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Chapitre 7, 8

- Voilà pourquoi ! Voilà pourquoi nous devons faire vite, c’est mon souhait.

- Attends. Je… je ne comprends rien. Tu penses que nous pouvons tout faire la semaine prochaine ? On n’a pas les moyens pour…

- On va le faire…

-Je vais te reposer la question Placide…est-ce qu'on a tous les moyens nécessaire pour organiser notre mariage en bonne et due forme ? Je parle de toutes les étapes, y compris le mariage proprement dit.

-On fera l’essentiel.

- C’est – à – dire ?

- Tout va bien se passer…

- Explique-moi comment ? Et même ce voyage, je suis perdue ! Une fois de plus tu ne m’as rien dit.

J'ai reçu la nouvelle comme un gros coup de massue. J’étais partagée entre le désir d’anticiper les choses et de le laisser s’en aller, ou encore d’organiser l’événement en bonne et due forme et de rejeter catégoriquement cette idée de voyage. Je ne réalisais pas si vite que je commençais à perdre le contrôle de la situation. Cette fois ci j’ai insisté pour qu’il me donne une explication plausible.

- Je veux comprendre ce qui se passe. Pourquoi c'est à ce moment précis que l’idée du voyage se présente ? Non. Je pense que tu dois renvoyer ça. Je ne vois pas son importance.

- Ce voyage est très important, je t’assure. Si je rate une occasion pareille, nous n’aurons plus la possibilité de …

- Placide, tu as un travail décent, on ne s’en plaint pas.

- Chérie, ça fait partie d’un de mes rêves… j’ai toujours rêvé de partir d’ici. C’est vrai j’ai ce travail, mais je ne sais pas pour combien de temps j’en ai encore dans cette société. C'est Petite Fleur qui m’a offert la possibilité d’y être, mais… elle vient de déposer sa démission. Trop de mauvaises choses circulent, ça ne sent pas bon. Alors étant donné que moi j’étais son protégé, on risque aussi de me mettre à la porte. Elle me l’a avoué il n'y a pas longtemps. Je risque de perdre cet emploi. Je n’ai pas voulu t’en parler afin de ne pas t’inquiéter… l’idée du voyage elle me le propose parce que elle a des bases là-bas et beaucoup de connexions ; elle vient de me mettre en contact avec un de ses partenaires ; j’attendais que ça morde avant de te l’annoncer, je pensais que ça prendrai du temps mais contre toute attente les choses sont allées très vite ; j’ai pu obtenir le visa et je suis attendu là-bas dans deux semaines, voila pourquoi j’aimerai que toi tu me suives juste après, ça sera plus facile si on est mariés. Tu comprends ? Je peux te garantir que notre vie sera encore plus décente.

Il finit par me clouer le bec ; j’avais peur pour son travail et j’avais peur qu’on ne retombe dans cette vie d’antan où nous étions cantonnés dans cette petite chambre d’étudiant. Je ne souhaitais pas revivre ça ; nous en étions arrivés à un niveau de vie qui me plaisait et qui m’arrangeait. Alors s’il fallait qu’il s’en aille pour nous assurer un avenir encore meilleur, je lui ai donné totalement raison.

Il ne nous restait qu’une semaine pour tout faire ; les réunions se multipliaient et la famille de Placide n’avait fait aucune objection ; ils trouvaient ça normal et ils l'encourageaient encore plus. J'ai demandé à ma tante de se joindre à nous, chose qu’elle a fait sans rechigner. Rien que l’expression de son visage démontrait qu’elle était très sceptique, vue la façon dont se déroulaient les choses, mais je sentais en même temps qu’elle ne voulait pas me frustrer ; c’était mon mariage et il fallait faire bonne figure.

- J’avais l’intention de vous offrir plus que ça, me dit-elle. Je n’ai pas eu le temps à cause du changement brusque de programme.

- C’est pas grave, tu le feras après. Il doit s’en aller. Tu sais il a obtenu un visa pour l’Angleterre.

- Tu me l’as dit. C’est quoi ? Il va en mission ?

- En quelque sorte ; c’est pour travailler.

Je lui épargnais le détail sur Priscilla, ne voulant pas qu’elle en fasse tout un drame, mais elle n’était pas dupe.

- Et sa cousine ?

- Laquelle ?

- Celle qui était à la réunion hier ? Je parie qu’elle fera partie du voyage.

- Je ne…

-Mais ouvre les yeux ! Elle l’a dit hier soir, je l’ai entendue parler de ça avec ta belle mère. Est-ce que tu…

- Maman ! Ils s’en vont dans le cadre des affaires et du boulot. Il va perdre son emploi ici, et une fois là-bas il compte établir ses bases…

- Ses bases ? Mais quelles bases ? Comment peux-tu être aussi naïve ! Ne me fais pas dire des choses qui blessent, je n’ai plus envie d’en arriver là.

- On va se marier et après je compte le rejoindre… Ça fait des années qu'on est ensemble et je n’ai jamais eu de problèmes dans mon couple, je lui fais confiance.

- Tu lui ressembles tellement… ça me fait mal.

- A qui ? A ma mère ? A la seule différence que je ne suis pas dans un foyer polygamique.

- Déguisé !

- Que veux-tu donc que je fasse à l’heure actuelle ? Que j’arrête tout ? Que je lui demande de tout arrêter ? Que je me sépare de lui ?

- Je te demande juste de regarder là où tu mets les pieds. Il y a des choses que tu ne devrais pas permettre.

- J’ai compris !

Tout est allé très vite, entre la demande de la main et le mariage, tout était parfait ; tout le monde était présent, les voisins du village qui avaient fait le déplacement pour ma tante, se constituant ainsi comme membres de ma famille. Tous nos collègues et amis étaient également présents. Et lorsque le maire a finit de sceller notre union et que je suis devenue Madame Danga, les cris stridents et les you-you se firent entendre de part et d’autre ; Priscilla, dans toute sa splendeur, s'est s’écroulée … elle a fait un malaise et on l’a conduite rapidement aux urgences. Interrompus pendant une dizaine de minutes, nous nous sommes embrassés comme nous l’a demandé monsieur le maire.

J’avais encore le cœur battant et la main tremblante ; Placide me tenait toujours la main et nous étions les stars du moment. Après l’incident avec Priscilla à la mairie, nous ne l’avons plus sentie, on savait juste qu’elle était en soins intensifs à l’hôpital. Ma tante qui était près de moi et nous accompagnait en chantant et dansant a eut le temps de me chuchoter à l’oreille…

-Bon débarras ! C’est une vraie comédienne celle-là!

De toutes les façons ce n’est pas ce détail qui pouvait m’alerter et me faire changer d’avis ; j’étais désormais une femme mariée, l’épouse de Placide et j’étais persuadée que rien ne pouvait entraver à notre union.

Les festivités allaient bon train. La salle des banquets louée pour l’occasion affichait comble. Trop contente d’être la reine du moment, je ne prêtais guère attention aux petites manies que Placide avait tout le temps avec son téléphone ; il le tripatouillait sans cesse. Intriguée, j'ai fini par lui demander…

- Chéri ! C’est notre jour aujourd’hui mais je te sens par moment lointain. C’est quoi ?

- Je suis juste anxieux. Ce sont les gens d’Angleterre qui viennent de m’envoyer un mail, comme quoi il faudrait que j’y sois dans les plus brefs délais. Je dois respecter la date de départ.

- Mais tu as déjà le visa. C’est le plus important.

- Oui. Mais c’est crucial, je ne veux pas arriver là-bas et trimer.

- Ça va bien se passer.

- Tu as raison… je suis juste un peu triste de te laisser toute seule, mais ne t’en fait pas, tu seras bien entourée de ma famille et tout le reste. C’est temporaire. Et puis il y a le bébé, j’aimerai que tu viennes accoucher là-bas, je me battrai pour ça.

- C’est vrai. Mais tu ferais mieux d’éteindre ce téléphone.

- Tu as raison. Aller viens, on nous appelle pour aller danser.

Priscilla n’a plus refait surface, et il est vrai que pour une fois, je me sentais très à l’aise et dégagée, ainsi que Placide ; et pas une fois il n’a prononcé son nom. Nous ne nous en rendions pas compte, mais je venais de constater qu’elle était bien trop présente dans notre existence et commençait à en faire un peu trop. Les dires de ma tante m’alertaient sans cesse, même si notre vision des choses était différente ; tante Sidonie voyait en elle une vraie rivale, alors que moi je la considérais tout simplement comme une belle sœur envahissante. Certes Petite fleur a mis du sien dans l’organisation de ce mariage, mais c’est encore elle qui a négocié pour que nous obtenions assez de facilités. Elle a payé de sa poche, étant donné que nous étions un peu limités.

Son absence a commencé à se faire ressentir quelques jours après. On a appris qu’elle était sortie de l’hôpital et avait disparu depuis plus de trois jours, c’était le silence total. On entendait dire qu’elle avait eu une grosse déprime et qu’elle avait préféré se retirer loin, quelque part dans la nature. Nous avons pris un week-end pour notre petite lune de miel. Nous n’en avions plus pour longtemps étant donné qu’il devrait quitter le pays dans une dizaine de jours. Ce week-end nous a permis de nous rapprocher et de profiter sereinement des derniers instants qui nous étaient offerts. Par moment, Placide je le sentais inquiet et pensif, et par moment il retrouvait le sourire et venait se lover contre moi.

- Ton ventre est encore invisible… mais j’ai comme l’impression que je le sens bouger le petit.

- Ah bon ? Je ne suis qu’à huit semaines à peu près, c’est pas encore visible.

- J’aimerai que ça soit un garçon, mon héritier.

- Tu n’es pas un roi et encore moins un prince. D’où ça sort ton histoire d’héritier ? Tu es drôle !

- Nous serons riches, très riches !

- Attendons voir… et puis après tout, fille ou garçon je ne vois pas la différence.

- C’est vrai peu importe, mais si c’est un garçon je serai doublement heureux.

- On verra.

Il se pencha sur moi et me parcourut tout le corps avec sa bouche, je me laissai faire par le plaisir que cela me procurait. Il partirait dans quelques jours et rien que cette idée de le sentir si loin de moi bientôt me rendit si triste, mais je savais que c’était pour la bonne cause. Nous fîmes l’amour ce week – end là de manière si

douce et en même temps sauvage. On se parlait entre les baisers qu’il me procurait, on se faisait des promesses ; et lorsqu’il vint en moi, je me laissai aller et je le serrai très fort dans mes bras ; tout en gémissant je fis un effort considérable pour ne pas me laisser dominer par cette grande tristesse. Un petit pressentiment me parcourut l’esprit et j’entendis une voix me parler ; ce n’était que mon subconscient en effet qui m’envoyait des signes que je refusais de voir et de comprendre. Placide s’en allait et je savais qu’il reviendrait me chercher ; je savais que je le rejoindrais facilement. Il n’y avait qu’à voir la manière dont il me faisait à chaque fois des promesses et qu’il tenait, c’est en partie ça qui me motivait.

- Oh… chéri ! Tu vas me manquer.

- Toi aussi je te jure… je t’aime Jaïda… je t’aime !

- Je t’aime !

- Fais-moi confiance, tout ira bien.

En pleine extase, nos gémissements s'emmêlent au même moment, nous procurant encore des sensations plus intenses. Le fait de sentir qu’il s’en allait si loin me fit m’agripper à lui de toutes mes forces, jusqu’à ce que nous nous sommes laissés emporter par la jouissance extrême. Nous nous sommed endormi paisiblement, lui toujours lové contre mon buste, et moi le serrant de mes bras autour de son cou. Nous n'avons pas eu le temps de voir nos téléphones mis en mode silencieux clignoter sans cesse. Ce n’est que le lendemain matin que nous nous sommes rendus compte que tous ces messages n’étaient que de Petite fleur. Elle a passé presque toute la nuit à nous appeler.

-Qu’est-ce qu’elle veut encore ? Dis lui qu’on se verra après. Qu'elle ne nous perturbe pas!

- Je le fais à l’instant. Elle… elle voulait qu’on parle du voyage… et…

- Ça peut attendre!

- Ok.

Je n'ai pas su si Placide l’avait fait, mais la fréquence avec laquelle il répondait aux messages qu’il recevait par téléphone à finit par m’agacer.

-On n'a que ce week-end rien que pour nous deux, et ça trouble notre quiétude, tu sais que je n’aime pas ça !

- Ne t’en fais pas, je réponds à ces foutus e-mails. Rien de plus. En ce qui concerne les messages, j’ai dit à Priscilla qu’on se verrait après. Elle n’a plus insisté.

Les deux semaines qui ont suivi sont passées à la vitesse éclair sans que nous ne nous en rendions vraiment compte. Le jour J approchait à grand pas ; Placide a tout bouclé, il a aussi eu le temps de tout préparer. Il a finit par déposer sa démission sur conseil de sa très chère cousine. L’atmosphère à son lieu de service était devenue très tendue. Ca commençait à sentir le roussi, et il savait qu’on le remercierait tôt ou tard. Il anticipa donc en déposant sa démission, sachant qu’il avait un plan B, son voyage imminent pour l’Angleterre. Tous les siens l'ont encouragé dans ce sens en lui parlant de son avenir. Jamais les siens ne parlaient de « notre » avenir, mais plutôt de « son » avenir à lui.

- Comme si je n'existais pas !

- Tu te fais des idées. Toi c’est moi !

- Ah bon hein ? Quand on parle de ton avenir c’est bien au singulier. Ils auraient pu dire notre avenir pour parler de toi et moi.

- Ah les femmes ! Ce sont des détails inutiles !

- Ça compte bien pour moi.

- Tu es tout le temps en train de faire des problèmes pour ci ou ça. Sois zen chérie !

- Je te rappelle que tu t’en vas dans trois jours, alors j’ai pas envie de plaisanter sur ce coup là.

- Ok ne faisons pas d’histoires d’accord ? Ce que tu ne sais pas c’est que ma mère m’a demandé comment tu allais faire toute seule ? Je lui ai dit que tu es une grande fille ; elle a fait la proposition d’aller habiter avec elle.

- Tu es sérieux ?

- Oui. Je pense que c’est mieux. Avec ton état tu ne pourras pas t’en sortir toute seule.

- Oui mais ma mère est là aussi.

- Non. Il serait préférable que tu ailles rester chez ma mère. J’aurais le temps de vite faire les choses de l’autre côté afin que tu me rejoignes facilement.

- Je vais y réfléchir.

Ma grossesse était toujours gardée secrète ; il n'y avait que Placide et ma mère qui étaient au courant, jusqu’à ce que sa mère à lui fut mise au courant. Par la suite j’ai appris que c’est plutôt lui Placide qui a supplié sa mère de me laisser habiter avec elle parce que j’étais enceinte. Je ne voulais pas en faire un problème ; il partait dans moins de 24h et je voulais qu'on se sépare dans de bonnes conditions. Nos rapports étaient toujours au beau fixe avec sa mère ; mais avec le temps j’ai appris à la connaître. C'était une très bonne politicienne ; elle savait sourire quand il le fallait, et sourire encore plus quand il ne fallait pas, et ses paroles empreintes de petites piques qu'elle savait si bien me les balancer en pleine figure. Quand elle a apprit pour ma grossesse, elle semblait ravie…

- Ma fille… c’est bien j’ai appris pour ta grossesse, je suis très contente. Je n’avais même plus de place ici, mais je vais dire à l’une de tes petites belles sœurs de libérer une chambre. Hum! Tu sais que tu es toujours la bienvenue !

- Merci maman, je vais réfléchir… j’ai…

- D’accord, mais Placide va très mal le prendre si tu ne viens pas. Il exige que tu viennes, nous t’attendons.

Pas très enjouée à cette idée d’aller habiter dans la belle famille, je me suis accordée un temps de réflexion. J’aurais plutôt voulu que ma tante vienne vivre avec moi dans notre appartement et qu’elle me suive pendant toute ma grossesse ; mais la pression que me mettait Placide ne me permettait pas de me décider.

- Chérie tu es déjà une femme mariée. C’est chez moi, dans ma famille que tu dois habiter. Dans pas moins de six mois tu m’auras déjà rejoint. Je ne vois pas où est le problème. Tu te plains que ma mère ne te considère pas, et voilà qu’elle te propose d’aller habiter chez elle que tu fais des siennes !

- Qui lui a demandé ça ? N’est-ce pas c'est toi ? Ça ne vient pas d’elle.

- Qu’est-ce que tu vas chercher là ?

- Tu as été obligé de lui dire que j’étais enceinte pour l’amadouer.

- Moi ? Je lui ai annoncé que tu es enceinte par obligation. Je ne l’ai pas suppliée. C'est après avoir appris la nouvelle qu’elle m'a proposé ça.

- En tout cas, comme c'est temporaire, il n'y a pas de problèmes, j’accepte.

- Et puis ça va nous faire des économies.

- C’est bien temporaire !

- C’est temporaire. Notre enfant ne naîtra pas ici, tout va bien se passer, tu verras !

- C’est mon souhait.

- Viens approche… fais-moi un bisou. Je pars demain soir et je ressens déjà ton absence.

C’était notre dernière nuit ; Placide passa toute la nuit à m’amadouer, à me consoler, et à me jurer par tous les monts que je suis la seule et unique femme de sa vie, la seule et unique mère de son enfant et tout le baratin possible. Je l’aimais de toutes les façons et je croyais en lui, même en apprenant qu’il serait avec Petite Fleur là-bas en Angleterre pour une longue période.

Le lendemain matin, le jour du départ, Priscilla a débarqué en trombe chez nous. Nous ne l’avions plus sentie depuis son malaise le jour de notre mariage ; elle avait disparu, mais je savais qu’elle était tout le temps en contact avec Placide. La sonnerie nous tira de notre profond sommeil à cause de notre nuit agitée à tous les deux. Elle sonna de manière si brutale et sans arrêt que je pestais à haute voix, me demandant qui ça pouvait bien être. Bien évidemment c’était elle. Lorsque j’ouvris la porte en grognant et que je la vis, je n’eus même pas la force de sourire.

- Petite Fleur ? Il est 6h du matin.

- Ouiiii je sais ! Désolée mais il fallait que je vienne si tôt. J’ai pas mal de choses à faire aujourd’hui. je peux ?

A deux doigts d’exploser, je me suis retenue. Placide s’est aussi levé et nous a rejoint au salon. Elle s’est assise sans demander son reste et a ouvert son sac pour en sortir un objet blanc. Elle nous le brandit fièrement. Placide a sursauté, et moi j’ai eu de la peine à réaliser.

- C’est quoi ça ? On dirait un …

Elle me coupa et continua.

-Test de grossesse… je suis enceinte !

Chapitre 8 :

Placide venait d’embarquer. L’avion décollait dans une trentaine de minutes ; c’était comme un rêve, les choses sont allées si vite en l’espace de quelques semaines. C’est fait, il s’en allait ; les dés étaient lancés. Sur ce coup là, j’avais espoir, je m’étais fait la promesse de ne pas flancher ; de tenir bon et surtout de maintenir le contact permanent avec lui, chose qu’il me scanda sans cesse durant tout le reste de la journée, quelques heures avant son départ. Je n’ai pas été tranquille pendant tout ce temps. Je percevais en permanence un écho, une petite voix toujours dans mon subconscient qui tentait de me ramener à l’ordre et de me faire comprendre que j’avais peut-être fais un mauvais choix comme me répétait sans cesse ma tante.

Je possède tout ce que nous les femmes nous avons, à savoir l’intuition ; mais je refusais de me fier à ça, jugeant cela bien trop révélateur. Je balayai toujours d’un revers de la main mon ressenti par rapport aux agissements de Placide. Il avait réponse à tout, les raisons ne manquaient pas, bien qu’elles fussent assez justifiées. Je le soupçonnais rarement, voire presque jamais. Mais ce matin là, lorsque Priscilla débarqua chez nous à une heure si matinale pour nous annoncer sa grossesse, non seulement je fus tirée de mon sommeil, mais je fus tirée d’une sorte de léthargie et sans le vouloir, je lui ai lancé froidement.

-Félicitation pour ton bébé… mais je pense que le moment est très mal choisi pour venir nous l’annoncer à tous les deux à une heure pareille.

-Oui je sais. Je venais juste partager ma joie et…

-C’est plutôt avec le père que tu devrais partager ça n’est-ce pas ?

-Jaïda a raison. Intervient Placide. C’est une bonne nouvelle, mais… mais tu ferais mieux de t’en aller Petite Fleur.

-Okay! Je m’excuse de vous importuner à une heure pareille. Je pensais que la nouvelle vous réjouirait, vue la proximité qui a toujours existé entre nous, vue la façon dont nous partageons les choses. Mais je m’en vais !

Déçue, elle se leva, remit ses lunettes de soleil et tourna les talons. Puis je l'ai stoppée net. Elle a eu le cran de débarquer chez nous sitôt, alors j’en ai profité par la même occasion et avec toute l’audace du monde de lui poser cette question.

- Petite Fleur Une seconde !

Placide, m’intima l’ordre de me taire et de la laisser s’en aller plutôt.

-Chérie laisse la partir, c’est mieux. Je pense que…

-Non ! Cette question me turlupine ! Attends une minute Priscilla !

Cette dernière, et avec toutes les manières du monde se retourna, sans omettre d’onduler encore plus son large bassin enrobé sous une robe ultra moulante, ce style qui la définissait si bien.

-Qu'est-ce que tu veux savoir ?

-Je suis curieuse de savoir qui est le père du bébé ? Tu es bien venue chez nous sitôt pour nous annoncer que tu attends un heureux événement, mais tu as omis de nous dire qui est le géniteur. Je pense que nous trois ici réunis, et vue la « proximité » comme toi-même tu viens de nous le dire on ne devrait rien se cacher. Nest-ce pas?

Elle sourit du bout des lèvres, se rapprocha, enleva ses lunettes et me répondit…

-Le père… eh bien ! On le connais tous ! Il fait partie… de notre entourage. Ce qui me chagrine le plus c’est qu’il n’a pas été foutu de venir m’assister quand j’étais aux urgences. J’ai fais un malaise et je suis restée près de trois jours à l’hôpital ; il m’a tout simplement abandonnée, ignorée.

-Il fait partie de notre entourage ? C'est qui?

-Vous le saurez bientôt, très bientôt.

Elle se retourna et prit la direction de la sortie sans demander son reste.

Sa réponse nous laissa sans voix, mais son attitude m’alerta plus ; encore plus lorsque son regard se posa directement sur Placide pendant qu'elle me répondait. Ce dernier parut si troublé qu’il vint au rebond à la dernière minute.

- Petite Fleur ! Un instant, reviens ! Dit Placide.

Elle se retourna encore, agacée.

-Quoi encore ?

-Tu sais que je n’aime pas les défis ! Pourquoi tu viens nous narguer ma femme et moi ? Alors tu vas nous dire… qui est le père ? Parle ! Tu as commencé à jouer à un jeu, alors nous allons le terminer !

-Tu penses ? Rétorque-t-elle.

-C'est qui ?

-Arrête ça ! Ne me fais pas dire quelque chose que …

-Répond !

-C’est quelqu’un qui n’a pas été foutu de venir me tenir la main alors que j’étais très mal.

-Figure-toi qu’il s’est senti piégé. Dit Placide.

-Piégé ? Ne me fais pas rire ! Il a un devoir et ce devoir je…

-Il ne le fera pas compris ? Tu t’es servie de lui !

-Je ne lui ai pas demandé de me courir après !

-Tu savais ce que tu faisais !

-Eh bien! J’aimerai que le géniteur de cet enfant me porte un peu d’attention !

-Dans ce cas tu n’as rien à faire en Angleterre, c’est la seule chose qu’il te reproche !

-On verra.

-Maintenant tu peux t’en aller, va t’en ! Ordonne Placide.

J’avoue qu’au départ je n’ai rien compris à ce petit théâtre. Ma colère était telle que je n'ai pas pu me contenir lorsque Priscilla finit par s’en aller. A peine a-t- elle prit la porte que j’ai explosé et j'ai crié sur Placide au point de faire sortir tous mes boyaux.

-A quoi vous jouez tous les deux ? C’est quoi cette histoire ?

-Calme-toi !

-Me… me calmer ? Je vais te dire Placide, j’en ai marre d’elle ! Je … je commence à douter de …

-Douter ? Mais elle est folle chérie ! C’est ma sœur je t’assure, mais elle commence déjà à me gonfler aussi crois-moi !

J’avais les nerfs à vif. J’éclatai subitement en sanglots.

-Je crois que j’ai été bête… très bête! Non seulement elle s’en va avec toi pour l’Angleterre mais j’ai été…

-Chérie ! Ecoute… écoute… elle ne s’en va nulle part ! Elle n’ira nulle part, elle va rester ici.

-Qu’est ce que…

-Petite Fleur elle a eu une petite aventure avec un ami à moi, il s’appelle Eric. C’est moi qui les ai présentés.

-Mais pourquoi elle ne va pas jubiler avec lui? Elle vient ici nous provoquer, et moi en l’occurrence !

-Tout simplement parce que je suis l’ami d’Eric, tout simplement parce qu’Eric en a marre, tout simplement parce qu’en venant nous l’annoncer, elle espère que je plaide sa cause auprès de lui, elle l’aime et ça je le sais ! Elle vient de me faire comprendre à demi-mot que cette grossesse pourrait encore sauver leur couple. Il a appris pour son voyage en Angleterre, et moi je lui ai fait comprendre toujours à demi-mot qu’elle devrait donc essayer de recoller les morceaux. A un moment donné, lui-même nous a soupçonnés elle et moi de sortir ensemble, bien que je lui ai prouvé le contraire ; nous sommes frères. Mon mariage avec toi a vite fait de le calmer.

-Donc elle ne voyage plus ?

-Elle va annuler… c’est une femme restée longtemps célibataire, alors par amour elle serait prête à tout. Eric m’a fait comprendre que si elle reste ici, il pourrait lui donner une seconde chance… c’est une espèce de gigolo, il aime le fric.

-Elle est plus vieille que lui ?

- Petite Fleur est seulement bien entretenue.

-Quoi ?

-Elle est notre aînée. Alors quand elle rencontre l’amour…

Mon cœur venait de s’apaiser une fois de plus, considérant Petite Fleur beaucoup plus comme une victime. Elle ne connaissait pas l’amour ou alors les choix qu’elle avait dû faire plus tôt ne lui ont pas permis de rencontrer l’âme sœur. En journée, elle m’envoya un message à travers lequel elle se confondit en excuses :

« Je te prie de m’excuser mon intrusion et mon indiscrétion ce matin, je suis persuadée que toi au moins tu me pardonneras… »

La nouvelle du départ de Placide a été répandue comme un traînée de poussière ; je me rendis compte que rien ne se cachait dans cette famille ; les gens avaient du mal à tenir leur langue et l’une des choses que je craignais était le secret de ma grossesse ; la mère de Placide savait, et par ricochet les sœurs de ce dernier furent elles aussi mises au courant. Le jour du départ, il avait été prévu qu’on fasse un détour chez sa mère ; celle – ci tenait à faire partie de la délégation de ceux qui l’accompagnaient. Grande fut notre surprise de constater qu’il y avait plutôt grand monde et c’est chacun qui revendiquait sa place dans le véhicule. Une vive discussion s’ensuivit et c’est Placide qui calma les hostilités.

-On se calme ! Je tiens à ce que vous sachiez que je suis et je reste votre fils, frère, cousin et tout le reste… je vous remercie d’être venus, mais nous allons devoir nous séparer ici. Personne ne se rendra à l’aéroport à part ma mère, ma femme et deux ou trois personnes. Le reste je vous dis au revoir… je ne manquerai pas de penser à tout le monde et chacun aura droit à un appel de ma part une fois sur place.

A peine a-t-il parlé que tout le monde se calma, laissant place à une ambiance assez conviviale. J’étais bien présente mais pas très à l’aise. Je voyais bien certains visages devenus si familiers, qui me souriaient et d’autres, surtout les femmes dont le regard se posait discrètement sur mon ventre. J’entamais à peine le troisième mois et je savais que rien n’étais encore visible. Mon cœur se noua, et je compris que la nouvelle faisait déjà tache d’encre. J’en ai voulu à Placide qui avait vite trop parlé à sa mère et surtout à ses sœurs.

Sophie et Nathalie, les deux sœurs cadettes de Placide faisaient partie de celles avec qui le courant passait assez bien. elles me considéraient comme leur grande sœur et ne manquaient jamais une occasion de me tenir compagnie chez nous lorsque j’en avais besoin. Sophie la plus âgée, 23 ans à peine, étudiante, excellait dans cet art là, le commérage. Ce jour là n’y tenant plus, je l’ai appelée discrètement dans la cuisine pour lui faire part de mon mécontentement.

-Sophie, je ne suis pas contente ; j’ai l’impression que tout le monde est au courant.

-De quoi ? De quoi tu veux parler ?

-De ma grossesse… il était question que…

-Eh Noooo ! Ce n’est pas moi. N’est-ce pas c’est elle ?

-Qui ça ?

-Ah ! Laisse tomber… depuis un certain temps elle chante qu’elle est enceinte, elle fait du tapage partout ! Et elle se moque tout le temps de toi !

-Qui ? Petite Fleur ? Mais…

-Non laisse tomber.

-Si. J’insiste dis-moi !

-Elle dit que… Tsuiiippp ! Laisse, ça ne sert à rien ! C’est tata Blanche qui lui a fermé la bouche l’autre jour avec ça ! Tu sais qu’elle et Petite Fleur se détestent ; alors tata Blanche lui a dit un truc comme quoi Placide ne peut pas partir sans avoir fécondé sa terre… un truc comme ça !

-Elle a dit ça ?

-Oui. Depuis là, les gens de la famille se demandent si c’est vrai !

-Quoi ? Mais c’est quoi cette histoire ?

-Pardon reste calme fais comme si je ne t’ai rien dit parrrrdon ! Si Placide apprends ça il va mal le prendre et il va s’en prendre à tata Blanche. Tu sais que tata Blanche t’apprécie beaucoup et…

-Je suis complètement dépassée !

-Je te le dis à toi, mais Petite Fleur n'est…

Nous avons été interrompues par la voix de Placide qui m'appelait depuis le couloir. Sophie a et le temps de s'éclipser en courant.

-Je te cherche partout ! On doit partir ; je dois être à l’aéroport dans deux heures ! Dit Placide.

-Allons-y !

Un peu plus tard dans la voiture qui nous mène à l'aéroport…

-Qu'est-ce qu'il se passe? Pourquoi Sophie est sortie de la cuisine en courant?

- On parlait juste des choses de filles…

Je voulais en savoir plus sur cette histoire avec Petite Fleur. Mais je me suis ravisée, préférant ne rien dire à Placide de peur que Sophie se taise à jamais. Cette petite voix constante et permanente dans mon esprit n’arrêtait pas de me marteler ce que je ne voulais pas entendre ni comprendre. J’étais comme possédée par une force invisible qui m’empêchait d’avoir l’esprit plus clairvoyant. A un moment donné dans la voiture, lorsque Placide me prit la main, je la serrai si fort et je touchai mon ventre discrètement de l’autre main.

Il venait d’embarquer, l’avion décollait dans une quinzaine de minutes ; on s’est tout dit, du moins l’essentiel. On a pu s'étreindre à plusieurs reprises; on a pu se dire des mots tendres surtout venant de sa part ; ce qui me rassura encore plus et me fit oublier provisoirement les dires de Sophie. J’ai remis ça à plus tard ; j’avais l’intention d’y revenir là-dessus et pas plus tard que le lendemain.

-Promets-moi d'aller restés chez ma mère.

-J’ai compris, je le ferai, je demanderai à tes sœurs de m’aider à ranger les choses.

-Ok, Prends soin de toi ma chérie… je reviens très bientôt, pas d’inquiétude la dessus.

-Tu fais attention à toi et surtout avec cette Pri…

-Priscilla ne viendra pas ! C’est décidé ! Elle a décidé de rester, le temps de profiter de sa grossesse, et de son gars.

-C’est tant mieux !

-Je t’aime !

-Je t’aime !

J'ai pleuré sur le retour. J'avais l’impression qu’il était parti pour toujours. J'essayais d’être positive et de garder espoir. Ca martelait en permanence dans mon esprit ; je n’étais pas tranquille et cette voix qui n’arrêtait pas, mon subconscient qui m’envoyait ces éternels signaux. Dans la voiture la mère de Placide remarqua mon attitude ; assise à côté de moi, elle me dit.

-Ce n’est pas la fin du monde et sache que ça fait partie des difficultés du mariage. Prie seulement pour qu’il revienne, il y a beaucoup de tentations.

-Je prierai pour cela.

-Il m’a dit que Sophie a dû te raconter des choses. Il ne faut pas l’écouter celle là ! C’est une vraie commère !

-Sophie ne m’a rien dit.

-Sophie, tout le monde la connait… elle ment beaucoup !

Une fois seule dans l’appartement, tout s’embrouilla dans mon esprit ; je comptais avoir une discussion avec Sophie, mais en même temps je ne savais pas si elle me racontait des salades dans le but de se couvrir, ou alors la mère de Placide voulait tout simplement étouffer l’affaire d’après les dires de son fils. Je me suis recroquevillée en boule. J’ai voulu appeler ma tante. Je voulais me lâcher et me confier à quelqu’un de sûr, la seule personne en qui je pouvais avoir confiance.

-Allo ? Maman ?

-Oui ? C’est comment ? Ta voix est bizarre.

-Ca va un peu. Placide vient de partir.

-Finalement !

-Il m’a demandé d’aller habiter avec sa mère.

-Ce n’est pas une bonne idée ; je comptais t’appeler mais comme tu l’as fait avant c’est mieux. J’arrive demain et on va bien causer.

-Ok je t’attends, à demain.

Mon cœur n’étant toujours pas tranquille, je me suis décidée à composer le numéro de Sophie, dans l’espoir de tirer quelque chose, une information, qu’elle soit vraie ou fausse.

-Allo ? Sophie ? Tu dors ?

-Non pas encore.

-On n’a pas terminé notre conversation.

-Jaïda, je t’aime vraiment comme une sœur je te jure ! Mais je n’aimerai pas avoir les problèmes ici.

-Fais-moi confiance, je ne dirai rien !

-Tu es sûre ? Tu risques ne pas…

-Sophie ! Sophie ! Je ne suis pas un enfant dis moi et je saurai gérer. Il y a quoi avec Petite Fleur?

-Sache seulement que… Petite Fleur, elle n’est pas notre cousine, nous n’avons aucun lien de parenté.

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