Chapitre 1
- Un couple ? Un mariage ?
- Savais-tu pour ma venue ? Elle hoche négativement de la tête. Il lève les yeux au ciel. Je suppose que cela devait être une grosse surprise alors. Je m'en excuse encore si c'est le cas. Je n'ai moi-même appris pour ce rendez-vous qu'il y a une semaine. Et je n'ai vu qu'une photo de toi ce matin.
- Ohh...
- N'aie pas de craintes. Ce n'est pas quelque chose de figé. Je pense que je devrais peut-être remettre certaines choses dans leur contexte pour que tu aies une meilleure vision de la situation. Il doit aisément se rendre compte qu'elle est totalement perdue. Je pense que tu es au courant de la promesse entre nos grand-pères, il y a très longtemps de cela d'unir un de leurs petits enfants. Elle acquiesce. Étant la première fille, tu étais censée épouser mon frère aîné. Néanmoins, il s'est marié. Notre père a rompu ou plutôt a dû rompre, l'accord entre nos deux familles à ce moment-là. Mais ma mère tenait à ce que cette promesse soit honorée, c'est pour cela que je suis là aujourd'hui.
- Nous allons nous marier ?
- Rien n'est figé comme je te l'ai dit. Pour le moment, nous allons nous fréquenter. À tes 16 ans, nous nous fiancerons, et une fois que tu seras majeure, nous pourrions nous marier. Évidement, c'est uniquement si nous décidons de poursuivre cet engagement. Je ne vis pas ici, je suis aux États-Unis la majorité de l'année. Nous ne nous verrons que quelques fois durant l'année quand je reviendrai. En dehors de cela, tu ne seras soumise à aucune contrainte de ma part.
- Tu vis aux États-Unis par choix ? Tu préfères être loin de ta famille ?
- J'étudie là-bas. J'ai 20 ans, il lui dit, faisant s'ouvrir en grand les yeux de Camélia. Je pense que c'est une précision dont tu n'es pas encore au courant peut-être. Ils ont 8 ans d'écart. Elle a bien vu qu'il doit être plus âgé qu'elle, mais elle ne s'imaginait pas un tel écart. C'est un adulte, alors qu'elle n'est qu'une enfant. Certes assez mâture pour son âge, mais rien de comparable non plus. Est-ce que tu veux bien me parler de toi ? Il regarde sa montre rapidement. Nous en avons encore pour 45 minutes avant que je ne doive repartir. Si l'idée que je sois ton prix de consolation ne te débecte pas trop, on pourrait en profiter.
- Non, non, pas du tout, elle lui répond dans la hâte.
Il rigole devant sa candeur et lui caresse gentiment la tête. Le contact de sa paume contre sa chevelure est tendre, Camélia s'étonne à aimer cela.
- Je te taquine. Ne t'inquiète pas. Tu peux me parler normalement, sans filtre. Je ne sais pas ce qu'a pu te dire ta mère à mon sujet, ce que je pense n'être quasiment rien, mais je suis plutôt accommodant au sujet de certaines de nos vieilles traditions. Camélia lève un sourcil surpris dans sa direction. Je veux que tu te sentes à l'aise avec moi, je veux que tu me partages toute ta personnalité. En échange, je ferais de mon mieux pour en faire de même.
Elle le regarde avec des étoiles dans les yeux et son ventre se contracte légèrement. Ce n'est qu'après qu'elle apprendra qu'elle a ressenti pour la première fois un début de sentiment amoureux. Ce que les gens appellent de manière plus décontractée, les papillons dans le ventre.
Fin du Flash-back
En repensant à cette rencontre, j'avais toutes les raisons pour avoir envie de poursuivre cette relation. Il était parfait, je l'ai trouvé parfait. Il était à mon écoute, il était gentil, il était attentionné. Alors que lui devait me voir uniquement comme sa petite sœur. Après sa première visite, il est revenu une fois par semaine durant son mois de séjour. On s'est vu 4 fois cette année-là. On continuait à discuter, il m'écoutait quand je lui parlais de tout et de rien.
Flash-back de la dernière visite, avant son départ la première année,
Il est venu la prendre pour aller au centre-ville et manger quelque chose. Depuis qu'ils se sont rencontrés, sa mère est étrangement gentille avec elle, étrangement de bonne humeur. Elle ne sait pas pourquoi. Elle n'en cherche pas la raison. Juste en faire le constat et en bénéficier lui suffit.
Ils sont à l'arrière de la voiture, il est au téléphone une mine sérieuse au visage. Elle comprend certains mots de l'anglais qu'il parle avec une aisance terrible, mais pas toute la conversation. Il raccroche quand ils arrivent au centre commercial. Il descend en premier avant de lui ouvrir la portière et de lui tendre la main pour l'aider à descendre.
- Je suis désolé d'avoir passé le trajet au téléphone.
- Pas de problème. Je suppose que c'était urgent.
- Des histoires de famille, il lui répond vaguement avant de souffler de frustration. Ne parlons pas de cela. J'ai prévu une activité pour aujourd'hui. Elle ne comprend pas où il veut en venir et il ne semble pas vouloir lui dire de quoi il s'agit. Cela fait déjà une semaine depuis notre dernier rendez-vous, et bientôt un mois que nous nous rencontrons toutes les semaines. Pourtant, tu es toujours aussi timide, tu ne me regardes pas dans les yeux, tu m'écris à peine. Est-ce que je t'intimide ?
- Je ne veux pas vous... Un regard appuyé lui rappelle qu'elle doit le tutoyer. Je ne veux pas te déranger. Tu as sûrement énormément de choses à faire avant de repartir.
- Il est vrai que j'ai des choses à faire, mais j'ai aussi du temps à te consacrer. En se rappelant le trajet en voiture, il ferme les yeux. Temps que j'ai utilisé pour faire autre chose. Je m'en excuse à nouveau.
Camélia ne peut pas s'empêcher de sourire. Elle a vraiment cette impression de planer quand elle est avec lui. Comme s'il l’emmenait dans un univers parallèle.
- Souhaites-tu manger un morceau ?
- Oui avec plaisir.
- Très bien, choisis donc. Ils arrivent devant une carte du centre commercial. Camélia n'a pas l'habitude de choisir. Elle se rappelle encore les mots de sa mère, elle doit le laisser choisir. Elle doit le laisser prendre les devants. Elle s'apprête à se tourner vers lui et lui répondre quand il pose son index sur ses lèvres. Ne te défile pas. Choisis.
Son ton ne laisse aucun autre choix à Camélia. Elle peut voir qu'il ne cédera pas. Elle finit par choisir un restaurant, elle se rappelle sa mère avoir prononcé ce nom une fois en parlant de l'époque avant que son père ne décède.
- Excellent. Allons-y.
- Mais, on ne pourra pas sans réservation, lui oppose-t-elle en se rappelant que sa mère lui avait dit qu'il fallait au moins 3 mois pour obtenir une table à ce restaurant. Ma mère m'a dit qu'ils sont souvent complets.
- Tu es bien au courant, il lui dit d'un regard malicieux. Mais ne t'inquiète pas, tant que tu seras avec moi, je ferais tout pour que tes désirs se réalisent.
Ce genre de promesse fait sursauter le cœur de Camélia. Elle se laisse guider vers le restaurant. Ils arrivent à l'entrée et la dame de l'accueil leur dit qu'ils n'ont pas de place avant 4 mois. Elle a envie de lui dire qu'elle l'avait prévenu, quand il lui montre une carte et le visage de la dame change immédiatement.
- Bien sûr que nous aurons une table pour vous monsieur Chirathivat. Laissez-moi arranger cela rapidement. Elle s'excuse avant d'aller à l'intérieur et de revenir les emmener à une table avec une superbe vue. Dites-moi quand vous aurez décidé quoi prendre. Je suis à votre entière disposition.
- Comment as-tu fait ?
Camélia lui demande stupéfait. Elle n'en croit pas ses yeux.
- Magie, il lui dit en rigolant. Il prend sa main dans la sienne, avant d'y déposer un baiser furtif et de la relâcher. Je t'ai dit que je ferais tout pour matérialiser tes désirs. Tu apprendras que mes paroles ne sont pas creuses. Camélia rougit jusqu'aux joues. Elle n'a jamais été au centre d'une tentative de séduction. C'est la première fois. Pour tout dire, bien qu'elle ne sache pas à ce moment-là, mettre des mots dessus, elle aime bien ce qu'il se passe. Notre famille a quelques actions dans ce restaurant. Ma mère adore y manger.
Elle est assez contente qu'il lui parle de sa mère. Il ne parle pas beaucoup de sa famille. Elle se rend compte qu'il ne fait quasiment que l'écouter.
- Que comptes-tu faire après mon départ ?
- Ma mère m'a annoncé il y a quelques jours que je pourrais reprendre mes études, elle lui annonce ravie.
- Je suis sincèrement ravi pour toi. Je sais que cela comptait pour toi.
- Pour l'instant, elle ne m'a pas encore dit dans quel genre d'école j'irais, mais je suis assez excitée de voir ce que ça donnera. Être dans une même classe avec d'autres élèves. Partager des moments ensemble, développer des amitiés... Elle se rend compte qu'elle parle beaucoup et s'arrête avant de rougir de gêne. Comment s'est passé votre... ta scolarité ?
- J'adore t'écouter Camélia. Ne te retiens pas quand tu me parles. Je veux t'écouter.
Il fait signe à un serveur pour commander. Il arrive en tout vitesse. Eliott commande rapidement, avant que le serveur ne se tourne vers elle.
- Que dois-je noter comme commande pour votre petite sœur ?
À ce moment, le regard de Camélia se fige. Elle commande son repas et une boisson sucrée. Le serveur s'en va, la laissant perdue dans ses pensées. Elle se rappelle la différence d'âge entre eux, mais surtout de l'image que doit donner leur binôme. Personne ne doit la voir comme étant sa promise. Pour tout le monde, elle n'est qu'un vilain petit caneton en présence d'un signe. Elle ne sent pas à sa place. Elle a envie de rentrer chez elle.
- Camélia... Camélia... La voix d'Eliott la ramène à elle. Est-ce que tu vas bien ? Une larme coule sur son visage. Cela alarme Eliott, qui se lève pour s'approcher d'elle visiblement inquiet. Est-ce que tu veux que je t'emmène à l'hôpital ? Elle se reprend et essuie sa larme d'un geste de la main, avant de de morfondre en excuse. Ne t'excuse pas, ce n'est rien. Dis-moi plutôt ce qu'il t'arrive...
Devant son soudain mutisme, il la soulève et ils quittent le restaurant sous le regard de toutes les personnes présentes. Camélia a envie de disparaître sous terre, mais il ne semble pas s'en préoccuper. Il la porte jusqu'à la voiture dans l'un des parkings VIP du centre commercial. Le chauffeur ouvre la portière, il la pose à l'intérieur avant de monter à son tour. La portière se referme derrière eux. Le chauffeur et le garde restent dehors.