Chapitre 4
Elle n'attend même pas qu'elle puisse s'expliquer ou s'excuser.
- Mon fils m'a dit que tu étais très intelligente. Je vais donc pour une dernière fois mettre certaines choses au clair. Si tu veux bientôt être la fiancée d'Eliott, il va falloir que tu me redresses tout cela. Je veux des notes à la hauteur de notre réputation, parce qu'à partir d'un moment, tu vas y être de plus en plus associée.
Camélia tente de rester droite pendant le monologue de sa belle-mère, mais elle a beaucoup de mal. Ce que remarque la femme en face d'elle.
- Lève-toi... Elle doute. Ne me fais pas répéter. Son ton n'admet aucune contestation. Elle se lève. Approche-toi. Un nouvel ordre. Elle s'exécute à nouveau. Soudainement sa belle-mère soulève la longue jupe qu'elle a portée, révélant des bleus sur sa peau de porcelaine. Elle redescend la jupe et ne dit rien pendant un court moment. Qui te fait subir un tel traitement ? Aucune réponse de la part de Camélia. A l'école ? Aucune réaction. Ta mère ? Elle tremble légèrement. Pourquoi cela ?
- Parce qu'elle estime que je ne fais pas assez bien certaines choses.
- Mon fils avait donc raison. Son regard traduit le mécontentement. Mais Camélia ne sait pas si c'est son sort qui la fait réagir de la sorte ou son comportement à elle. Assieds-toi du mieux que tu peux en ne forçant pas sur la douleur. Je vais demander du baume pour t'aider.
Premier mot gentil, depuis qu'elles se connaissent. Camélia est surprise.
- Sais-tu pourquoi tu es dans cette école ?
- Ma mère a changé d'avis et veut m'offrir une scolarité ?
- Tu ne sembles pas toi-même convaincue de ton propre discours. Elle sourit cynique. Je comprends ce qu'il voulait dire à ton sujet. Il ne s'était pas trompé sur ta finesse d'esprit, paradoxalement à ton jeune âge. Mon fils a menacé ta mère de mettre fin à cet engagement si elle n'accepte pas de te laisser retourner dans le circuit scolaire. Il ne m'en a parlé après l'avoir fait. Il lui a dit qu'il voulait une épouse instruite pour justifier son attitude. À moi, il a dit que ce serait injuste que tu ne vois pas la beauté du monde et que tu ne découvres pas, toi-même ce que tu peux offrir de meilleur. Camélia est surprise, mais surtout heureuse. Le regard de sa belle-mère se perd dans le vide quelques instants, elle fait un constat avec nonchalance. Mon fils t'apprécie beaucoup même si je ne sais pas pourquoi. En tout cas assez pour vouloir te protéger. Il m'a demandé de veiller sur toi pendant son absence. Il m'a aussi fait part de ses craintes que tu subisses des violences domestiques. Je lui ai dit qu'il se trompait sûrement et que jamais un parent ne ferait une telle chose à son enfant. Aussi amèrement que cela n'est pour moi de le constater, je suis bien obligée de revenir sur mes propos. Tu vas venir vivre dans cette maison à plein temps. Tu ne rentreras chez toi que pendant les congés. Nous nous occuperons... Je m'occuperai de ton éducation.
- Ma mère ne voudra jamais...
- Je t'en informe pour que tu ne sois pas complètement surprise, en l'apprenant. Tu sauras qu'il n'y a quasi rien que nous ne puissions obtenir sur cette terre. Son regard est confiant. Elle ne vacille pas dans ses propos. Camélia adorerait avoir une telle prestance et une telle présence. Elle commence à développer de l'admiration pour sa belle-mère. Voilà jusqu'où va l'ambition dans cette famille. Je ne veux pas que la manière dont elle te traite, nous retombe dessus d'une façon ou d'une autre. Tu seras nourrie, logée, blanchie. Tu iras à l'école. Tu prendras des cours supplémentaires pour rattraper ton retard. Je ne te toucherai jamais. Tu n'as rien à craindre de ce côté-là. Mais ce n'est pas gratuit. Les seules choses que je te demande sont de fournir de bons résultats et de t'appliquer dans ta formation.
Sa voix ne trahit aucune émotion. Camélia sent qu'elle ne lui ment pas. Elle n'est clairement pas sa plus grande fan, mais elle est prête à faire des efforts pour son fils. Elle lui laisse le choix maintenant. Tout ce qu'elle déteste faire. Devant elle, deux choix : soit rentrer chez elle et continuer à subir sa mère ou accepter la proposition de sa belle-mère et la laisser globalement prendre le contrôle de sa vie. Ce n'est pas bien différent d'auparavant, elle se dit intérieurement. Juste avec une différente personne.
- J'accepte votre proposition. Toujours aucune émotion sur le visage de la femme en face d'elle. Comme si elle n'avait jamais attendu une réponse de sa part ou comme si sa réponse ne lui importait pas tellement. Camélia prend son courage à deux mains avant de s'élancer. Vous ne m'aimez pas ?
- Tu as été choisie pour les origines de ta famille. Tu étais dans un lot de jeunes filles qu'il devait rencontrer. Il t'a choisie, il ne m'a pas trop laissé le choix. Tu es très... Elle semble chercher le bon mot. Jeune. Tu es une enfant. Elle semble se demander les raisons au choix de son fils. D'un autre côté, cela veut dire que tu peux devenir n'importe quoi ou plutôt tout. Je veux une épouse digne de ce nom pour mon fils. Je vais te former pour ce rôle. Je vais te donner la majorité des clés pour t'en sortir à ses côtés. Cela demandera de ta part de la résilience comme je l'ai dit plutôt. Je serai stricte avec toi. J'en attendrai beaucoup. Mais je ferais tout pour être juste avec toi.
Le majordome revient dans la pièce avec un pot dans la main qu'il tend à sa patronne. Elle récupère le baume avant de le tendre à Camélia.
- Tu en mettras sur les zones marquées. Il ne faudrait pas que cela laisse des traces ou qu'Eliott apprenne cela. Il risque de ne pas apprécier. Elle dit cela, comme si elle appartenait déjà à son fils. Je ne lui dirai pas. J'en attends de même de ta part. Ce sera un de nos secrets. Elle préfère également. Elle ne veut pas que son passé affecte cette relation, qu'il la regarde et la traite avec pitié en apprenant cela. Ton corps est une de tes armes, première leçon. Tu dois en prendre soin. Elle hoche docilement la tête. Ce n'est pas contraire à ce que lui dit sa propre mère sauf qu'elle a l'habitude de lui dire qu'il s'agit de sa seule arme. Ce sera tout pour aujourd'hui, le chauffeur va te ramener. Ne dis rien à ta mère. J'aurai une discussion avec elle demain.
D'un geste de la main, elle lui permet de s'en aller. Elle fait retentir une clochette. Le majordome apparaît automatiquement après et conduit Camélia jusqu'à la sortie. Elle remonte dans la voiture et rentre chez elle.
Fin du Flash-back
Quand je suis rentrée ce soir-là, ma mère m'a posé une tonne de questions. Elle voulait s'assurer que son plan avançait sur des roulettes et que je ne faisais rien pour saboter ses projets. Je lui ai raconté la discussion sur mes notes et ma belle-mère moyennement ravie. Elle a directement commencé à flipper. Elle m'a dit qu'elle allait me chercher d'autres professeurs pour que quitte à ce que je passe mes nuits à réviser, je rattrape mon retard très rapidement. Je ne lui ai rien dit pour le reste de la discussion. Donc, elle était plus que surprise de voir ma belle-mère atterrir chez nous le lendemain matin assez tôt dans la matinée. C'est à ce moment que j'ai remarqué que ma mère avait peur de ma future belle-mère. Je ne peux même pas lui reprocher. Cette femme sait se montrer effrayante. Mon estime pour elle a encore augmenté après ce jour-là. Elle m'a demandé d'aller dans ma chambre pendant qu'elle s'adressait à ma mère.
Je suis restée cachée, pas très loin pour pouvoir percevoir quelques mots. Je voulais me mettre plus près, mais les gardes devant la porte m'en ont dissuadée. Au début, on n'entendait rien sortant de la pièce. Sauf qu'au bout de 10 minutes, j'ai entendu le premier cri de ma mère. Un cri de contestation clair. Je n'ai rien entendu de la réponse de ma future belle-mère. Environ 5 minutes après, elle est sortie de la pièce. Elle m'a aperçue dans ma cachette. Elle m'a dit d'aller chercher certaines de mes affaires dont je ne pourrais me passer. Elle m'a dit que ce n'était pas nécessaire de prendre des vêtements ou des chaussures, que tout sera revue une fois arrivée chez eux. Je suis passée devant la porte et j'ai vu ma mère à terre sous le choc. Je ne sais pas ce que lui a dit ma belle-mère, ce jour-là, mais je n'ai jamais vu ma mère aussi désemparée.
J'ai juste récupéré une photo de famille et j'ai serré très fort mes petites sœurs qui jouaient avec ma nourrice, Lila et Rosie. Ma nourrice m'a promis de prendre soin d'elles et m'a souhaité bonne chance. Elle a été plus une mère pour moi que ma mère biologique. J'ai ravalé les larmes qui commençaient à pointer sous mes yeux. J'ai suivi ma belle-mère qui m'attendait dehors. Nous sommes montées dans la voiture et nous avons quitté ma maison. Je n'ai pas pu retenir mes larmes à ce moment. Ma belle-mère n'a rien dit de tout le trajet, même quand elle entendait mes pleurnichements. Quand nous sommes arrivées devant les grilles, elle m'a tendu un mouchoir m'ordonnant expressément de nettoyer ce carnage sur mon visage.
Je n'oublierai jamais les mots qu'elle a prononcés quand la voiture s'est arrêtée devant l'entrée et les nombreux domestiques attendant que l'on sorte pour nous accueillir.
- Tu rentres dans l'arène des lions, Camélia. C'est la première fois qu'elle prononce son prénom depuis qu'elles se connaissaient. Prends l'habitude de ne montrer à personne tes larmes. Parce que ceux qui viendront t'aider à les essuyer et te consoler seront les premiers à te poignarder dans le dos et te démolir. Bienvenue dans le monde des Chirathivat.