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Chapitre 01

Chapitre I :

Jab, crochet, droite, direct, esquive ! Jab, crochet, droite, direct, esquive ! Jab, crochet…

« — Tu pousses avec tes épaules. »

Droite, direct…

« — Encre ta posture, t’as pas d’équilibre ! Y’a aucune puissance là ! »

Jab, droite…

« — Tu frappes comme Micka ! »

Direct !

« BAM »

Merde !

« — Ouhh ! Ca doit faire mal ça.

— Pas autant que mon poing dans ta figure si tu fermes pas ta grande bouche. je souffle avant de me repositionner. »

Jab, crochet, droite, direct…

« — Liam n’a pas mougou, il est pas d’humeur alors je serai toi, j’m’éloignerais de lui au risque de recevoir un coup perdu. lance Phil.

— Haaan c’est pour ça que tu es nul aujourd’hui ? Je comprends mieux. »

Je stoppe brusquement mon poing que j’apprêtais à abattre sur le sac et retire mes gants. J’ai le souffle court, mes muscles sont complètements endoloris et une fatigue s’est emparée de moi. Puis j’ai assez supporté les commentaires de Tom. Ma séance peut s’arrêter ici.

« — Oh ! Liam, le prends pas comme ça ! il souffle derrière moi, alors que je m’empare de ma gourde. Je compatis tu sais. Tu vas bientôt la serrer, t’en fais pas ! C’est le cube maggie qui fait sa pub sinon le sel est serein. »

Les sourcils froncés, je me retourne au trois-quarts pour m’assurer que je viens pas d’halluciner cette absurdité avant de secouer la tête et emprunter le chemin des vestiaires quand je comprends que non, j’ai pas halluciné. Ce mec est un cas désespéré.

Avec difficulté je m’assieds sur le banc face à mon cassier puis ferme les yeux et rejette ma tête en arrière.

Tatiana n’a rien à voir avec mon manque d’énergie et ma déconcentration. Si je dois reprendre l’expression de Philomène, j’ai mougou Tatiana. Ce n’était pas difficile. Et ça même après l’irruption de Mickaela dans mon appartement.

En toute transparence, je lui ai expliqué qui est Mickaela et elle s’est contentée de cette information. Je lui aurais menti que ça n’aurait rien changé. Je l’ai entendu discuter de moi avec une de ses amies, et ce n’est pas la présence d’une autre femme dans ma vie qui aurait pu arrêter ses plans. Ce qu’elle ne semble pas comprendre malgré tout l’énergie que je mets à clarifier les relations que l’on entretient, c’est que nous n’avons pas les mêmes plans. Les miens, la concernant, se sont réalisés le soir où nous avons couché ensemble, puis ont dévié sur un autre chemin dès la minute où je me suis laissé retomber sur le lit.

Ils se sont principalement orientés vers la quête de la résolution de mon souci majeur : oublier l’image de Mickaela nue sur mon canapé.

J’ai mis un quart de second à comprendre qu’elle était vraiment là. Je pensais qu’il s’agissait d’une hallucination. Ça m’aurait pas choqué. Parce que c’est le genre d’hallucinations que j’ai longtemps eues. Surtout après avoir été amené à passer du temps avec elle. Dans la douche, alors que je frottais énergiquement le gel sur mes cheveux sous le jet d’eau, j’entendais son rire. A la station de métro, le matin sur le quai, je la voyais courir et entrer de justesse dans le wagon avant que les portes automatiques ne se referme. Le soir, après une journée harassante, je la retrouvais sur le canapé, exactement à l’emplacement où elle était mercredi, en train de feuilleté un magasin, sa chevelure indomptable détachée et encadrant son visage ovale. Elle souriait, refermer son magazine et me demandait, la tête penchée sur le côté comment était ma journée. Mais ce n’était jamais elle. Ce n’était que des hallucinations. Hallucinations que je n’avais pas le droit, et que je n’ai toujours pas le droit aujourd’hui, d’avoir. Après tout, c’est ma sœur.

« — Tu es venu dormir ici ?

— Tom, lâche-moi deux minutes tu veux ?

— Je t’ai alors tenu ? »

Soupir.

Je retire mes vêtements sans plus me préoccuper de lui et avec la dernière énergie, je rejoins les douches pour me décrasser. Épuisé comme je le suis, je vais rentrer, m’écrouler sur mon lit et dormir sans hallucinations, sans préoccupations, sans rêves, sans rien. Tout ce dont j’ai besoin.

« — Tu me jettes chez Moses, je suis à pied là.

— Il y a encore les métros et les RER.

— Tu sais que le gars habite dans un trou perdu, je vais en avoir pour pas moins d’une heure trente.

— Je serais toi, je me mettrais déjà en route. »

Je l’entends soupirer derrière moi et quelques secondes plus tard, j’entends la porte du vestiaire se refermer. Je retourne dans le vestiaire, enfile mes vêtements. Tandis que je rejoins la sortie, j’essaie de visualiser le contenu de mon frigo pour optimiser mon temps. Comme après une séance aussi intensive, j’ai une faim de loup et si je fais l’erreur d’aller dormir sans avoir mangé quoi que ce soit, je vais me réveiller en pleine nuit et je déteste ça. Mon sommeil est tellement difficile à retrouver dans ces moments-là, que je finis par bosser alors même que je suis fatigué.

Je vais passer par Pantin pour me prendre des brochettes et des ailes de poulet, je me dis en me dirigeant vers ma voiture.

Je retrouve Tom adossé à ma portière passager, le nez dans son téléphone. Je me disais bien qu’il avait abdiqué trop vite.

« — Grouille-toi gars, il fait froid ! »

Il range son téléphone puis joins ses mains pour les frotter avant de souffler dessus.

« — Je suis en train de cailler, je dois gérer la petite et toi tu fais ton mannequin ! tchrr. »

Quand j’arrive devant le coffre et seulement à ce moment, je déverrouille la voiture.

« — Enfoiré. »

Je souris.

Ce n’était vraiment pas dans mon programme de le déposer, mais ce mec est tellement insistant, un peu comme les enfants qui quémandent pendant de longues heures, que je me résigne avant même qu’il ne commence à faire son cirque. Je suis bien trop fatigué pour ne serait-ce que faire semblant de lui tenir tête.

« Je suis mauvais, tu ne me connais pas, je suis kinda, tu ne me connais pas, je peux même te taper, mon bébé ! Moi je veux, j’ai envie, je veux donner seulement, moi je veux j’ai envie, je veux te … »

La sonnerie du téléphone de Tom résonne dans le véhicule et je devine aux paroles de la chanson qu’il doit s’agir de « la petite » qu’il « gère », avec beaucoup de mal.

« — Allô ?

—…

— Mais comment ça demain t’es pas dispo ?

—…

— Ta tante quoi ?

—…

— Mais c’est pas grave, je vais t’accompagner aller la voir et s’il faut rester dans la voiture pour ne pas l’effrayer, je resterai puis on rentrera ensemble.

—…

— Oui oui, j’ai des solutions à tout problème. Moi je suis un homme de résolution. On fait comme ça bébé. »

Et il raccroche.

« — Cette petite me prend trop pour son mougou ! Tu as fini de bouffer mon argent et tu penses que je vais te laisser sans moi aussi bouffer ton way ? Tu as menti ! »

J’éclate de rire et mon rire fait écho dans l’habitacle. Je ne sais pas qui est cette personne qui joue avec sa photo au village, mais faut vraiment qu’elle y aille doucement. Le gars est sérieusement atteint !

« — T’as carrément mis une sonnerie spéciale pour elle ?

— Bien sûr. Le son est doux et il me donne l’impression de parler à cette bouffeuse de jeton. Comme quoi, elle a trop de jumelles dans ce monde. »

Je m’abstiens de lui balancer qu’il a aussi des jumeaux, parce qu’il pourrait me répondre par un sourire qui signifierait « toi le premier, n’est-ce pas ». Je me contente de manœuvrer pour garer ma voiture dans le parking ouvert, puis je prends le temps de souffler quelques secondes avant de sortir de la voiture. Je voulais adapter mon trajet en allant chercher mon repas puis en déposant Tom, mais je me suis rappelé qu’à chaque rencontre Soraya, la femme de Moses, prend toujours le temps de préparer différents plats dans des quantités gargantuesques. Et ses plats, ont le mérite d’être excellent. Entre quelques brochettes et ailes de poulet assez bien assaisonnées, et des repas maisons préparés avec amour par la plus douce que je connaisse, il n’y a pas photo.

« — Ohhh ! Ma femme ! Celle que j’ai laissé passer par amitié ! Comment vas-tu ?

— Bonsoir Tom ! Je vais bien et toi ?

— Je survie malgré le manque de ta présence dans ma vie.

— Tom arrête de bloquer la porte d’entrée et laisse ma femme tranquille !

— Mo, c’est parce que je suis full en ce moment sinon j’allais m’atteler à récupérer « ma » femme ! »

Comme à chaque fois que Tom croise Soraya, il lui fait son speech et elle y répond avec entrain. C’est leur truc à eux, une façon de se saluer. Moi, je les dépasse pour aller saluer Moses qui est juste en face de moi, et prends place devant la table à manger qui fait office de buffet. Sans surprise, il est bien garni et je retrouve tout ce dont je souhaite manger depuis un moment.

« — Je vais pas trainer. Je me fais un take away et j’y go.

— Tu pars où ? T’as un plan pour ce soir alors qu’on devait se capter ?

— Je suis K.O. Je viens de m’entraîner pendant deux heures. J’tiens plus sur mes jambes. »

Pendant que je donne les raisons de mon absence à Mo, Soraya m’apporte un plat assez large en aluminium qu’elle remplit de tous les mets présents.

« — Ca ne va pas ? Moses me demande sur un ton plein d’inquiétude.

— Comment ça ?

— Oublie pas que je te connais. Quand tu t’entraines autant c’est qu’il y a quelque chose qui te tracasse. »

Je passe machinalement une main sur mon bouc pour me donner une certaine contenance avant de me tourner vers lui, un sourire planté sur les lèvres.

« — Y’a rien, je t’assure. J’avais simplement besoin de me lâcher. »

Il ne croit pas un seul mot de ce que je viens de dire et je ne compte pas éclairer sa lanterne. Je suis pas assez fou pour ça, je tiens à ma vie, même si mon excès de sérénité laisse penser le contraire. Je ne lui ai pas parlé du passage de Mickaela, encore moins des conditions et l’état dans lequel elle était lorsqu’elle est passée. Il comprendrait vite le pourquoi de mon trouble, et il serait loin d’apprécier.

« — Il a pas mougou depuis un moment ! intervient Tom. Tu connais l’homme là quand il n’a pas sa dose ! »

Moses et Soraya éclate de rire et encore une fois, je m’abstiens de tout commentaire concernant les propos de Tom. Avec lui, il faut éviter la surenchère sinon, on en finit pas…

Je prends place sur l’accoudoir du canapé, le regard fixé sur Soraya et le take away qu’elle me prépare.

« — Entre nous. reprend Tom. Si tu le laissais mougou Micka, on en serait pas là. »

Je rate un battement de cœur et tente de ne pas le montrer. Moses est le genre à percevoir la moindre fissure dans les gestes et le faciès. Je m’applique à me montrer le plus indifférent possible aux propos de Tom, seul à rigoler de sa remarque.

« — Arrête tes conneries ! tonne sévèrement Moses. Je l’ai déjà dit, on peut rigoler de tout sauf de ma sœur et encore moins d’une potentiel relation avec Liam !

— Mais ils seraient mignons tous les deux ensemble ! Monsieur et Madame Tsana Liam ! Mickaela Tsana !

— Ca ne me fait vraiment pas rire.

— Parce que Liam n’est pas un homme ? réplique Soraya.

— Liam est surtout un sale enfoiré de première qui passe son temps à baiser tout ce qui bouge sans se soucier de ce que deviennent les femmes qu’il baise et tout ça, sans aucun scrupule ! il lance avant de se tourner vers moi. Je t’ai déjà dit ce que je pensais de ton comportement.

— Y’a aucun souci. je réponds calmement, toujours concentré sur les plats. »

Soraya me renvoie un timide sourire, plein de compassion même si je pourrais assurer qu’elle ne doit pas en penser moins que son mari. D’ailleurs, mon entourage ne doit pas en penser moins que Moses. Et ils ont raison. D’une certaine façon. Mais je n’ai pas toujours été comme ça.

Rien dans la vie ne nous prépare à ce moment où l’on passe de l’insouciance à la réalité de la vie, où on fait face aux réels sentiments de ce qui nous entourent et en qui on pensait trouver un appui, un soutien indéfectible. Non, rien ne nous prépare à ce moment. On se retrouve à faire des choix, probablement pas les bons, mais sur l’instant, c’est le sentiment qu’ils donnent.

Le temps est l’honnêteté envers soi-même nous fait prendre conscience de l’impact et de l’effet, qu’ont réellement nos choix. Trois réactions se proposent par la suite; faire face et assumer, se voiler la face, décider de se voiler tout en étant conscient.

Face à mes choix, j’ai décidé de me voiler tout en étant conscient. Ça m’éloigne de la culpabilité, me permet de me réajuster quand je le peux, tout en me permettant de retomber dans mes travers sans décevoir qui que ce soit. Et ça me va comme ça. Enfin, je crois.

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