Chapitre 1
Sa tasse de café à la main, Lucia regardait par la fenêtre, comme elle avait l’habitude de le faire dès qu’elle était un peu pensive.
La pluie d’automne qui s’était abattue depuis plusieurs jours sur leur petit bourg, était accompagnée de grisaille, et une morosité latente pesait sur les humeurs.
Tout en réfléchissant à sa nouvelle organisation, la jeune femme aperçut, au loin, une petite éclaircie.
Cette dernière était la bienvenue, car travailler sous la pluie et le froid n’était vraiment pas agréable.
L’horloge accrochée au mur de sa kitchenette annonçait neuf heures trente.
Lucia posa son verre dans l’évier, s’habilla et prit les courriers qu’elle devait envoyer ainsi que son parapluie.
En quittant son petit studio de plain-pied, elle salua Siv, son logeur qui sortait de la belle maison attenante, au même moment.
Le grand blond aux allures scandinave lui rendit le salut avant de la rejoindre sous le porche, tout sourire.
_ Hé, Tu pars plus tôt aujourd’hui ?
_ Mon employeur a accepté de me prendre à plein temps, je ferais des journées complètes, dorénavant.
_ C’est super ça, lui dit-il avec enthousiasme, eh bien félicitations.
_ Merci, mais tu sais c’est le genre d’emploi saisonnier, qui ne dure pas toute l’année.
_ Oui j’ai fais ça durant mes études, c’est pas évident. Je me rends au cabinet, tu veux que je te dépose au passage ? Lui proposa Siv tout en commandant l’ouverture du portail.
_ Je te remercie, mais Maurine, ma collègue, passe me chercher.
_ Maurine ? La fille que je vois souvent ces derniers temps ?
Les deux jeunes femmes se connaissaient depuis presque trois ans, mais ce n’est que récemment, que Lucia eut assez confiance pour la laisser entrer dans son cercle proche.
_ C’est elle, oui, confirma-t-elle.
_ Elle a l’air plutôt sympa.
_ En effet, elle est vraiment top comme fille.
Puis après qu’il l’ai inspecté de la tête au pied et qu’il se soit étonné de la voir si mal couverte, Siv la questionna :
_ Il va pleuvoir quasiment toute la journée, tu ne vas pas travailler comme ça ?
_ Euh… en fait ma cape s’est déchirée, et je n’ai pas encore pu acheter de vêtements adéquats…
_ Tout de même. Tu vas finir par prendre froid sans une tenue imperméable. Ne bouge pas je vais voir ce que je peux te passer.
_ Siv, ce n’est pas grave, lança-t-elle penaude, mon coupe-vent fera l’affaire…
Sans l’écouter l’homme s’en alla et revint quelques minutes plus tard avec une cape de pluie qu’il tendit à Lucia.
_ Merci beaucoup, fit-elle confuse. J’ai l’impression de toujours abuser de ta gentillesse.
_ Lucia, ça ne me dérange pas, alors arrête de te faire du souci pour si peu.
Les moyens de la jeune femme étaient restreints et s’acheter des vêtements était un luxe, qu’elle ne pouvait pas se permettre pour l’instant.
Et sans le soutien de Siv, elle ne savait vraiment pas ce qu’elle aurait fait.
Déjà qu’il la logeait pour une somme modique, il l’aidait dès qu’il le pouvait et à tout les niveaux.
_ Très bien, alors permets-moi de te préparer à dîner. Ainsi je pourrais te remercier convenablement.
_ Tu es assez occupée comme ça pour ne pas t’en rajouter avec la préparation d’un dîner pour moi, lui dit-il en faisant mine d’être réticent.
En réalité il était enchanté de sa proposition. D’ailleurs il était reconnaissant dès qu’une occasion lui était donnée d’être avec elle.
_ Ça ne me dérange pas, au contraire ça me fait plaisir.
Siv fit mine de réfléchir avant de répondre avec enthousiasme :
_ Très bien. Je te dis à tout à l’heure dans ce cas.
Au même moment, Maurine, la collègue de Lucia, se gara juste devant le portail ouvert.
Siv lui dit au revoir de la main avant de grimper dans son véhicule.
_ Salut, comment ça va ? Demanda Lucia en allant rejoindre sa copine.
Après avoir attachée sa ceinture, elle s’aperçut que Maurine ne la regardait toujours pas.
Son attention était totalement rivée vers l'homme qui attendait qu’elles partent pour pouvoir sortir.
_ Tu sais comme je t’envie, Lucia ? Se morfondit sa copine complétement sous le charme de son logeur.
_ Si je trouve un appart pas trop cher et un peu plus grand, tu pourras venir habiter ici, lui suggéra Lucia à moitié sérieuse.
Après un long soupir, sa collègue se décida enfin à se tourner vers sa passagère d’un air renfrogné.
_ Arrête donc de me donner de faux espoirs, il n’y a qu’a voir comment il te regarde pour comprendre que c’est toi qui l’intéresse.
_ Tu dérailles complètement. Il est juste gentil avec moi. Mes soucis d’argent permanents font qu’il me prend en pitié rien de plus.
Accentuant sa moue, elle jeta un dernier regard à Siv qui attendait patiemment.
_ Très bien, fit-elle en prenant la route. Dans ce cas, pourquoi tu ne lui demanderais pas de t’accompagner à mon anniversaire ? Je pourrais mieux jauger si ce que tu dis est vrai.
Lucia regardait Maurine un peu confuse. Elle lui avait dit qu’elle essaierait de venir, mais la vérité était plus compliquée.
Il y avait des choses qu’elle ne pouvait pas faire, des règles auxquelles elle ne pouvait déroger.
Et éviter les lieux fréquentés, était l’un des principes qui régissait sa vie dorénavant.
_ Maurine, comme je te l’ai dit, les sorties du genre club et compagnie, ce n’est vraiment pas possible.
_ Mais tu n’as pas fini de jouer les nones ? Franchement depuis que je te connais, tu n’es pas sortie une seule fois. Même pas pour prendre un verre en terrasse. Ça craint quand-même ?
_ Tu sais très bien que ce n’est pas évident…
_ Tu te trouves des excuses, voilà tout. Et si tu veux mon avis, tu devrais vraiment penser à te trouver quelqu’un. Parce qu’à force de te renfermer et de t’isoler, tu risques de finir vieille fille.
Trouver quelqu’un ? Maurine ne savait pas ce qu’elle racontait. Ce qu'elle cherchait, c'était tout le contraire.
Loin de lui répondre sur le sujet, Lucia se contenta d’acquiescer à ce qui ressemblait à une leçon de morale plutôt qu’à un conseil d’ami.
Il pleuvait depuis plusieurs jours en Italie aussi, Vincenzo qui rentrait d’une conférence, se laissa bercer par les clapotis de l’eau qui s’écrasait sur la vitre de la voiture.
Natale à l’avant, profitait de la circulation ralentit pour lui énumérer les sujets qui allaient être abordés lors de la réunions du lendemain.
_ Autre chose. Au dîner de ce soir, il vous faudra interroger le Président de Navy-Tech sur ce qu’il compte faire au sujet des retards de livraisons. Les pénalités ne suffisent visiblement pas à les presser, et nous ne pouvons pas exiger d’eux qu’ils fassent sous-traiter à ce stade…
Voyant que l’esprit de son employeur était ailleurs, il soupira avant de proposer :
_ On peut reprendre le briefing un peu plus tard, vous me semblez fatigué.
_ Non, tu peux continuer, je t’écoutais.
_ Très bien… je disais donc…
_ Pour ce qui est des délais de livraisons non tenus, continua Vincenzo à sa place, nos armateurs ne peuvent pas se permettre d’attendre plus longtemps. Et si tu veux mon avis la solution ne viendra pas de Navy-Tech.
_ Je pense que sur ce point, tout le monde est d’accord. Nous devons trouver un autre constructeur et rompre nos contrats.
Après s'être redressé, Vincenzo arbora un air sérieux, avant de lui exposer les choses sous un autre angle :
_ Pas forcément. Vu que leurs problèmes sont d’ordres financiers, on a peut-être une carte à jouer.
_ Vous pensez à quoi ?
_ Je me disais qu'il était peut-être temps d'avoir notre propre société de construction navale. Nous n’aurions plus le soucis de dépendre d'une entreprise tierce.
_ Vous avez raison.
_ En parlant de souci. Il y a du nouveau ? Demanda Vincenzo d’un air plus grave.
_ Je suis désolé mais nous n'avons rien actuellement. Votre femme reste toujours introuvable, mais ce n’est qu’une question de temps. Ne vous inquiétez pas.
L’homme se cala dans son siège en soupirant.
_ J'espère que tu dis vrai...