’il soit bluffé, en somme.