Les adieux
Chapitre 4 : Les adieux
Tête baissée, Dalia traînait des pieds derrière Anisha qui repensait encore à l’incident qui venait de se produire.
C’était vraiment étrange. Tellement, qu’elle préférait croire que ses yeux avaient eu la berlue.
Comment expliquer les choses autrement ?
Lori était un garçon qui habitait certes la cité, mais d’après ses dires, ses parents étaient de modestes commerçants.
Alors qu’irait-il faire dans un fiacre portant les armoiries princières, entouré de la garde personnelle des dirigeants de l’île ?
_ C’était lui, lui assura sa sœur en sortant de son silence.
_ Dali, nous n’en savons rien…
_ Arrête un peu ! Tu l’as vu comme moi dans cette voiture. Et le plus fou, c'est que Lori a été qualifié de prince par cet imbécile de garde.
Tout en balayant du regard les alentours comme si ce qu’elle venait de dire allait les mettre en grand danger, Anisha s’arrêta et fit face à sa sœur.
_ On est sûre de rien, chuchota-t-elle en lui faisant de gros yeux pour la dissuader de continuer sur ce sujet. Tu sembles oublier que nous n’avons pas eu le temps de bien voir, alors arrête de raconter n’importe quoi.
_ Pense ce que tu veux, mais je connais très bien le visage de Lori et je peux mettre ma main à couper que c’était lui.
_ Continue à parler aussi fort et c’est ta tête que tu risques de voir rouler à tes pieds. Aller avance, on a encore beaucoup à faire…
Leurs commissions finies, les deux sœurs quittèrent la ville, complètement déstabilisées par les événements qu’elles y avaient vécues.
Malgré les désagréments, Ani voyait bien que Dali était heureuse. Elle l’a surprise plusieurs fois à bayer aux corneilles et à sourire pour elle-même.
Dans son esprit encore un peu enfantin, elle s’imaginait vraiment que Lori était prince d’on ne sait où, et qu’il était en visite au palais d’Albatra.
Anisha avait bien essayé de la faire redescendre, mais c’était peine perdue.
Elle-même n’était pas convaincue de ce qu’elle racontait, alors comment espérait-elle convaincre sa sœur.
L’homme qu’elle avait vu dans le fiacre en tenue de grand noble, était bien son ami. Elle en était, on ne peut plus sûr.
Ces boucles blondes, ces grands yeux bleus, ce nez droit et ces lèvres finement dessinées, tout correspondait. Même le petit grain de beauté sur le coin de sa pommette droite y était.
« Que ce soit lui, n’a pas d’importance, finit-elle par se dire en soupirant. Il y a bien longtemps que Lori n’avait plus cherché après elle, alors ça ne changeait rien. »
_ Dali ? Dit-elle à sa sœur qui chantonnait gaiement sur le chemin du retour.
_ Qu’y a-t-il ?
_ N’évoque pas notre rencontre devant père, s’il te plaît.
La jeune fille regardait Anisha en arquant un sourcil.
_ Pourquoi ça ? Il a le droit de savoir que son futur gendre n’est autre qu’un prince.
_ Tu ne veux vraiment pas arrêter avec cette histoire idiote ?
_ C’est toi qui es idiote ! En plus d’être aveugle. Ce garçon, c'était Lori et rien de ce que tu me diras ne pourra me faire croire l’inverse.
_ Et même si c’était vrai ?! S’écria Anisha, excédée par ses rêveries infantiles. Tu penses vraiment qu’un prince irait épouser une fille de ma condition ?
_ Et pourquoi pas ? Si il t’aime et que tu l’aimes, il n’y a pas de loi qui l’empêche.
_ Tu es vraiment trop naïve, se radoucit la jeune fille en voyant que sa sœur ne comprenait trop rien à la situation.
Une fille comme elle avec un prince ? On aura vraiment tout vu.
Ce soir-là, Anisha était beaucoup plus préoccupée par l’état de son père que par sa rencontre avec Lori.
Quand il fit appeler sa sœur à son chevet et qu’il demanda qu’on fasse venir Rio, elle comprit que le moment des adieux était venu.
Afin qu’elle n’ait pas à quitter la maison dans un moment pareil, Ani demanda à Kassandre, sa voisine, de se rendre chez l’ami de son père et de lui dire de venir.
Le sol avait perdu toute fermeté sous les pas de la jeune fille, tandis qu’elle montait les vieilles marches grinçantes, pour se rendre dans la chambre de ses parents.
Tout son corps menaçait de s’écrouler, mais elle se devait de rester forte.
Pour son père, afin qu’il s’en aille plus serein, pour sa sœur qui allait devoir compter sur elle dorénavant, et surtout pour elle-même.
Car si elle venait à se laisser aller maintenant, il n’était pas dit qu’elle puisse remonter la pente après cela...
Cette nuit-là, leur monde, tel que sa sœur et elle le connaissait, venait de prendre fin.
Ni leurs larmes, ni leurs pleurs n’avaient le pouvoir de retenir celui qui avait été un père, une mère et un conseiller dans leur vie.
Il leur avait appris tant de choses, comment nager pour pêcher, comment devenir des personnes intègres et courageuse…
Seulement, il ne leur avait pas enseigné comment vivre sans lui.
Sans son amour…
Anisha et Dali étaient restées aux côtés de leur père, des heures durant.
Parlant avec lui comme s’il était encore de ce monde.
S’excusant de toutes les fois où elles lui avaient joué de mauvais tours, se remémorant leurs plus beaux moments avec lui et surtout, elles le rassurèrent quant à la suite.
Dalia alla même jusqu’à lui promettre de tout faire pour que sa sœur et Lori, finissent ensemble, selon sa volonté.
La principale concernée n’avait rien dit, même si elle trouvait cette promesse complètement folle.
Si Lori était vraiment un prince, il valait mieux l’oublier et vite.
Il ne pouvait plus jamais être amis et quant à devenir amants, il ne fallait pas rêver.