4 - Le pouvoir des ténèbres

Sémaphora :

Je progresse vers le château accompagnée par Tristan. Je ressens l'irrésistible envie de me rapprocher de lui. Notre profond chagrin nous a permis de constater que nous tenions encore beaucoup l'un à l'autre. L'amour puissant qui nous unit, n'est pas prêt de s'épuiser à cause de quelques mois de séparation. Cette confiance innée en moi refait surface.

Cependant, mon corps est faible. Mon énergie s'épuise, ma démarche est moins assurée. Je dois continuer mes efforts pour discuter avec Euphéride. J'espère qu'il pourra m'apprendre tout ce que ma grand-mère voulait que je découvre. Elle n'aura ainsi pas fait tous ces efforts pour rien. Elle a insisté dans mon rêve pour que cette conversation ait lieu. Après, je suis incapable de distinguer s'il s'agit de mon imagination ou une tentative réelle de sa part. Tout est confus dans mon cerveau. En même temps, comment une telle connexion pourrait-elle être envisageable ? Je suis très perplexe, donc, ma curiosité me pousse à savoir. Mon grand-père saura expliquer ces rêves et la raison pour laquelle je les fais.

Je suis pleine d'attente par rapport à ce qu'Euphéride nous expliquera.

Tristan me retient, marcher est devenu de plus en plus difficile. Je me repose, mais ne retrouve pas de force. Nous n'avons plus de temps à perdre. J'attrape la main de Tristan, il se tourne vers moi, et comprend ma détresse.

"- Sémaphora, je m'inquiète de ta santé ! Depuis la disparition de Sauveur tu vas très mal!" Il me fait part de ses angoisses.

"- J'irai mieux quand nous l'aurons retrouvé !" Je tente de le rassurer.

"- Je n'ai pas envie de te perdre ! C'est comme si tu mourais petit à petit ! Et si nous mettons du temps pour le retrouver ?" Il poursuit en fronçant les sourcils.

Je comprends sa réaction, mais pour l'heure, je n'ai vraiment pas le temps de m'apitoyer sur mon triste sort.

"- Je ne comprends pas pourquoi, je suis ainsi !" Je manifeste mon inquiétude à mon tour.

J'ignore les raisons de ma mauvaise santé. Je ne vais pas bien, je sais que plus les jours passent, plus ce malaise s'accroît.

Nous marquons une pause. Il me contemple sérieusement. Il s'avance vers moi, et caresse ma joue. Je ne l'interromps pas, il enchaîne. Il me serre dans ses bras, m'enlace affectueusement. Il pose ses lèvres sur les miennes, et attrape mon visage en coupe. Notre baiser s'éternise, je suis très réceptive à son amour. J'ai surtout énormément besoin de lui. Nous finissons à nouveau dans les bras l'un de l'autre. Il doit penser que nous sommes à nouveau ensemble, pour l'instant, toute cette démonstration affective est pour nous consoler.

Le château est tout proche. J'ai franchi ces remparts deux fois déjà. Je souris à présent, je passerais par la porte centrale.

Je me souviens que j'étais vraiment téméraire auparavant. Ma défaillance actuelle me désole. Ce n'est pas mon mental qui est atteint mais mon corps. Je suis la même Sémaphora audacieuse qui remuerait ciel et terre pour retrouver son fils.

Nous sommes dans la grande cour du château, à côté du grand puits aride. Et là, le souvenir du corps de ma grand-mère allongé parterre, me revient en tête. Je sursaute. A chaque fois que je passe par cette cour, toujours le même souvenir me hante. Je retiens mes larmes parce-que je ne veux plus souffrir. François vient à notre rencontre, surpris de nous voir ensemble. Cependant, un sourire satisfait vient d'apparaître sur son visage. Ah ! Franchement, mon père ! 

Et, il dit :

"- Bon, je vois que vous vous êtes remis ensemble. Honnêtement, je suis soulagé qu'il en soit ainsi.".

J'hallucine ! Il ne devrait pas plutôt en vouloir à Tristan pour la mort de sa mère ? Je le scrute totalement désabusée. Il fronce les sourcils.

"- Papa ! Ne t'emballe pas trop vite. Nous ne sommes pas ensemble ! Nous allions rendre visite à Euphéride. Il est dans ses appartements ?" Je lui demande pour changer de sujet.

Tristan devient triste. Je crois qu'il a pensé comme mon père. Donc, c'est parfait d'avoir éclairci ce quiproquo.

"- Je vous y conduis ! " Intervient François en se mettant entre nous, et en nous prenant par les épaules avec un sourire très significatif sur le visage.

Il ne me croit pas. Je secoue avec agacement ma tête. Je tape sur son épaule pour qu'il cesse son petit jeu pas du tout divertissant.

Arrivés devant la porte d'Euphéride, nous patientons quelques minutes. C'est toujours impressionnant de rentrer dans son univers. Cette porte très lourde grince lorsque je la pousse. Avec toute l'appréhension que je ressens à pénétrer dans cette pièce, l'endroit reste tout aussi mystérieux et effrayant que la première fois que je suis venue. On entend la fontaine à eau, il l'a encore. Je vis, pourtant au château, mais je ne suis pas revenue ici depuis un bout de temps. 

Le vieil homme est en train de lire paisiblement sur le canapé. Il nous regarde approcher de lui. Il nous fait signe de nous asseoir et il engage la conversation :

"- Je vous attendais, pas toi Tristan, mais Sémaphora et François". Il précise.

Il demande à Tristan de nous laisser. Ce dernier obtempère à regret, déçu d'être toujours exclu par notre clan. J'imagine que les informations que mon grand-père veut nous rapporter ne concernent que notre famille.

Je poursuis quand la porte de sa chambre se referme.

"- Pourquoi tu nous attendais, grand-père ?" Je le questionne une fois seuls, et surtout intriguée.

"- Parce-que vous avez dû faire le même rêve que moi !" Nous annonce-t-il.

On se regarde surpris par ces paroles. Quoi nous avons tous fait le même rêve ? Comment peut-il avancer cela ? Il ne sait même pas si nous avons rêvé, ni de quoi. 

Je me décide à lui demander :

"- De quel rêve parles- tu ? "

"- Que tu marches dans le bois pour retrouver Sauveur. Tu rencontres un groupe d'hommes et de femmes devant un feu. Tu reconnais ton fils dans les bras d'une vieille femme et elle te dit qu'ils t'attendaient tous !" M'explique-t-il.

"- Co...Co...Comment tu peux connaître mon rêve ?" Je lui demande sidérée par sa claire voyance.

"- Et le mien ?" Intervient François tout aussi stupéfait. 

"- Vraiment ?" Je lui dis de plus en plus perplexe.

"- Oui, cela s'explique parce- que vous êtes les descendants directs d'Enola. Je vous ai déjà raconté cette histoire de votre grand-mère. Vous savez que ma femme était issue d'une tribu avec un grand pouvoir qui se transmet de génération en génération à la mort du dernier détenteur du pouvoir. Le dernier descendant en hérite. Ma femme est morte, et le dernier descendant est Sauveur.  Seulement, ce que je ne vous ai pas dis, parce que ce n'était pas de circonstance, c'est qu'il y a un rite de dix jours pour la passation de pouvoir. Enola n'a pas pu t'enseigner cela, elle est morte avant". Nous raconte-t-il.

"- Un rite de dix jours. Mais, que se passera-t-il si le rite ne peux pas être exécuté ?" Je demande à mon grand-père parce que j'ai peur des conséquences pour mon fils. 

"- Ton fils n'héritera pas du bon pouvoir. Il deviendra un descendant des ténèbres. Il deviendra méchant et dangereux." Affirme Euphéride.

"- Mais......Pourquoi ? Comment est-ce possible ?" Je demande anéantie par la nouvelle. 

"- Si le rite ne peut pas s'achever avec tous les éléments nécessaires, il ne sera pas comme nous, et, les autres viendront pour le récupérer." Dit-il désespéré.

"- Parce-qu'il y en a d'autres ?" Je lui demande angoissée.

"- Oui, et crois -moi s'ils viennent, nous sommes tous en danger, vampires et humains !" Nous annonce Euphéride pour que nous puissions prendre conscience de la gravité de la situation.

"- Je ne les laisserais pas emporter mon fils. Je donnerais ma vie s'il le faut. Mais, je te promets Sémaphora que cela n'arrivera pas." Mon père essaie de me réconforter. Et, je sens de la colère dans sa voix. C'est encore une injustice à laquelle je suis confrontée.

"- Tu ne pourras rien faire. Ils sont plus puissants que toi. Et que nous tous d'ailleurs. Je ne préfèrerais pas qu'ils aient à venir dans notre région." Nous confie Euphéride en tressaillant.

Je n'ai jamais vu mon grand-père trembler devant quoi que ce soit. Ce qui attise ma peur.

Je pensais venir chercher du réconfort, et une solution près de mon grand-mère. Je suis encore plus inquiète qu'avant. Et plus, j'analyse l'information de mon grand -père, plus je me sens angoissée. Il faut savoir à quoi correspond ce rite.

"- Grand-père, en quoi consiste le rite ?" Je lui demande.

"- C'est là qu'est le problème, je ne sais pas du tout en quoi consiste le rite................." Dit-il navré de son ignorance.