L’ORAGE APRÈS LA TEMPÊTE

Le départ de Samantha avait laissé un vide palpable dans la maison, mais aussi une tension latente qui pesait sur chaque recoin. Chloé passa une nuit agitée, ressassant les événements de la veille. Elle se demandait si elle avait fait assez pour protéger sa sœur, ou si elle n’avait pas été assez présente pour tempérer les ardeurs de leur père. Thomas, lui, dormait profondément, bien qu’un froncement de sourcils trahissait une certaine inquiétude même dans son sommeil.

Au petit matin, Chloé descendit dans la cuisine. La maison était silencieuse, ce qui la rendait encore plus lourde de sens. Elle attrapa une tasse de café, cherchant désespérément à apaiser ses pensées. Elle se demandait si Samantha reviendrait, si elle était encore en ville ou si elle avait pris la décision de partir pour de bon.

Thomas la rejoignit, à peine réveillé, le regard encore embué de sommeil. Il lui offrit un sourire doux, espérant, sans doute, alléger l’atmosphère.

« Comment tu te sens ce matin ? » demanda-t-il en prenant place à la table, une main sur son front.

Chloé haussa les épaules, les yeux perdus dans sa tasse de café. « Je ne sais pas, Thomas. Je n’arrête pas de penser à Sam… Je n’aurais pas dû la laisser partir comme ça. Elle n’a pas de repères ici, et avec papa qui la presse de cette manière… »

Thomas la regarda avec douceur. « On ne pouvait pas l’empêcher de partir. Samantha est… imprévisible. Tu as fait ce que tu pouvais. »

Chloé soupira. « Peut-être. Mais tu sais comment elle est. Si elle se sent rejetée, elle pourrait faire n’importe quoi. »

Le téléphone de Chloé sonna soudainement, brisant le silence pesant. Elle se précipita pour répondre, espérant que ce soit Samantha, mais en voyant le numéro affiché, son cœur se serra.

« C’est papa… » murmura-t-elle avant de décrocher.

« Chloé, tu as des nouvelles de Samantha ? » La voix d’Antoine était inquiète, et cela surprit Chloé.

« Non, papa. Elle est partie hier soir, tu te souviens ? » répondit-elle avec une pointe d’agacement.

« Oui, mais je pensais qu’elle aurait au moins essayé de te contacter ce matin… Je… je ne voulais pas que ça se passe comme ça, tu sais. » Antoine semblait réellement regretter la dispute de la veille.

Chloé resta silencieuse un moment, surprise par le ton sincère de son père. « Je sais, papa, mais Samantha est fragile. Et la pousser de cette manière ne va rien arranger. »

« J’ai peut-être été trop dur avec elle, » concéda Antoine. « Mais elle doit comprendre qu’elle ne peut pas continuer à vivre comme ça. Je m’inquiète pour elle, c’est tout. »

« Je comprends, papa, mais elle a besoin de soutien, pas de jugement. » Chloé tenta de rester calme, bien que la situation la rendait de plus en plus nerveuse.

Après avoir raccroché, Chloé se tourna vers Thomas. « Il est inquiet. Ça ne lui ressemble pas. »

« Peut-être que cette dispute lui a ouvert les yeux, » suggéra Thomas en posant une main réconfortante sur l’épaule de Chloé. « Il est temps qu’ils se parlent vraiment. »

Mais avant que Chloé ne puisse répondre, la porte d’entrée s’ouvrit brusquement, et Samantha apparut sur le seuil, vêtue d’une tenue légère, les cheveux en bataille. Son visage était fermé, ses yeux encore rougis, comme si elle n’avait pas dormi de la nuit.

Chloé se leva immédiatement. « Sam, où étais-tu ? J’étais tellement inquiète ! »

Samantha leva une main pour la faire taire. « Ça va, Chloé. Je suis juste allée marcher, réfléchir. J’avais besoin de temps seule. »

Elle avançait d’un pas lent dans la cuisine, évitant le regard de Thomas, qui l’observait avec un mélange de surprise et d’inquiétude.

« Papa t’a appelée ? » demanda Samantha en s’asseyant à la table, son ton dénué de toute émotion.

Chloé acquiesça. « Oui… Il est inquiet pour toi, Sam. Il veut te parler. »

Samantha poussa un soupir frustré. « Bien sûr qu’il est inquiet. Il l’a toujours été, mais il ne comprend rien. Je suis fatiguée qu’on me traite comme si j’étais une enfant irresponsable. »

« Tu sais que ce n’est pas ce qu’on pense… » commença Chloé, mais Samantha la coupa.

« Si, c’est exactement ce que vous pensez. Toi, papa, même Thomas. Vous avez toujours cru que j’étais un problème. Mais tu sais quoi, Chloé ? Je suis ici pour moi, pas pour recevoir des leçons de morale. »

Thomas, qui était resté silencieux jusque-là, se racla la gorge avant de parler. « Sam, personne ici ne te juge. On veut juste t’aider. Mais il faut que tu nous dises ce que tu veux, qu’on sache comment te soutenir. »

Samantha le fixa un moment, un éclat étrange dans les yeux. « Ce que je veux ? Ce que je veux, c’est qu’on me laisse tranquille. »

Chloé, sentant que la discussion ne menait nulle part, tenta de changer de sujet. « Sam, je pense que tu devrais appeler papa. Il mérite des excuses pour ce qui s’est passé hier soir. Il s’inquiète vraiment. »

Samantha serra les mâchoires, visiblement agacée par la suggestion. « Peut-être. Mais pour l’instant, je vais prendre une douche. »

Elle se leva brusquement et quitta la pièce sans un mot de plus, laissant Thomas et Chloé seuls dans un silence pesant.

Le reste de la journée se déroula dans une ambiance tendue. Samantha ne reparla pas de l’incident de la veille, ni de son père. Chloé, de son côté, se demandait comment gérer la situation. Chaque tentative pour discuter avec sa sœur se soldait par un échec, et elle sentait que Samantha s’éloignait de plus en plus.

Le soir venu, Chloé et Thomas se retrouvèrent seuls dans le salon après avoir couché les enfants. Thomas, visiblement fatigué par les événements, soupira.

« Chloé, il faut qu’on parle de ce qui se passe avec Sam. Elle ne va pas bien, et on ne peut pas l’ignorer. »

Chloé acquiesça, son cœur lourd. « Je sais. Mais je ne sais pas comment l’aider, Thomas. Elle refuse de parler. »

Thomas hésita un moment avant de continuer. « Je crois que c’est plus compliqué que ce qu’on pense. Samantha semble perdue, et j’ai l’impression qu’elle cache quelque chose. »

Chloé fronça les sourcils, incertaine. « Qu’est-ce que tu veux dire ? »

« Je ne sais pas… C’est juste une impression. Mais j’ai l’impression qu’elle cherche à fuir quelque chose, et je crains que ça n’ait rien à voir avec nous ou avec papa. »

Chloé resta silencieuse un moment, digérant les paroles de son mari. Samantha avait toujours été une énigme, mais cette fois-ci, quelque chose semblait différent. Quelque chose qui échappait à leur compréhension.

La nuit tombait sur la maison, mais une ombre plus sombre semblait planer sur leur famille.