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Un souffle hors du commun

Un souffle hors du commun…

Trois mois avant les noces

L’eau de la mer était bleu et calme ce matin-là dans la cité portuaire d’Albatra. Tout comme le ciel qui se reflétait sur cette étendue immense et si capricieuse.

_ Une fois n’est pas coutume, dit Anisha pour elle-même. Si avec cette eau limpide je n’arrive pas à remonter un plein panier de coquillages, c’est que je ne suis pas la fille de mon père.

Perchée sur le plus grand rocher qui côtoyait la magnifique plage de sable doré, la jeune fille de dix-sept ans, attacha sa longue chevelure ébène, puis accrocha son paneton en osier à sa taille.

_ Bien, plus qu’à descendre maintenant.

Anisha retenait son long chiton d’une main et de l’autre, elle s’aidait dans sa descente, en se retenant à l’imposante rocaille.

Le nombre de fois où elle avait glissé de cette hauteur. Elle en gardait de douloureux souvenirs et quelques cicatrices, qui loin de la dissuader, l’enjoignait juste à être plus précautionneuse dans ses pas.

Un dernier coup d’œil à la cité qui entourait la plus grande partie de cette baie rentrante, et elle mit un pied dans l’eau.

_ Brrr ! C’est qu’elle est bien froide.

Malgré les rayons de soleil automnale qui réchauffaient l’atmosphère, la mer était gelée en cette saison.

Anisha, que son père autorisait à pécher qu’en été, vit la différence.

_ Aller, ça va le faire, il te suffit juste d’un peu de courage ma vieille.

Sa peau mate et nacrée fut parcourue de frissons, dès qu’elle s’assit au bord du gros caillou et qu’elle plongea ses jambes. Sa chaire devint comme celle des poules que l’on plume et il n’en fallut pas plus pour lui faire prendre conscience de certaines choses.

_ Je ne sais pas comment fait père tous les jours, mais il est évident qu’il n’est vraiment pas un tire-au-flanc.

Comme galvanisée par sa prise de conscience et désireuse d’être aussi forte que lui, elle se laissa glisser dans l’eau.

Une fois complètement émergée et en mouvement, elle s’accommoda peu à peu à la température. Après une profonde inspiration, elle plongea tête la première.

Retenant son souffle comme un vrai poisson, elle nagea le long du rocher, jusqu’à sa base.

C’était là que la vie marine bâtait son plein, et aussi là, que son père et elle, péchaient depuis des années.

Comme on cueillerait des fleurs, Anisha prit le temps de choisir chaque coquille accrochée à la roche, ni trop petite, ni trop grosse, un juste milieu qui permet à la flore de rester équilibrée. Et puis aujourd’hui, elle ne pêchait pas pour vendre, mais pour confectionner un repas nourrissant à son père malade.

Le ragoût qu’elle allait lui préparer avec amour, allait être délicieux et elle espérait qu’il allait vite faire retrouver ses forces à son paternel.

Au passage, elle prit même le temps de ramasser quelques petits crabes qu’elle mit aussi dans la cage accrochée à sa taille.

En remontant, des centaines de petites bulles s’échappèrent de son nez, tandis qu’elle expulsait l’air de ses poumons. Cette sensation d’eau qui glisse sur son corps, était toujours aussi agréable. Et les rayons du soleil qui l’accueillirent à la surface, la réchauffèrent aussitôt.

Une fois qu’elle se hissa sur le rocher, Anisha passa ses mains sur son visage pour l’essuyer.

_ Comment est-elle aujourd’hui, Ani ? Demanda Rio, un autre pêcheur que son père connaissait bien et qui venait d’arriver.

_ Vivifiante, déclara gaiement la jeune fille en dénouant son petit panier, de sa ceinture.

_ Je vois que la prise a été bonne.

_ Oui et en une plongée s’il vous plaît, fanfaronna Anisha toute contente d’elle.

_ C’est que je vais penser à t’embaucher, si ça continue. Avec un souffle pareil, tu vas me faire devenir riche en un rien de temps. Enfin si ton bourru de paternel te laisse faire. Et sinon comment va cette vielle carcasse ?

_ Mieux j’ai l’impression. En tout cas, il mange tout ce que je lui prépare, le médecin m’a dit que c’était bon signe.

_ Cette canaille à la peau coriace, lui dit Rio sur un ton fait pour la rassurer, il sera vite sur pied. Et puis il a parlé de ton mariage à qui voulait bien l’entendre, il est bien obligé de guérir s’il veut l’organiser. Surtout que Lori ne devrait pas tarder à rentrer, beaucoup d’appelés sont déjà revenus.

Anisha rougit avant de bougonner :

_ Il n’y a pas de mariage, père parle toujours trop pour rien dire…

Sur ces mots, la jeune fille remonta sur le rocher et quitta la plage en pestant.

« C'est quoi encore cette histoire ? Il ne pense quand même pas qu’il y a quelque chose entre moi et Lori ? »

Contrariée par les racontars qui devaient aller bon train dans son petit village, en périphérie de la cité, Anisha bouda sur tout le chemin du retour.

« C’est vrai ça, Lori est un ami que je connais depuis quelque temps, mais en réalité je ne sais pas grand-chose de lui. Ni où il habite, ni qui sont ses parents. Alors de là à m’acoquiner avec lui, père est vraiment culotté. »

Et puis cela faisait des lustres qu’elle n’avait pas eus de ses nouvelles, elle ne savait même pas si leur amitié voulait encore dire quelque chose pour lui.

La guerre n’avait certes pas été une mince affaire, mais comme jeune appelé, il n’avait pas eu à combattre et avait surtout fait partie de la logistique. Sachant cela, Anisha ne s’expliquait pas qu’il n’ait pas pris le temps de lui envoyer une seule lettre.

Un sourire vint tout de même balayer sa mauvaise humeur. Elle se souvint de ce que lui avait dit Rio, la guerre était terminée et son ami n’allait pas tarder à rentrer.

La reconnaîtrait-il en la revoyant ?

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