chapitre 5
Quelques minutes plus tard, alors qu'ils étaient en train de rigoler comme une vraie famille heureuse, la sonnette retentit de nouveau et ce fut Jewel qui alla ouvrir. Il ne put s'empêcher de sourire en voyant le père Maurice devant la porte. Il avait un peu pris de l'âge selon lui et c'était normal car il avait passé trois ans sans le voir.
- mon père.
- mon garçon, comme je suis heureux de te revoir, ça fait combien de temps que tu es au Cameroun ?
- je suis arrivé aujourd'hui mon père.
- et comment se porte ma petite Isadora.
- elle va bien et elle vous envoie ses sincères salutations.
Revenant dans le salon, Isabelle ne put s'empêcher de foudroyer le père Maurice du regard, quelque chose qu'il tenta bien d'ignorer mais en vain. Il finit par souffler et baisser la garde car cette petite s'inquiétait juste pour lui vu son âge.
- je sais que j'aurais dû t'appeler pour que tu viennes mais ça ne me dérange pas de me déplacer tu sais ?
- comme d'habitude, je le sais. Bien, qu'est-ce qui te fait t'exposer au soleil de la sorte mon père ?
Le son de sa voix prouvait clairement qu'elle n'était pas de bonne humeur et ça lui brisait encore le cœur de devoir lui parler de la raison de sa venue. Il lui tendit juste le bout de papier que lui avait donné Emsig,en espérant qu'elle ne le prenne pas mal.
Lorsqu'elle entreprit de le déplier, sa petite boule d'énergie sortit de nulle part et se jeta dans les bras du père Maurice comme à son habitude. Elle souffla encore deux fois plus, car elle n'avait jamais cessé de rappeler à sa fille que le père Maurice prenait de l'âge et qu'elle devait cesser de lui sauter dessus de la sorte.
- papy t'es là depuis ? Avait demandé Capucine enthousiaste d'être entouré de sa famille, oui de son papy, son tonton et sa mère.
- non je viens tout juste d'arriver mon ange.
- je suis très heureuse papy, ne peut-elle s'empêcher de dire.
- ah oui?
- oui! Tu es là, tonton est là et maman aussi. Enfin je suis un peu triste mais aussi heureuse. Si papa était là, on serait tous au complet n'est-ce pas ?
Comment réagir face à cela, tous les adultes de la salle ne purent s'empêcher de se jeter des regards triste. Ce n'était point la première fois que la petite réclamait la présence de son père pourtant elle n'obtenait jamais une réponse favorable.
- vous êtes tristes? Papa ne viendra pas ?
Ayant assez des plaintes de sa fille au sujet de son père, elle se retira et alla se réfugier dans la cuisine avant de déplier ce papier. Comme à son habitude, elle lisait toujours la signature avant de rentrer lire le corps de la lettre. Emsig Deleu. Impossible se dit-elle. Comment ça une lettre de lui, certainement des humiliations comme le jour précédent.
Scandalisée et aussi curieuse de savoir le fond de sa pensée exprimé sur ce bout de papier, elle reprit son courage et décida de le lire.
" Bonjour Isabelle, je sais que tu ne t'apprêtes pas à recevoir une lettre de moi et j'avoue que je ne m'attendais pas aussi à t'écrire. C'est sous l'insistance du père Maurice que je l'ai fait et toi même tu sais que jamais je ne pourrai rien lui refuser. J'avoue avoir été très loin dans mes propos hier et comme l'a si bien précisé le père Maurice, tu as besoin de ce boulot et moi j'ai besoin d'un personnel. Nos différends pourront attendre. Alors si cela t'intéresse toujours, tu pourras commencer dès demain.
Emsig Deleu"
Non elle n'arrivait pas y croire, jamais elle ne se serait attendue à une lettre pareille sauf s'il attendait qu'elle soit dans son antre afin de faire d'elle ce qu'il voulait. Elle avait encore un peu de sa dignité et ne se voyait vraiment pas y retourner sous excuse qu'elle avait fortement besoin de travail.
Attendant quelques minutes déjà, elle ne se montrait pas ce qui inquiétait le père Maurice. Il savait très bien à quoi s'attendre et son silence agravait plus son inquiétude car Isabelle était une fille impulsive qui ne savait pas retenir ses émotions.
- occupe-toi de Capucine je t'en prie, je dois voir Isabelle, dit-il à l'intention de Jewel.
Il abdiqua sans poser de question mais il n'était pas dupe, il avait bien constaté quelque chose n'allait pas et tenait bien à découvrir ce qui n'allait pas.
Arrivant dans la cuisine, il la vit de dos tenant encore le bout de papier dans la main. Il perdit ses moyens car voir cette petite triste fut la chose la plus douloureuse qu'il n'aimait pas vivre.
- ma petite écoute...
- je ne t'en veux pas mon père, je comprends que tu veuilles absolument m'aider mais je ne peux pas retourner dans cette boîte. Il me hait toujours même après ces années passées.
- ma petite Isabelle, jamais je ne cesserai de t'aider et tu le sais mais tu dois aller travailler pour ta fille. Il ne faudrait pas qu'elle manque quelque chose et...
- assez! avait hurler Isabelle en perdant ses moyens.
Entendant cet hurlement, Capucine avait sursauté alors qu'elle jouait avec ses poupées. Prête à éclater de sanglot, Jewel se précipita vers elle et la calma, ce qui marcha plutôt bien.
- ma puce et si tu allais dans ta chambre me chercher Raiponce ?
- tu veux qu'on joue aux poupées ensemble ? Demanda t-elle enthousiaste.
Voyant le sourire de la petite, il ne put se retenir et hocha la tête, il était bien conscient qu'il ne savait pas comment jouer aux poupées mais jamais il ne lui aurait donné une réponse feignant à la rendre triste. Elle se leva et courut en direction de sa chambre et Jewel profita pour rejoindre la cuisine. Il régnait dans cet espace une tension glaciale. Il dépassa le père Maurice et alla récupérer le bout de papier que tenait Isabelle dans la main.
Comme un mauvais reflex, ses yeux s'attarda sur la signature et...
- Emsig Deleu ?
Non il croyait halluciner. Il se retourna vers le père Maurice et ce dernier baissa la tête. Regardant Isabelle, il pouvait constaté qu'elle avait les larmes aux yeux. Pris d'une énorme colère, il froissa le bout de papier dans sa main en expirant fortement.
- tonton on peut jouer? Dit Capucine en arrivant dans la cuisine.
Vu la colère que reflétait ses yeux, il ne put se retourner par peur d'effrayer la petite. Ayant compris qu'il ne se retournerait pas et ne voulant non plus inquiéter la petite vu qu'elle n'avait rien demandé de tout celà, le père Maurice lui tint la main et la ramena dans le salon.
- pourquoi une lettre de lui?
- je n'ai pas demandé cette lettre Jewel alors cesse de te mettre en colère contre moi tu veux ?
- depuis quand t'envoie t-il des lettres Isabelle ? Ne me dis pas que tu...
- assez! T'entends, j'en ai assez entendu en deux jours. D'abord lui qui m'humilie dans sa boîte et maintenant toi qui m'accuse d'être une fille facile, bon sang j'en ai mare de vous entendre.
- attends quoi? T'es allé dans sa boîte? Qu'es-tu allée faire là bas Isabelle ?
-tu n'es pas mon père alors cesse de vouloir tout gérer dans ma vie, je suis une grande fille, je prends mes propos décisions et je les assumes. N'oublie jamais qu'il restera le père de ma fille.
Blessé au plus haut point par ses propos, il la fixa droit dans les yeux. Elle était apeurée et il ne voulait pas accentuer cette frayeur en elle mais toujours est-il, il ne voulait pas partir sans lui dire le fond de sa pensée.
- tu as parfaitement raison, il est le père de Capucine mais il ne la mérite pas et toi non plus il ne te mérite pas. S'il était vraiment un homme pour toi, jamais il n'aurait douté de toi, il t'aimait certes mais pas assez pour ne pas te croire.
Après avoir fini, il ne prit pas la peine d'entendre le son de sa voix et s'en alla. Il déposa un baiser sur le front de la petite et s'en alla après avoir serré la main du père Maurice. Perdu après tout celà, elle se laissa tomber sur le carrelage attendant certainement un miracle.
Jewel avait certainement raison d'agir ainsi mais comment pouvait-elle éviter cet homme à vie si déjà le sang de son sang et la chair de sa chair était sa fille. Elle finit par se lever et rejoignit le salon.
- il est parti ?
- et très en colère. J'imagine que l'évocation de Emsig le met toujours hors de lui.
- oui mais qu'est-ce que je peux bien faire ? J'en ai mare de ma vie mon père.
- tu ne devrais pas dire ça Isabelle. Je dois m'en aller et je te conseille d'aller voir Jewel avant, cet homme a été là pour toi depuis le début, il t'a soutenu comme un frère malgré ce qui a été dit en son nom. Attends qu'il soit calme et va lui parler.
Elle abdiqua et il la prit dans ses bras. Il leur dit au-revoir et s'en alla pas très comblé.