Cinq
J'allume mon enceinte bluetooth qui diffuse instantanément les rythmes rock que j'affectionne tant, avant de me mettre sous les jets d'eaux chaudes de la douche. Je me détends en essayant de ne me focaliser que sur mon bien-être, afin d'oublier cet homme qui m'était encore inconnu il y a quelque jours et qui semble aujourd'hui régir mes pensées. Une fois entièrement propre, j'enroule une serviette moelleuse autour du corps tout en me déhanchant en cadence. Je commence à franchement danser lorsqu'un riff de guitare sortie de nulle part se fait entendre. Je saute presque, me laissant aller à ce moment de folie solitaire tant mérité. Je suis en train d'improviser un pas, quand j'entends le moteur d'une puissante berline provenant de la cour. Je regarde par la fenêtre qui donne sur ce côté de la propriété et aperçoit Henry en train d'ouvrir la portière à Roman qui s'engouffre à l'arrière. Le grand portail s'ouvre et la voiture s'engouffre sur le chemin que j'ai moi-même emprunté il y a trois jours.
Je comprends que c'est le moment que j'attendais! C'est l'opportunité qui pourrait ne plus se représenter. Hier, avant d'aller me coucher, je suis allé au manoir et je suis passé par la porte vitré du jardin et j'en ai profité pour ouvrir subrepticement une des fenêtres dans la cuisine. J'avais lu qu'on pouvait faire ça dans un roman policier, lorsqu'on voulait rentrer dans une maison qui nous est familière mais que l'on ne veut pas commettre d'effraction. Je m'habille donc rapidement pour ne pas gâcher la chance qui m'est offerte et sort de la maison d'ami. En marchant jusqu'à la fenêtre de la cuisine du manoir, je prie intérieurement pour que mon subterfuge n'est pas été contré.
Je souris franchement de satisfaction en voyant que la fenêtre est toujours légèrement ouverte. Je monte sur une petite marche pour me hisser à sa hauteur et saute à l'intérieur. Je me rattrape au dernier moment sur l'évier et me rends compte que j'aurai été une piètre cambrioleuse, tant j'ai fait un bruit pas possible! Je ne m'attarde pas dans cette pièce et me précipite à l'étage. En me retrouvant dans le couloir du premier étage, j'ai un peu de mal à me repérer car cela me semble encore plus grand qu'avant.
Je me souviens que la bibliothèque se trouvait à droite de l'escalier, alors je commence à ouvrir toutes les portes se trouvant à droite afin d'obtenir ce que je cherche. J'en suis à la deuxième porte, quand je tombe sur une sorte de bureau sombre. Voyant que ce n'est passa pièce que je cherche, je referme immédiatement avant de me raviser et de finalement pénétrer à l'intérieur car la configuration du lieu m'a interpelé. Ce n'est pas un bureau comme les autres, la seule grande fenêtre a des verres teintés donnant une apparence sombre au lieu. Il y a une table en plexiglass et un fauteuil à roulette dirigé vers un mur entièrement habillé d'écrans plats. J'ai l'impression d'être dans un vieux James Bond tant cela ressemble à l'entre du supposé méchant. Je continue de regarder autour de moi et mes yeux sont immédiatement attirés pas le livre posé en évidence sur ce bureau. C'est le troisième tome de Stone Heart. Il est ouvert mais posé côté couverture. Quand je le prends entre mes mains, je remarque que la lecture a été interrompu au milieu du livre. Je feuillète d'autres pages et mon sang se glace immédiatement. Des passages entiers ont été sur-lignés aux marqueurs avec des annotations dans la marges, du types: pas vraiment intelligente, surtout futé ou encore pleine de désirs inassouvies. Je n'ai pas l'impression que ces phrases parlent de mon histoire, qui une simple science-fiction futuriste. En revenant à la première de couverture, je n'ai plus de doutes car le nom d'Anton Baltik a été rayé au stylo noir est inscrit à la place: Bianca Lasso.
J'ai l'impression de suffoquer. Il savait! Depuis le début, il le savait! Mais comment? J'essaie de réfléchir rapidement et soudain une illumination s'empare de moi. Bien sûr! Leonard m'a dit qu'il avait l'habitude de louer la maison aux auteurs de Cassandre Éditions, étant donné que mon nom ne figure sur aucun livre, il a compris que je n'écrivais pas en mon nom propre, mais comment a-t-il su quel livre était le mien?
Alors que je suis en pleine réflection, je suis pétrifiée d'effroi en entendant la porte d'entrée claquer en bas. Quelqu'un vient de rentrer dans le manoir. Je sors le plus discrètement du bureau et me penche légèrement vers la rambarde de l'escaliers pour voir qui est là. C'est Roman! Il n'est pas parti, il est juste allé faire quelques courses car il tient un sachet entre les mains. Alors que je réfléchis à comment me sortir de ce faut pas, je le vois se diriger vers l'escalier et commencer à monter les marches. Paniquée, je rentre dans une pièce au hasard pour me cacher. C'est une chambre. Pas la sienne remarquais-je avec soulagement. Je regarde à travers la porte entrebâillé et le voit se diriger vers le bureau que je viens de quitter. J'attends quelque secondes pour être sûr qu'il ne va pas quitter l'endroit tout de suite pour me laisser le temps de m'en aller mais malheureusement, il ressort presque aussitôt et se dirige dans sa chambre. Cette fois-ci j'attends au moins une bonne minute et ne le voyant pas resortir, je comprends que le moment tant attendu est enfin arrivé!
Je marche dans le couloir sur la pointe des pieds, prenant le plus de précautions possible pour ne pas avoir à justifier de ma présence si j'étais prise sur le fait. Quant je passe devant la chambre de Roman, je l'entends parler à travers la porte qui n'est pas tout à fait fermée. Je jette un coup d'oeil discret. Il a retiré son polo qu'il portait à son arrivé, il est à présent torse nu et assis au bord de son lit.
- Non! Je te dis, ce n'est pas la peine de l'appeler. Tout est sous contrôle, elle est juste plus coriace que les autres, mais j'aime bien les défis. En même temps, ça a été tellement facile avec ces gourdes que je me suis reposé sur mes lauriers... Dit-il avec une voix assuré. Il faut juste que je trouve son point faible, je pensais l'avoir presque trouvé mais...
Il s'interrompt lorsqu'il regarde à travers la fenêtre. Je n'entends pas son interlocuteur mais je comprends qu'il lui dit quelque chose qui ne lui plait pas, car tout à coup, il fulmine de rage.
- Non, c'est toi qui va m'écouter! C'est moi qui donne les ordres ici ne l'oublie jamais! Je fais ce que je veux et je n'ai pas besoin de ta permission! Les choses ont toujours fonctionner ainsi et ça, ça ne changera jamais! De toute façon ce sera selon mes conditions ou ce ne sera pas! Dit-il avant de raccrocher.
Il ouvre un tiroir et en sort une chemise blanche. Il se met devant le miroir et l'enfile. Quant je le vois dans le reflet, son visage à changer. Ce n'est pas l'homme avec qui j'ai dîné et encore moins celui avec qui j'ai couché. Ses yeux sont toujours aussi bleus mais ils sont perçant comme des lames et ses traits sont durs. Son masque vient de tomber et pour la première fois, je me dis qu'enfin j'ai accès au vrai Roman Eden, celui que je soupçonnais depuis le début, mais qui se cachait à dessein. Il m'a l'air bien plus terrifiant que je ne pouvais me l'imaginer.
Je n'ai pas la moindre idée de ce dont il pouvait bien parler, mais dans tout les cas quelque chose le contrariait. Je l'ai contrarié. Je comprends que rien n'était dû au hasard dans cette histoire. Il avait tout prévu. Du moins au début, je ne pense pas qu'il ai prévu que je l'éconduise aussi rapidement. En l'entendant parler au téléphone, je comprends que c'est un homme qui ne lâche pas aussi facilement. Il va continuer à me poursuivre de ses assiduités, tant qu'il n'aura pas eu ce qu'il attend de moi.
D'ailleurs, qu'attend-t-il de moi? Pourquoi ne m'a-t-il pas dit qu'il savait pour mes livres? Que peut-il cacher dans cette pièce sinistre qui lui sert de bureau?
Je décide de partir tant qu'il en est encore tant du manoir, afin de me mettre à réfléchir à comment obtenir mes réponses plus tard. Une chose est sûr, je m'en irait avant la fin officielle de mon séjour, même-ci je n'ai pas eu toutes mes réponses!