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La bague

Si elle avait pu creuser un trou et se terrer dedans, Lucia l’aurait fait à cet instant. Les clients qui se rendaient aux toilettes la dévisageaient comme une malpropre, et les employées alentours arboraient même un air de dégoût.

En même temps, aller vomir dans un lieu pareil, il fallait le faire.

- Je suis navrée, fit-elle penaude et mal en point, je vous laisse mes coordonnées et je paierai le pressing.

- Le pressing ? Répéta Caruso qui perdait patience. Tu plaisantes j’espère ? Tu crois que je vais reporter ces vêtements ?

Sa voix restait modulée et calme mais son regard bleu-gris s’était fait plus réprobateur que le matin. Elle baissa la tête en guise de réponse. Que pouvait-elle bien dire d’autre ?

- Monsieur, intervint son préposé, nous allons être en retard. Vous devez encore monter vous changer…

Caruso soupira sans détacher son air sévère de cette fille qu’il commençait à voir un peu trop souvent à son goût.

- Aller, écarte-toi de mon chemin, tu me fais perdre mon temps.

Lucia se décala et laissa passer celui vers qui tous les regards commençaient à converger.

Il fallait dire que ce Caruso était d’une beauté et d’un charisme rare. Et même si elle était très peu habituée à fréquenter la gent masculine, ces détails n’échappèrent pas à la jeune femme.

Vidée de toute énergie, elle regarda son interlocuteur s’éloigner en direction de la sortie, dans son élégant costume sombre ajusté à son corps athlétique.

L’aura autoritaire de cet homme s’étant éloignée, Lucia se ressaisit peu à peu. Sans demander son reste elle alla se débarbouiller aux toilettes.

Après avoir rincé sa bouche et s’être passée de l’eau sur le visage, elle se remémora ce qui venait de se passer.

- Je rêve ou acariâtre m’a traité d’ivrogne ? Dit-elle en remettant de l’ordre dans ses cheveux devant le miroir de la salle d’eau. Nan, mais il se prend pour qui celui-là ? Quand je pense que je voulais me prendre la tête à lui rendre… mince !

Dans un sursaut la jeune contractuelle se souvint qu’elle avait un bien précieux lui appartenant. Le solitaire.

Précipitamment, elle revint à la table où l’attendait Josie.

- Tu m’excuseras, lança Lucia en se saisissant de son sac, mais je dois y aller…

- Quoi ?! Déjà ? S’étonna son amie en se levant de sa chaise.

- Je te promets qu’on se refera ça, et c’est moi qui régalerai la prochaine fois…

Alors qu’elle allait quitter l’établissement, la jeune femme se rappela les mots de l’employé de Caruso. S’il devait monter se changer, c’est qu’il avait une chambre dans cet hôtel.

Elle se précipita dans le hall de réception et interpela l’un des hommes derrière le magnifique comptoir en marbre blanc :

- Excusez-moi ? Je pourrais avoir le numéro de chambre de Mr. Caruso.

- Je suis navré, madame, mais l’établissement ne communique pas ce genre d’informations. En revanche, fit-il d’une voix guindée, je peux joindre notre client et voir avec lui s’il souhaite vous rencontrer. Vous êtes ?

- En fait, il ne me connait pas, bredouilla Lucia, disons que j’ai quelque chose qui lui appartient et j’aimerai lui rendre en main propre.

Son interlocuteur la regardait avec un scepticisme à peine voilé, elle ne devait pas inspirer confiance avec son explication bancale et sa dégaine étrange.

- Vous me filez ou quoi ?

Elle reconnut la voix qui la fit sursauter et se retourna vivement.

- Madame dit qu’elle a un objet vous appartenant, expliqua le réceptionniste après s’être éclairci la voix.

- Voyez-vous ça ? Ironisa le concerné en penchant légèrement la tête sur le côté.

Lucia farfouilla dans son sac et en sortit le solitaire.

- Après votre départ ce matin, j’ai trouvé ce bijoux sur le sol. Je crois qu’il vous appartient.

Elle lui tendit la bague sous le regard circonspect de son employé qui se tenait à ses côtés.

L’expression indéchiffrable de Caruso la fit tressaillir. Il avait l’air mécontent.

- Je peux savoir pourquoi vous ramassez ce que les gens jettent ?

- Mais cette bague est en or… Enfin je crois…

- Et après ? Je m’en suis débarrassé ce n’est pas pour qu’une écervelée de pervenche me suive partout pour me la rendre.

- Écervelée, répéta Lucia en essayant de garder son calme. Je suis désolée, mais même si vous avez de l’argent, vous ne pouvez pas jeter des objets de valeur de la sorte.

- Ah oui ? Fit-il en s’approchant et en se penchant sur elle. Et vous aller m’en empêcher comment ?

La jeune femme écarquilla ses grands yeux noirs tandis que l’air venait à lui manquer.

La proximité de cette homme l’affolait, et son parfum incandescent saturait ses sens et les déroutaient ostensiblement. Lucia restait figée, incapable de de s’écarter de cette emprise. Pourquoi était-elle ainsi avec lui ?

La panique que Caruso lisait sur le visage de la jeune femme semblait pleinement le satisfaire et son agacement redescendit aussitôt. Il esquissa un léger sourire dédaigneux avant de s’éloigner de Lucia.

- Vous n’avez qu’à la garder.

- Je vous demande pardon ? Bredouilla la jeune femme.

- La bague, reprit-il avec sérieux, elle ne plaît pas à ma fiancée, vous pouvez donc la garder.

- J’avais bien compris, seulement, un bijoux c’est personnel, ça ne se donne pas comme ça au premier venu…

L’homme que l’agacement regagnait à nouveau, soupira :

- Je ne peux pas la jeter parce que c'est précieux, la donner parce que c'est personnel, j’en fais quoi du coup ?

- Gardez-là, ou revendez-là…

L’homme tandis là main, comme pour quémander quelque chose.

- Bien votre prix sera le mien.

- Je ne veux pas vous l’acheter !

- Dans ce cas, je la jetterais une fois dehors…

Et alors qu’il attendait de reprendre son dû, Lucia sortit son portefeuille exaspéré et l’ouvrit.

- je n’ai que vingt euros sur moi, ça ne serait pas correct…

-Ça me va, déclara-t-il en saisissant le billet que la jeune femme tenait entre les doigts. En espérant ne plus jamais vous revoir…

- Il n’y a que les riches pour être aussi capricieux, maugréa Lucia dans sa barbe, tandis qu’elle se retrouvait seule dans le luxueux hall.

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