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CHAPITRE 01

- Louane, tu as un A+ comme d'habitude. Ta copie est très bonne. En revanche, tu en mets beaucoup plus que nécessaire, je sais que tu as appris le cours. Tu n'as pas besoin d'en faire des tonnes.

Le prof de maths me tend ma copie, un grand A est entouré en rouge dessus. Je baisse la tête et l'attrape, la main tremblante. Je sens tout les regards braqués sur moi, j'attends patiemment que les remarques haineuses se fassent entendre. C'est toujours comme ça. Parce que je suis la fille qui a de trop bonnes notes par rapport aux autres. La fille qui a un avenir déjà tout tracé devant elle, alors que eux ne savent toujours pas se qu'ils vont faire plus tard.

- Mais regardez-la ! Elle fait trop pitié.

-Vous avez vu comment elle est habillée aujourd'hui ? Non mais on est plus à la préhistoire et encore je suis même sûr que les filles s'habillaient mieux qu'elle...

- T'as raison, mais elle pense peut-être que une jupe au-dessus du genou c'est vulgaire.

Je me recroqueville sur ma chaise. Je me retiens de pleurer parce que je sais que c'est ce qu'ils attendent de moi. Alors je laisse couler. Je me conforte dans l'idée que c'est de la pure jalousie, comme dit Ileana. Je reste assise au fond de ma chaise. " C'est de la jalousie Louane, ne te prêtes pas à leur jeu, tu vaux mieux que ça " je me répète cette phrase comme un mantra. J'essuie mes mains moites sur ma jupe plusieurs fois en fixant la pendule accrochée au mur. Je me concentre très fort sur l'aiguille des secondes. Tic. Tac. Tic. Tac.

La sonnerie annonçant la fin des cours retentit. Je range mes affaires le plus rapidement possible, pour éviter les autres. C'est une habitude que j'ai pris avec le temps. Je pense que je range mes affaires plus vite que personne d'autre dans ce bahut. Je me lève, la tête toujours rentrée dans les épaules et adresse un signe de tête poli au professeur. Quand je sors dans les couloirs je me fais bousculer par plusieurs personnes. J'ai finis par penser que je suis complètement invisible. Si je parle on ne m'entend pas, si je bouge on ne me voit pas. Mais Ileana pense que les gens me voient parfaitement bien, ils ont juste besoin de se défouler sur quelqu'un et ce quelqu'un c'est moi.

Une voix m'interpelle me sortant de ma bulle.

-Louane !

Je me retourne vers mon amie, soulagée de voir un visage familier. Mes épaules se détendent instantanément. Je me redresse et lui souris discrètement. Elle se fait toujours trop remarquer, alors que j'essaie d'être discrète. Les lycéens se retournent à son passage et la toise de haut en bas.

-Tu avais oublié que tu venais chez moi après la fin des cours?

Elle passe une main dans ses cheveux violets. Elle m'a encore invité, je n'avais pas oublié mais j'espérais que elle, elle aurait oublié. Je suis un peu fatiguée, et mon père n'aime pas quand je vais chez elle. Ou plutôt, il ne l'aime pas, surement à use des différences de classe social et de son style excentrique. Ce n'est pas mon cas bien-sûr, je l'adore, elle est comme une sœur pour moi mais je veux juste éviter de me faire réprimander par mon père.

-Euh oui...

Elle agite sous mon nez un paquet de cookie au chocolat-caramel faisant tinter ses bracelets multicolores. Mon point faible. Cette fille est un monstre, je me mords la lèvre.

-Tu ne veux plus venir ? C'est dommage... Bon ! C'est pas grave, je les mangerai toute seule !

-Non, non ! Je viens.

Elle sourit, fière d'elle, et me prend la main. Je lui rends son sourire. J'ai de la chance de l'avoir comme amie. Sincèrement sans elle je serais... seule. Elle m'entraîne vers la sortie énergiquement et je me laisse faire.

-Alors, let's go !

Une fois chez elle, on monte directement dans sa chambre. Sa maison est assez modeste, elle n'est pas très grande, mais elle est chaleureuse et simple. Comme sa famille. Tout ce que moi je n'aurais jamais. Une famille simple et chaleureuse. Sa chambre est colorée, j'aime beaucoup la manière dont elle empile ses CD sur des étagères d'un orange vif. Ou alors son armoire en bois peinte de tout les roses inimaginables, on peut d'ailleurs apercevoir des jupons bariolés dépasser.

On s'installe sur son lit et on commence à faire nos devoirs, c'est notre petit rituel. J'observe Ileana du coin de l'œil en caressant sa couverture de lit à frange. C'est ma meilleure amie depuis que j'ai dix ans. C'est d'ailleurs ma seule amie. Je me demande parfois pourquoi elle m'a choisi moi. Je veux dire quand on la regarde, elle est parfaite, comment peut-elle être associée à moi ? Je suis un vilain petit canard et elle est un papillon. Vraiment j'avoue ne pas comprendre pourquoi une fille aussi jolie, aussi gentille, aussi pleine de bonne humeur traîne avec moi.

Je fixe ses cheveux raides et colorés qui lui tombent jusqu'au milieu du dos. Ils sont si épais et pourtant elle arrive à les dompter je ne sais comment. Ses yeux ont beau être noirs ils sont aussi brillants que des pierres précieuses. Elle n'a pas besoin de mettre de rouge à lèvre, sa bouche pulpeuse est déjà d'un rouge vif à couper le souffle. Elle est naturellement fine, elle aura beau manger n'importe quoi jamais elle ne prendra un kilos, beaucoup de filles l'envie pour ça. En bref, Ileana n'a rien à envié à ces mannequins anorexiques qui ont ouvert leur bras à la chirurgie esthétiques. Elle est d'une beauté rafraîchissante et je ne dis pas ça juste parce qu'elle porte une magnifique couronne de fleurs. Je soupire.

- Ça ne va pas chérie ?

- Si, si...

Après lui avoir adressé un faux sourire, je me concentre sur mes devoirs. A quoi bon se lamenter sur son sort ? Ça n'arrangera rien. Ileana est magnifique, et moi je suis comme Cendrillon avant la transformation. Je résous quelques équations sans vraiment me concentrer. Soudain, elle paraît se rappeler de quelque chose. Elle se lève si vite qu'elle en a le vertige et doit se tenir à sa chaise de bureau. Puis elle jette sur une fiche posée sur son bureau. Elle me l'a tend le sourire jusqu'aux oreilles, du coup je me méfie.

- C'est quoi ?

- Prends-le !

Elle à l'air impatiente, je m'attends au pire. Je prends la feuille. Je la retourne pour lire ce qu'il y a écrit dessus, d'une si belle écriture. C'est un message assez court, le haut est arraché comme si Ileana l'avait volé sur un panneau d'affichage. Elle me lance un regard pétillant pendant que je lis à voix haute :

-"Hey vous les ados branchés musique de St-Miles ! Ceci est un message des GAM's votre groupe local. Vous savez que le groupe est actuellement composé de trois membres, Alex, Gab et Matt. Nous sommes à la recherche d'un quatrième membre, guitariste de préférence. Si vous savez chanter en plus, cela peut-être un atout. L'audition aura lieu mardi à 18 heures, elle est bien-sur réservée aux garçons de plus de 16 ans. On vous attend avec impatience ! Les GAM's "

Je regarde mon amie à travers mes cils.

- Oui et... ?

Elle agite les bras dans tous les sens, je peux ressentir son excitation. Elle sautille sur elle-même. Je grimace, sa mère est juste en dessous dans la cuisine...

-Tu rigoles j'espère ? Attends il cherche un guitariste qui sait chanter ! Tu conviens parfaitement au rôle ! L'audition est dans trois jours et tu vas y participer !

J'explose de rire, premièrement je suis une fille et deuxièmement je n'ai que quinze ans, en plus je ne sais même pas qui sont ces GAM's. Alors elle blague forcément... Oui ça ne peut être qu'une de ces blagues tordues ! Je n'ai surement pas le niveau pour faire partie d'un groupe de toute façon.

-Mais Ileana ! C'est une audition pour garçon et je n'ai que 15 ans !

- Et alors ? Tu vas y aller point barre. Tu ne comptes pas rester toute ta vie à jouer de ton foutu violon par obligation ?! Il est temps que tu fasses quelque chose qui te tiens à cœur... Louane fais le pour toi. Et dis-toi que tu pourrais te faire d'autres amis que moi.

Ça me vexe vraiment qu'elle me dise ça... Je n'ai pas besoin de plus d'amie, je l'ai elle. Les larmes me montent aux yeux. Je prends mon sac et me lève pour sortir, quand elle m'attrape le bras. Je la regarde avec un regard suppliant, ce genre de chose, ce n'est pas pour moi. Il me faudrait du courage, je n'en ai pas. Et puis je suis vouée à être médecin, avocate ou à reprendre l'entreprise familiale. C'est comme ça, les choses sont déjà toutes tracées pour moi, et il n'est pas écrit que je fasse partie d'un groupe de musique. Si mon père apprenait que je fais de la musique rock ou pop, peu importe le style d'ailleurs, si il apprenait que je fais de la musique autre que la musique classique qu'il aime temps, il me tuerait.

-Prends-le et réfléchis-y, s'il te plaît. Je le fais pour toi, tu dois sortir de ta coquille chérie, c'est peut-être la seule occasion que tu n'auras jamais.

D'une main hésitante, je prends le prospectus et le fourre dans mon sac. Je peux peut-être le relire attentivement cher moi... Pour lui faire plaisir mais c'est non. Je ne changerai pas d'avis.

-A demain Ileana.

Elle me sourit et je pars. Mon père m'attend devant la maison d'Ileana, ce qui est surprenant, il ne vient presque jamais me chercher. J'aurais préféré qu'il ne vienne pas, car ça ne peut que signifier qu'il va me passer un savon. Je monte dans sa Maserati noire, cette voiture est beaucoup trop clinquante à mon gout. Mais il aime étaler notre richesse, contrairement à moi.

-Bonjour papa...

-Quand vas-tu enfin m'écouter ? Fréquenter cette fille n'est pas bon pour toi, sa famille est bizarre, ce sont des dégénérés !

J'en ai marre, c'est toujours le même discours, toujours la même haine que je perçois dans son ton. Mais pas que pour Ileana et sa famille, pour moi aussi. Comme si j'étais la cause de son malheur. Il ne m'adresse même pas un seul bonjour. Jamais il ne s'inquiète de savoir si j'ai passé une bonne journée, ou si je vais bien.

-Et toi quand comprendras-tu que c'est ma seule et unique amie ! C'est parce qu'elle n'est pas du même niveau social que nous ? Tu accepteras que j'ai des amis uniquement s'ils sont riches, c'est ça ?

-LOUANE ! Je t'interdis de me parler sur ce ton !

Je baisse la tête et regarde mes ballerines roses pâles. Il faut vite que je désamorce la bombe avant que je me fasse gifler. Il le fais rarement car je m'emporte jamais d'habitude. Je courbe l'échine, c'est tout.

-Pardon, je suis légèrement tendue aujourd'hui.

-Tes excuses sont acceptées. Brigitte est malade ce soir, tu n'auras cours de violon que la semaine prochaine.

-Très bien, je travaillerai donc le double.

Je défroisse ma chemise cintrée. Le violon est une sorte de malédiction, il me suit partout où que j'aille et je ne peux pas y échapper. Ma vie est minable et être riche ne m'est pas favorable du tout. Au contraire ça fait en sorte qu'on me voit comme une fifille à son papa, et que les autres ne me supporte pas. Je ne sais pas pourquoi ils envient tellement l'argent, moi je le maudit. Si seulement maman était encore là pour me soutenir... Pour m'adresser un de ses sourires inoubliables... Papa ne parle jamais d'elle alors que j'aimerais en parler avec lui, mais il ne peut pas avoir oublié son sourire.

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