Chapitre 3 : Je devrais t’épouser
Une fois changée, Violette sort de la cabine d’essayage et regarde à nouveau vers la cabine d’essayage de gauche, dont la porte est bien fermée.
— Ça vous va bien.
La vendeuse a bon goût. En fait, en regardant une cliente, elle peut choisir la robe qui lui convient. Violette porte une longue robe bleu clair qui fait ressortir la clarté de sa peau. Le laçage autour de la taille souligne sa taille fine. Elle est un peu trop mince mais a un visage délicat.
Voyant que la robe lui va bien, Gautier va la payer. A ce moment-là, il se rend compte que cette robe coûte plus de trois mille euros. Mais pensant qu’elle va rencontrer la famille Chéron, il serre ses dents et la paie tout de même. Il dit froidement :
— Allons-y.
Violette connaissait déjà sa dureté, mais cette froideur lui serre encore le cœur.
Elle le suit dans la voiture, la tête basse.
La voiture s’arrête peu après devant le portail de la villa de la famille Lemaître.
Le chauffeur ouvre la portière à Gautier. Ce dernier se baisse pour descendre de la voiture, suivi de Violette.
Debout devant la villa, elle est perdue dans ses pensées pendant quelques secondes. Alors que sa mère et elle vivaient une vie pire que la mort à cause de l’autisme de son frère, son père et sa maîtresse vivaient heureux dans cette magnifique villa et profitaient de la vie.
Elle ne peut s’empêcher de serrer ses mains.
— Qu’est-ce que tu planté là-bas ?
Se rendant compte qu’elle ne le suit pas, Gautier jette un coup d’œil derrière et la voit figée devant le portail.
Violette se dépêche de le suivre. Ayant appris par la bonne de la famille que les Chéron ne sont pas encore arrivés, Gautier demande à Violette d’attendre dans le salon.
Dans le salon, devant la porte-fenêtre, se trouve un piano de la marque Seiler. Fabriqué en Allemagne et très coûteux, il a été acheté par sa mère pour son cinquième anniversaire.
Violette aimait cet instrument depuis toute petite. Elle a commencé à apprendre le piano à l’âge de quatre ans et demi, mais ne l’a plus retouché depuis son départ.
Elle ne peut s’empêcher de mettre sa main dessus. C’est familier et enthousiasmant.
Elle pose son index sur une touche et la pousse doucement. Tout d’un coup, un son joli et clair se fait entendre. Ses doigts sont devenus beaucoup plus raides parce qu’elle n’a pas joué depuis longtemps.
— C’est le mien, qui t’a permis de le toucher ?
Une voix claire, teintée de colère, résonne derrière elle.
Le sien ?
Violette se retourne et voit Judith Lemaître derrière elle, furieuse. Elle se souvient que cette dernière a un an de moins qu’elle. Judith a dix-sept ans cette année. Elle est jolie, héritant du physique de Morgane Picard.
Mais actuellement, Judith a l’air un peu agressive, les dents serrées et un regard agacé.
— Le tien ?
Morgane et Judith ont brisé le mariage de Jeannine et ont utilisé l’argent de cette dernière. Maintenant, même le cadeau de Jeannine pour Violette est à Judith ?
Violette serre lentement les poings, se disant sans cesse de ne pas être impulsive et de ne pas s’énerver. Pour le moment, elle n’est pas en mesure de reprendre ce qui lui appartient.
Elle doit le supporter !
Elle n’est plus la petite fille qui a été envoyée par son père il y a huit ans et qui ne faisait que pleurer. Maintenant, elle est adulte !
— Toi... tu es Violette ?
Judith comprend enfin la situation. Aujourd’hui, c’est le jour de la visite des Chéron. Son père a ramené Violette et sa mère à la maison.
Judith se souvient de la façon pitoyable dont Violette est tombée à genoux et a serré la jambe de Gautier. Quand il les a envoyés à l’étranger, cette dernière l’a supplié de ne pas la faire partir.
— Tu es très contente d’avoir été ramenée par papa, n’est-ce pas ?
Judith la regarde avec mépris, les bras croisés.
— Ne sois pas arrogante. Il t’a récupérée pour te marier à M. Chéron. J’ai entendu dire que cet homme...
Ensuite, Judith ricane en se couvrant la bouche.
Elle ne peut s’empêcher de jubiler à l’idée que Violette épousera un homme impuissant et incapable de marcher.
Le mariage est un événement majeur. Si elle se marie avec un tel homme, sa vie sera complètement ruinée.
Violette fronce les sourcils.
A ce moment-là, la bonne arrive.
— Les Chéron sont là.
Gautier les accueille en personne à la porte.
Violette se retourne et voit arriver un homme en fauteuil roulant. Ce dernier est très beau avec un visage bien dessiné. Même dans son fauteuil roulant, il ne laisse personne se moquer de lui.
Cet homme ? N’est-il pas l’homme qu’elle a vu flirter avec une femme dans la cabine d’essayage ?
Il est en fait le jeune maître de la famille Chéron !
Mais dans la cabine d’essayage, elle l’a clairement vu capable de se tenir debout, avec son bras autour de la femme. Et ses jambes étaient tout à fait normales.
Qu’est-ce qui se passe ?
Elle ne comprend pas pourquoi cet homme fait semblant d’être infirme. A ce moment-là, Gautier l’appelle.
— Violette, viens par ici, c’est M. Chéron.
Gautier hausse les épaules. D’une manière flatteuse, il courbe le dos et sourit.
— M. Chéron, voici Violette.
Gautier se lamente que le jeune maître de la famille Chéron, malgré toute sa beauté, soit devenu handicapé.
Jonathan pose son regard sur Violette, qui semble jeune, trop maigre et un peu mal nourrie. Il fronce ses sourcils.
C’est un mariage arrangé par sa mère. Et comme elle est morte, il ne peut pas, en tant que fils, rompre les fiançailles. C’est pourquoi, après avoir été mordu par un serpent venimeux lors d’un accident à l’étranger, il a annoncé qu’il n’était pas guéri, qu’il était handicapé et qu’il ne pouvait pas remplir son devoir conjugal, juste pour que la famille Lemaître puisse rompre cet engagement.
Il ne s’attendait pas à ce que la famille Lemaître ne le fasse pas.
Jonathan ne dit rien et prend un air sombre. Gautier, pensant qu’il n’est pas content, lui explique très vite :
— Elle est encore très jeune. Elle vient d’avoir dix-huit ans. Elle sera une beauté quand elle sera plus grande.
Jonathan ricane. Il ne voit pas la beauté, mais sent quelque chose de bizarre : Gautier veut lui marier sa fille malgré son « handicap ».
Il a un regard froid et un sourire au coin.
— Quand je suis allé à l’étranger pour des affaires, j’ai été blessé par accident. A cause de mes jambes blessées, je ne peux plus marcher et remplir le devoir conjugal...
— Ça ne me dérange pas, répond immédiatement Violette.
Gautier lui a promis de lui rendre la dot de sa mère après son mariage avec M. Chéron. Même si elle entre un jour dans la famille Chéron et divorce avec lui le lendemain, elle doit maintenant dire oui.
Pendant ce temps, Violette a compris tout ce qui se passait. Evidemment, il peut se tenir debout. Mais quand il est arrivé chez les Lemaître, il est venu en fauteuil roulant. C’est probablement en raison de cette femme qu’il ne voulait pas tenir sa promesse et qu’il souhaitait que la famille Lemaître rompe les fiançailles. Donc il a fait semblant d’être handicapé.
Mais il n’attendait pas que Gautier soit prêt à la sacrifier, elle, sa fille peu aimée, pour tenir la promesse.
Jonathan la regarde fixement, les yeux plissés.
Violette a des frissons dans le dos à cause de ce regard. Elle a le cœur serré. Comment aurait-elle pu vouloir se marier avec M. Chéron ?
Mais si elle n’avait pas accepté, comment aurait-elle pu retourner dans son pays ? Et comment pourrait-elle récupérer ce qu’elle a perdu ?
Elle retrousse ses lèvres en un sourire. Personne ne comprend sa douleur.
— Nous nous sommes fiancés quand nous étions enfants. Quoi qu’il arrive, je devrais t’épouser.
Le regard de Jonathan devient plus sombre. Cette femme est vraiment douée pour parler.
Gautier ne voit rien d’anormal non plus et demande timidement :
— La date du mariage...
Le visage de Jonathan change brusquement d’expression. Mais il se calme immédiatement.
— Comme convenu, bien sûr. C’est un accord de longue date entre les deux familles. Comment pouvons-nous le rompre ?
Violette baisse les yeux et cache ses émotions, n’osant pas le regarder. De toute évidence, il n’est pas content de ce mariage non plus.
Il accepte maintenant seulement à cause de la promesse.
— C’est bien comme ça.
Gautier est très heureux. En effet, c’est une bonne affaire de se lier à la famille Chéron en sacrifiant une fille médiocre.
Les Lemaître sont riche. Mais par rapport aux Chéron, ils sont modestes, voire négligeables.
Il est impossible de se comparer avec eux !
Gautier se penche et parle à voix basse :
— Je leur ai demandé de préparer le dîner. Restez ici et profitez-en avant de partir.
Jonathan fronce ses sourcils. Une attitude aussi flatteuse le dégoûte.
— Non, merci. J’ai des choses à faire, refuse Jonathan.
Paul Plessis le pousse vers la sortie. En passant devant Violette, Jonathan lève la main, faisant signe à Paul de s’arrêter et disant :
— Mlle Lemaître, êtes-vous disponible ?