Chapitre 5
Cassie et moi sommes dans la remise, nous emballons les tableaux adjugés jeudi dernier, afin de les envoyer à leurs nouveaux propriétaires.
Ella : " Au revoir, Amour Passionné de Skanska. C'est comme ça que je l'ai baptisé, à force de le regarder. " dis-je avec amertume.
Cassie : " Tu es farfelue quand tu as le temps... Tu n'as pas fini d'être déçue, car dès que ton Skanska envoie des dessins, tu peux être sûr qu'il va en vendre..."
Ella : " C'est ce que m'a dit Max... j'ai toujours les graffitis près de chez moi, pour me remonter le moral. "
Cassie : " Et si un jour, la mairie décide de les effacer? "
Ella : " J'ai mes photos! Je suis prévoyante..."
Cassie : " Tu les a pris en photos? Tu me les montre? "
Ella : " Je ne montre jamais mes photos. " dis-je naturellement.
Cassie : " À quoi ça sert alors de faire des photos, si tu ne les partages pas? "
Ella : " Ce n'est pas un travail. Ce sont juste des archives personnelles. Je ne prétends pas avoir un regard particulier sur quoique ce soit. Je photographie juste ce que j'aime et qui m'émeut. "
Cassie : " Ouais... je n'ai aucun talent artistique... J'aime juste regarder et peut-être juger le travail des autres... " dit-elle, amusée. " J'ai cru à un moment que j'avais le don du chant... ça a durée six mois... quand mes parents m'ont suppliés d'arrêter et je les ai écoutés. "
J'éclate de rire, en écoutant son anecdote, tout en continuant à emballer les tableaux.
Ella : " Comment en es-tu arrivé à travailler ici? "
Cassie : " Je me suis un peu chercher... J'ai été fleuriste dans la boutique de ma mère... J'ai un temps travaillée dans l'événementiel, puis j'ai été guide touristique en Écosse. Je ne restais pas plus de six mois au même endroit. Et puis, j'ai repris mes études, j'ai fait une licence en art appliqué et j'ai postulée ici pour parfaire un mémoire que je devais rendre et Max m'a gardé. Maintenant ça fait un an. Et toi? Comment as-tu atterrit ici? "
Ella : " Ce n'est rien d'aussi original que toi... Je suis sortie du lycée, je me suis inscrite aux beaux-arts après une licence à la fac de Bristol. À la fin de mes études, j'ai envoyée des cv un peu partout à Londres car je voulais changer d'air. "
Cassie : " Rupture amoureuse? C'est souvent comme ça... "
Ella : " Disons, que la personne avec qui j'étais ne se souciait pas vraiment de moi, alors je me suis dit : autant tout recommencer, toute seule. Depuis ce jour, je ne fais que des choses pour moi, qui me font plaisir, et c'est vraiment libérateur. "
Cassie : " Tu as entièrement raison! C'est le seule moment dans nos vies où l'on peut avoir le droit d'être égoïste. On n'est ni marié, ni mère... je n'ai même pas de neveu ou nièce... Je gagne mon propre argent et j'en fait ce que je veux! Rien ne vaut l'indépendance! "
Ella : " Si tu le dit. " Je regarde l'heure sur mon portable et remarque qu'il est déjà 11h30. " On commande à la trattoria ce midi, tu veux quoi? "
Ses yeux s'illuminent instantanément et elle me sourit généreusement.
Cassie : " La même chose que la dernière fois! J'ai déjà le goût de cette soupe sur mon palet! "
Ella : " Ok, ok, ok... je vais voir Max et je passe commande. " dis-je en sortant de l'arrière salle.
Quand je rejoins Max dans la galerie, il discute avec les ouvriers. Il s'approche de moi et m'apercevant.
Ella : " Je viens à toi pour prendre a commande. Que souhaites-tu manger? "
Max : " Le petit traiteur italien? La pizza que tu as mangé la dernière fois avait l'air délicieuse. "
Ella : " C'était de la foccacia... tu voudras un truc à boire, avec ça? "
Max : " Hummm... Une eau pétillante. "
Ella : " Ok, c'est noté. Je les appelle tout de suite. "
Max : " Merci, Ella. " dit-il avant de retourné à ses affaires.
...
J'attends que la première tonalité du téléphone se fasse entendre, au bout de deux sonneries, j'entends la voix sensuel d'Adrian qui répond.
Ella : " Salut, Adrian, c'est Ella. Désolé de t'appeler aussi tard mais je voulais juste savoir si c'était toujours possible de commander pour ce midi ? "
Adrian : " Tu as de la chance, ce n'est pas encore la cohue. Qu'est-ce-qui te ferais plaisir? Aujourd'hui, nous avons des aubergines au parmesan, des lasagnes et des pennes au gorgonzola en plat du jour. "
Ella : " Tu as toujours de la soupe? Et de la foccacia? "
Adrian : " Oui pour la soupe, mais malheureusement la foccacia c'était uniquement la semaine dernière. On essaye de changer souvent la carte avec des produits de saison. "
Ella : " Oh... Alors, deux soupes, une part de lasagne et j'ai envie de goûter aux aubergines."
Je l'entends noter quelques chose sur un clavier.
Adrian : " C'est noté. Tu prendras des boisons? "
Ella : " Deux eaux pétillantes et un coca light. "
Adrian : " Ce sera à la galerie dans une demi-heure. "
Ella : " Parfait. Merci. "
Adrian : " De rien. " dit-il avant de raccrocher.
Je ne sais pas, mais dès qu'il parle de nourriture, j'ai l'impression qu'il est entrain de me faire une proposition indécente. J'aime entendre les accents suaves de sa voix, elle si envoûtante...
...
Alors que je finis de signer le plis qu'un coursier m'a ramené, je vois un scooter noir se garer devant la rue. Je comprends quand il prend des sac en papier à l'arrière de son deux roues, que c'est le livreur qu'Adrian à dû m'envoyer. Il passe la porte et pose ma commande sur la table, avant de retirer son casque. Je manque une respiration quand je constate que c'est Adrian, lui-même qui est devant moi.
Ella : " Je ne pensais pas que ce serai toi qui me livrerai... " dis- je en fronçant les sourcils. " En réalité, tu n'as pas de service de livraison, c'est encore une fleur que tu me fais? "
Il me sourit timidement et plonge son regard bleu dans le mien.
Adrian : " Serais-je trop direct, si je te disais qu'il y a quelque chose en toi, qui fait que je ne peux rien te refuser... " À l'écoute de ses mots, je ne peux plus cacher mon trouble. Je regarde mes pieds, pour l'empêcher de lire à travers moi. Constatant mon malaise, il ouvre le sac devant moi, ignorant ma réaction. "Il y a tout ce que tu m'as demandé. Ça fera 40£. "
Ella : " Oui, attend... " dis-je en prenant mon sac et en sortant mon portefeuille.
Je vois qu'il est déçu car je n'ai pas relevé sa déclaration. Je lui tend les billets et rajoute 5£ de pourboire.
Adrian : " Non, ce n'est pas la peine. " dit-il presque blessé. Il me rend mon billet et range le prix de ma commande dans sa poche. " Bon... ben, à bientôt..." dit-il, d 'une voix éteinte.
Alors qu'il va pousser la porte...
Ella : " Adrian! " cria-ai-je si abruptement, que je suis moi-même surprise. Il se retourne et m'observe avec étonnement. " Je... Tu... Je te suis redevable. Ça fait trois fois que tu me nourris et j'ai l'impression de profiter de la situation car tout ce que tu me fais manger est fabuleux... et vraiment pas chère... Pour rétablir l'équilibre, je me dois de te faire goûter un truc à moi. " dis-je rapidement.
Il fronce les sourcils et son sourire énigmatique réapparait.
Adrian : " C'est une invitation à dîner? "
Ella : " C'est peut-être trop directe... je suis désolée... " dis-je, troublée.
Adrian : " Non! J'accepte. Dis-moi quel jour et à quelle heure. Je me libérerai. Tu as mon numéro. Celui que je t'ai donné, c'est mon téléphone personnel. " dit-il avant de partir dans la rue.
Je le regarde mettre son casque, monter sur son scooter et démarrer pour partir vers la trattoria. Quand je ne le voit plus, je me rends compte de l'audace que je viens d'avoir. Je n'ai jamais invité qui que ce soit dans mon nouvel appartement et encore moins un homme que je connais à peine! Je déroge à toutes les règles que je me suis fixée, et cela en un temps record! Surtout que je viens d'inviter un connaisseur et que mes pré-dispositions en cuisine sont limités.
Carrie : " C'était qui ce mec? " dit-elle, en arrivant à ma hauteur.
Ella : " Le livreur. " dis-je, vaguement.
Carrie : " Si en plus, ils nous envoie des canons... ce resto, va devenir ma cantine préférée. " dit-elle en ouvrant le sac en papier.