Chapitre 3
Point de vue d’Alexy :
Je suivais Timéa à l'écart. Elle n'était visiblement pas satisfaite que j'avais ramené Anna ici mais je m'en fichais. Une fois loin des oreilles indiscrètes, elle se tourna vers moi avec un faux sourire pour pas que les autres pensent qu'elle me faisait la morale. J'hésitais à lui révéler que tout le monde pouvait lire sur son visage qu'elle était énervée mais je me retins. C'était plus drôle ainsi. Contrairement à elle, moi je savais masquer mes sentiments. Je la toisais donc avec un visage neutre, les lèvres pincées.
« Qu'est-ce qu'il t'a pris de la ramener ici ? Avec ta veste qui plus est ! Tu veux que les gens pensent que notre gang est aussi facile d'accès que le lycée ?»
Voyant que je ne réagissais pas elle croisa les bras sur sa poitrine et expira bruyamment. Je me mis à rire.
« Respire. Elle avait froid donc je lui ai prêté ma veste. C’est tout. »
Mon regard fut attiré par l’intéressée. Anna se tenait parfaitement droite balayant les alentours du regard gênée. Le contraste avec le gang était hilarant.
« Pourquoi tu souris comme ça ?»
Je secouais la tête irrité par Timéa. Je n’avais même plus le droit de me moquer en paix.
« Tu ne penses pas que l’écart de conduite est amusant ? »
Elle regarda Anna à son tour.
« Elle est pareille que tout le monde. »
J'eus un sourire en coin amusé.
« Tu es jalouse ?»
Timéa ne prit même pas la peine de relever tellement ma question l'exaspérait.
« Bon si tu le permets, je vais retourner auprès de ta remplaçante.
-Tu n’as pas intérêt à me remplacer par elle ! »
Je la contournais et rejoignais Anna d'un pas décidé.
« Fais attention Alexy... »
Point de vue d’Abrielle :
Contrairement aux regards des lycéens, les cobras me regardaient avec nettement plus de respect. J’en avais envie de pleurer tellement c’était rassurant. Pourquoi est-ce qu’ils ne pouvaient pas être plus présents au lycée ?
Alexy finit par revenir vers moi et je vis que la rousse n'avait pas l'air heureuse de ma présence. Elle avait dû lui dire à quel point elle n'était pas satisfaite. Je ne voulais pas créer de problèmes à Alexy et je me rendais compte à quel point j’étais une étrangère. Cette famille était si belle mais elle n’était pas la mienne…
Il s'arrêta à quelques centimètres de moi avec un petit sourire. Je désignais la rousse du menton.
« Je puis bien partir si c’est ce que tu souhaites. Je ne désire pas être la cause de tes ennuis... »
Il haussa les sourcils et suivit mon regard avant de rire.
« Ne t'occupe pas de Timéa. Elle aime mettre son nez dans les affaires des autres. »
Timéa était restée un moment à nous fixer avec Alexy. Elle avait fini par rejoindre quelques motards à mon plus grand soulagement.
Un grondement de moteur et des cris attirèrent l'attention de l'assemblée. Des cobras venaient d'arriver visiblement surexcités. Ils sautèrent de leurs motos, attrapèrent à boire et invitèrent les autres à les encercler pour qu'ils leurs racontent quelque chose que je devinais très drôle.
Alexy n’attendit pas pour se rapprocher et je le suivais attirais par la foule.
« Les gars devinez d'où nous venons ! Du bar ! Et devinez qui nous avons croisé là-bas alors que nous buvions ?»
Le motard qui se faisait les questions et les réponses tout seul marqua un silence pour faire monter le suspense. Les cobras criaient des choses insensées morts de rire.
« Babar !
-La reine d'Angleterre !
-Mais non !»
Ils crièrent aussi les noms de personnes que je ne connaissais pas. Le motard finit par leurs faire signe d'écouter après avoir longtemps rit en secouant la tête.
« Le cher Evan était à deux chaises de nous ivre mort !»
L'assemblée rit fort.
« On voulait lui dire bonjour mais on a été devancés ! Devinez par qui !... Par un Goldan ! Mais pas n'importe lequel ! Thibault en personne !»
Les rires se turent et les cobras se mirent à fixer Alexy inquiets. Le narrateur se tut d'un coup en remarquant Alexy. L'amusement avait laissé place à l'appréhension sur son visage. Je tournais ma tête vers Alexy. Son visage était neutre comme s'il n'avait rien ressenti en entendant ce prénom mais j'avais bien vu sa mâchoire se serrer. Il n'était visiblement pas content...
Voyant que tout le monde s'était arrêté et le regardait, Alexy balaya l'assemblée du regard avec lenteur. Il finit par se concentrer sur le narrateur et avança légèrement vers lui. Je fixais sa main ressentant le même sentiment étrange de souvenir qu’auparavant. J’essayais de me concentrer de toutes mes forces sur ce que je ressentais. D’où venait ce souvenir ? Qui était Alexy ? Le connaissais-je ?
« Vous trouvez ça drôle ?»
Personne n'osait bouger. Même ma respiration s'était arrêtée. Quand j'avais vu Liam frapper Mathis, j'avais cru qu'il n'y avait rien de plus effrayant que la manière dont ses yeux étaient devenues sombres et sans émotion. Mais je me trompais.
Soudain Alexy eut un sourire en coin. L'assemblée se remit à respirer.
« Vous avez raison. Il n'y a rien de plus drôle et de pitoyable que les traîtres qui ont peur. Que diriez-vous d'aller leur rendre visite un de ces quatre ?»
Les cobras hurlèrent excités. Alexy sourit satisfait avant de me regarder mort de rire. Il guettait mon visage pour déchiffrer ce que je ressentais. Je lui souris. Il m'avait impressionnée. Je me rappelais la manière dont Jules s’était enfuie à sa vue. Alexy était né pour diriger. J’avais même l’impression qu’il se débrouillait mieux que moi. Etais-je jalouse de lui ? Sans Gaspard j’aurais été la prochaine sur le trône et malgré mon écart j’avais reçu tous les enseignements dans ce but. Me sentais-je mauvaise aux côtés d’Alexy ?
J’étais certes née en tant que princesse mais à part ma naissance avais-je une autre qualification pour devenir reine ? Allais-je vraiment être reine un de ces jours ? Le peuple ne me connaissait pas mais mes parents n’avaient pas eu d’autres enfants. Que se passerait-il s’il leur arrivait quelque chose ? Je me forçais à oublier cela.
Soudain je pensais à Liam. Je n’avais pas pensé à lui depuis des heures et je me demandais même pourquoi il me venait à l’esprit. Je me rappelais soudain ce que j’avais fait. J’avais embrassé Alexy. En y repensant je devins complètement rouge. Qu’est-ce qui m’avait pris ? Ce qu’il s’était passé quelques minutes avant était complètement flou mais je me souvenais que je l’avais attiré à moi. J’avais été aveuglée par la peur et quand j’avais senti quelqu’un à mes côtés je m’étais accrochée à lui de toutes mes forces. Mais de là à l’embrasser… Pourquoi est-ce que j’avais fait ça ?
Je ne devais rien à Liam. Je n’étais pas sa petite amie. Mais je ne pouvais pas m’empêcher de me sentir honteuse. Ces derniers temps je lui en voulais pour certaines de ses erreurs mais cela changeait-il quelque chose à mes sentiments envers lui ? Et quels étaient ces sentiments ? Je voulais du calme pour faire le vide dans mon esprit mais je n’en avais pas eu l’occasion.
J’avais des problèmes beaucoup plus importants à gérer. Penser à Liam m’avait fais du bien me permettant d’oublier mes problèmes pour quelques instants mais je devais le mettre de côté pour le moment.
« Je peux te montrer ta chambre ?»
Je regardais Alexy les yeux ronds.
« Ma chambre ? Comment ça ?»
Il eut un sourire en coin.
« Bah oui ta chambre. À moins que tu préfères dormir sur le parking. »
Je suivais Alexy sans un mot soulagée de pouvoir rester. Je ne me sentais pas en sécurité dans ma chambre et la manière dont les cobras m’avaient regardée avait été tellement mieux que les personnes qui m’harcelaient que je voulais rester en leur compagnie.
Nous traversâmes le parking et nous retrouvâmes devant un petit chalet. Je fronçais les sourcils.
« Je ne savais pas qu'il y avait un chalet ici... »
Alexy sourit à la fois avec tristesse et fierté.
« Normal. Ce chalet a été abandonné et nous l’avons retapé pour avoir où dormir. »
Je fronçais encore plus les sourcils.
« Quand la directrice a su pour les gangs, elle nous a chassés ici. Elle voyait d'un mauvais œil qu'on se mélange avec les autres étudiants. »
Je haussais les sourcils surprise et révoltée. Cela était en complète contradiction avec ce que j’avais vu de Cindy.
« Mais c'est injuste ! Tout le monde devrait être traité de la même manière. C'est du racisme !»
Alexy se mit à rire.
« Tu es adorable Anna... Une vraie enfant naïve.
-Mais je ne comprends pas... Je ne vois pas Cindy capable d'une telle horreur.
-Les humains ne sont pas aussi bons que tu le crois.
-Ou peut-être qu’ils ne sont pas si mauvais que tu le crois, Alexy... »
Il leva les yeux au ciel avant d’entrer dans le chalet.