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3

Assis sur son grand fauteuil en cuir, le Dr Copri réajuste sa position pour s'approchant imperceptiblement de moi. Son bureau nous sépare mais j'ai déjà l'impression qu'il envahit tout mon espace.

-J'ai eu beaucoup de peine en apprenant le décès de vos parents. Clémence était un membre important de notre communauté et nous garderons précieusement son souvenir dans nos mémoires. Cependant, je n'ai aucune idée de ce qui a pu lui arriver. Naturalliance est une structure paramédicale qui aide ses membres à surmonter leurs troubles en leur apportant des remèdes issus de la nature ainsi qu'un soutien psychologique. Je ne peux pas vous dévoiler la démarche de votre mère puisque je suis tenu au secret médical mais si jamais je peux vous être utile autrement, je serais ravi de vous venir en aide.

Mon interlocuteur se montre cordial mais ferme. Un silence s'installe durant lequel je soutiens son regard déterminé mais il ne me concède aucune information. Je décide alors de tenter une autre approche.

-Je me suis beaucoup renseignée sur votre centre. Je vous avoue que j'ai d'abord été surprise de découvrir l'engagement de ma mère puisque je n'avais jamais entendu parler de vous mais j'ai rapidement compris. Ma mère a trouvé auprès de vous un apaisement qu'elle n'avait jamais trouvé ailleurs. J'ai assisté à toutes ses crises d'angoisse. J'étais là les jours où elle s'enfermait dans le noir, se recroquevillant sur elle-même pour fuir ses propres démons. Je l'ai entendue des milliers de fois me dire qu'elle n'y arriverait pas. Mais elle était persuadée que tous nos remèdes se trouvaient dans la nature, alors j'espère vraiment qu'elle a trouvé ce qu'elle était venue chercher ici.

-Effectivement, votre maman a été touchée par notre engagement et la prise en charge que nous lui avons offerte lui a été très bénéfique. Vous semblez avoir été proche d'elle... ?

-Oui, j'ai toujours eu une relation très forte avec mes parents. Notre famille était très soudée et nous partagions tout ensemble, lui confié-je, émue.

-Avez-vous, comme votre mère, déjà ressenti le besoin de vous évader pour mieux vous retrouver ? Vous sentez-vous totalement comblée par votre vie ou êtes-vous souvent en proie à des doutes profondément ancrés ?

Je me sens soudain si vulnérable, comme si le Dr Copri était aux commandes d'un microscope capable de disséquer mes émotions les plus intimes. L'intensité que je lis dans ses iris me retient captive et je bafouille.

-Euh... je... mais... je... je préférerais parler de ma mère si ça ne vous dérange pas.

-Vous savez Mlle Pazzi, atteindre le bien-être est un cheminement complexe qui dnde une bonne dose de courage. Il faut accepter de faire face à ce qui nous ronge et se montrer plus fort que nos peurs. Chez Naturalliance, nous sommes là pour vous aider dans votre quête. Avec nous, votre mère a trouvé une oasis apaisante. Pourquoi pas vous ?

-Vous... vous êtes en train de me proposer une prise en charge ?

-Oui.

Sa réponse me laisse sans voix. Ma première réaction est de lui dire qu'il est fou, que je ne me laisserai jamais avoir par ses divagations et que je suis persuadée que son centre cache quelque chose. Mais l'idée d'infiltrer cette structure s'impose soudainement à moi. Il m'offre une opportunité en or de découvrir ce que trafique cette bande de babas-cool et je ne peux pas la décliner. Je dois le faire pour mes parents.

-Je ne sais pas quoi vous dire. Je n'aime pas vraiment parler de moi, c'est quelque chose que... que je ne sais pas faire.

-Je peux vous offrir une parenthèse, un monde rien qu'à vous où vous pourrez vous faire la paix avec vous-même et vous appuyer sur la nature pour exorciser ce que vous semblez retenir.

Même si je feins de m'intéresser à sa proposition, je suis tout de même choquée par sa perspicacité. Il ne fait aucun doute que cet homme sait cerner ses semblables, reste maintenant à découvrir ce qu'il fait de ce don.

-Pouvez-vous m'expliquer en quoi consiste votre prise en charge ?

-Bien sûr. Tout d'abord, vous rencontrerez un conseiller qui vous écoutera et vous proposera un groupe de parole ou un parrainage, comme vous le souhaitez. Nous cernerons les axes que vous souhaitez apaiser. Notre personnel sera présent pour répondre à vos sollicitations et vous aurez à votre disposition tous nos remèdes paramédicaux. Vous êtes le maitre de votre cheminement, nous ne sommes là que pour vous apporter notre soutien.

-Et quel est le coût d'une telle prise en charge ?

-Nous dndons une participation anecdotique de 50€ lors de votre inscription. Ensuite, selon les méthodes de travail que vous choisirez, nous vous tiendrons informée des éventuels frais supplémentaires. Sachez que nous vivons principalement grâce aux dons de nos membres actifs qui vouent leur temps libre à la prospérité de notre centre.

Le Dr Copri assoit ses mots avec détermination. Sans attendre, je lui fais part de mon accord et il me dnde de le suivre à l'accueil pour remplir un formulaire d'inscription. La femme rousse se déride lorsqu'elle me voit prendre part à leurs élucubrations et m'offre même un vrai sourire quand je lui tends un chèque. Avant de mettre fin à notre entretien, le cinquantenaire m'introduit à un groupe d'hommes et de femmes assez éclectiques, assis dans une petite pièce aux murs recouverts de végétation. Le leader du groupe se présente comme étant le conseiller référant qui préside ce groupe de parole. Avec réticence, je m'installe à ses côtés mais je garde le silence. J'observe les personnes autour de moi, l'adoration qu'ils semblent vouer à ce centre et les croyances qu'ils partagent. Ils ne jurent que par les séances d'hypnose et les tisanes calmantes. Ils communiquent ouvertement, n'ayant aucune gêne à confier leurs démons.

Un homme à ma gauche explique à quel point il a du mal à gérer ses crises d'angoisse lorsqu'il se retrouve mêlé à la foule. Une femme aux cheveux blonds comme les blés lui conseille des exercices de respiration. Un trentenaire plutôt timoré confesse dans un souffle que ses tocs lui rendent la vie impossible. Le leader s'approche pour lui proposer en aparté une séance de persuasion mentale en pleine nature. Et moi je me dnde ce que je fous au milieu de ces illuminés.

Je pense à ma mère et je me dnde comment elle a pu se laisser embobiner par leurs conneries. D'accord, elle a toujours poursuivi ses idéaux avec passion mais je ne la pensais pas si naïve. Quelque part, un mythe s'effondre. A la fin de la séance, le leader m'apostrophe alors je pensais pouvoir m'échapper bien tranquillement.

-... je peux vous appeler ? Je hoche la tête en silence. Très bien . Tout d'abord, je vous remercie d'avoir assisté à notre séance du jour. J'espère que vous vous êtes sentie à l'aise et que cela vous aura donné envie d'entamer votre propre processus.

N'obtenant aucune réponse de ma part, mon interlocuteur continue son laïus.

-Je m'appelle Jason et si vous l'acceptez, je serai votre conseiller référant. Je vous propose qu'on se revoie en tête à tête dans les prochains jours pour faire un premier bilan de votre état de bien-être. Nous pourrons alors définir votre processus de guérison et commencer à travailler ensemble.

Je n'aime aucun des mots qu'il a employés ni aucun des mots qu'il a délibérément omis d'employer. Je n'aime pas ce discours abstrait qui ne me laisse pas d'autre choix que de lui faire confiance. Et pourtant je souris. Je lui dis que je serai disponible din et je fais semblant d'être pressée de commencer le processus. Lorsque je quitte le centre, il est presque dix-huit heures. Bloquée dans les bouchons du centre-ville, je rejoue tout ce que j'ai enregistré aujourd'hui. Il ne fait maintenant plus aucun doute que sous ses airs altruistes, Naturalliance n'est pas blanc comme neige. J'anticipe déjà mon entretien du lendin où je n'aurais pas le droit à l'erreur. Je serai seule, en face d'un leader d'une quarantaine d'année qui aura pour mission de me percer à jour et de faire remonter à la surface toutes mes insécurités pour m'aider à les conjurer. Enfin... reste à voir s'il ne voudra pas manipuler mes faiblesses pour me garder sous son joug. Je n'exclue aucune hypothèse.

Ma voiture file au rythme de mes pensées, incertaines et nébuleuses. Pour les faire taire, je dessine le visage de dans mon esprit. J'esquisse ses trais fins et lumineux, je saupoudre quelques taches de rousseurs timides et je crayonne ses cheveux en bataille et sa barbe brune. Et petit à petit, je me calme.

Ce soir, j'ai envie de m'emmitoufler dans ses grands bras. J'ai envie de me rouler en boule tout contre lui et d'écouter les battements paisibles de son cœur. J'ai envie de me laisser aller à mes envies et de découvrir où cela me mènera. J'ai envie de mêler nos lèvres et de lui confier silencieusement mes peurs. J'ai simplement envie de me libérer de ce fardeau secret que je m'impose en feignant de n'être que son amie.

J'atteins sa maison avec un mélange d'appréhension et d'impatience logé au creux de mon ventre. Je crois que ce soir, tout va changer. Suis-je enfin prête ? Je n'ai pas le temps de me torturer l'esprit plus longtemps que je rrque déjà une petite citadine rouge parquée près du portail. Je ne sais pas pourquoi mais je sens que cela n'augure rien de bon. Je pénètre dans la maison, méfiante puis je m'empresse de suivre le chemin des murmures que j'entends en provenance du jardin.

Je me fige lorsque j'aperçois, à travers la baie vitrée, enlacer Laura et lui caresser les cheveux. Je vois son visage se poser délicatement sur le haut de son crâne et ses yeux se fermer. La jeune femme s'accroche à son t-shirt en plongeant le nez dans son cou, les paupières closes. Leurs respirations se synchronisent. Les lèvres de gesticulent, celles de Laura s'étirent vers le haut. Et soudain, dans un hurlement silencieux, j'entends mon cœur s'étaler à mes pieds. Mes doigts s'accrochent à ma poitrine mais c'est trop tard. Je remballe ma témérité, je la range à côté de mes faux espoirs et je quitte le salon. Il me semble qu'ils perçoivent enfin ma présence mais j'ai déjà filé à l'étage. Le poids qui écrase mon cœur se fait si lourd que je peine à respirer correctement mais je refuse de me montrer faible. a joué avec moi, j'ai perdu, fin de l'histoire.

Je m'installe sur mon lit à plat-ventre, un carnet étalé devant moi et je griffonne tout ce dont je me rappelle de ma visite chez Naturalliance. Mes mots s'échappent dans le désordre mais je m'en fiche. Je veux seulement garder une trace de mon périple pour pouvoir prendre du recul et témoigner de mon cheminement dans l'hypothèse où cette histoire finirait mal.

Les mots s'entassent, les minutes aussi. Les phrases deviennent, le temps fuit. Puis j'entends la porte d'entrée claquer et un moteur ronronner. Et je devine que Laura est partie et que va bientôt me rejoindre. Parce que c'est ce qu'il fait toujours, n'est-ce pas ? Il jongle entre nous et de ses petits gestes tendres, il s'assure que je reste bien dans les parages.

Je souris tristement en entendant ses pas dans l'escalier. Il toque à ma porte mais n'attend pas mon accord pour entrer. Je ne me redresse pas pour l'accueillir. Je fais mine de continuer à écrire, lui tournant farouchement le dos.

-T'étais où aujourd'hui ?

-Ca ne te regarde pas.

Boum. Je ne savais pas qu'un silence pouvait être si lourd.

-Tu fais la gueule ?

Silence.

-Em', je te parle.

Silence.

-T'es énervée parce que Laura était là ?

Son ton se fait dur. Le mien inexistant.

-Putain mais arrête tes gamineries ! explose-t-il me tirant le bras pour que je le regarde.

Je n'ai aucune envie de lui faire face et de lui offrir une nouvelle opportunité de se jouer de ma vulnérabilité mais lorsque je pose mes yeux sur son visage, je ne vois que sa tristesse. Elle m'étouffe. Elle m'oppresse. Elle est partout. Au fond de ses iris, le long de ses lèvres pincées, dans les grains de sa peau tannée, à travers ses mèches folles. Partout. Au fond de mes iris, le long de mes lèvres sèches, dans les grains de ma peau abimée, à travers mes mèches emmêlées. Partout. Et je n'en veux pas mais je n'ai pas d'autre choix que de la laisser m'envahir.

-Qu'est-ce qu'elle foutait là ?

J'aurais dû lui dnder pourquoi il est si triste. J'aurais dû ravaler mon aigreur et lui prendre la main mais comme d'habitude, j'ai laissé ma colère exploser pour cacher ma peine. Parce que la vérité, c'est que j'ai beaucoup trop peur de lui ouvrir mon cœur si tout ce qu'il veut c'est l'arracher pour le piétiner à sa guise.

-C'est chez moi ici et j'invite qui je veux. Si tu n'es pas contente, le porte est ouverte. Je ne te retiens pas.

Son visage est froid, dur comme la pierre. Il fait d'abord claquer la porte de ma chambre puis la portière de sa voiture pour filer à toute allure sur la route sinueuse. Et moi, je reste comme une conne sur mon lit, à me dnder comment nous avons pu en arriver là.

La nuit tombe comme un couperet sur la maison, je m'accroche à ma colère pour ne pas faillir. Quand Enzo rentre un peu plus tard, je l'écoute me raconter ses folies en ne pipant mot de ce qui vient de se produire. Je remonte dans ma chambre sans avoir mangé grand-chose et je sors ma valise. J'entasse mes vêtements, je fourre mes affaires, je jette tout ce que je trouve dans des sacs. Et je m'endors le cœur lourd.

La pluie s'écrase contre ma fenêtre lorsque je me réveille. Je me redresse, mes yeux se posent sur ma valise et mes trois sacs. L'étau se resserre dans ma poitrine mais je ne m'attarde pas, je gagne la salle de bain. Une fois prête, j'attrape une partie de mes bagages et je les descends pour les poser à côté de la porte d'entrée. J'entends qui s'affaire en cuisine puis le silence se fait. Je me retourne, il se tient dans l'embrasure de la porte, son épaule appuyée contre le bois, les bras croisés sur sa poitrine. Il emplit déjà tout l'espace mais je ne veux pas le laisser faire. Je m'apprête à remonter pour récupérer mes dernière affaires lorsque sa main s'enroule délicatement autour de mon poignet. Son toucher me brûle et me glace.

-Arrête Em', j'ai été con hier. Je n'aurais pas dû te dire ces bêtises. Viens, s'il te plait.

Sa voix cascade sur du velours dans lequel il m'enroule avec soin. Il fait glisser ses doigts jusqu'à les emmailloter avec les miens et nous dirige vers le salon. Sur la table basse sont disposés une tasse de thé fumant, une petite brioche au sucre, une coupelle de fruits coupés et une part de brownie aux noisettes. Et il ne faut qu'une minuscule seconde à ma colère pour s'évaporer, se volatilisant dans les airs pour s'enfuir loin de nous. Soulagée, je serre timidement la main de . Deux fois. Il exhale longuement et file en cuisine chercher son verre de jus de pomme et ses céréales trempées. Quand il me rejoint, nous nous installons sur le canapé, devant les dessins animés.

Je croque dans la brioche et huuuuuumputaindebonsangqu'elleestbonne ! rit lorsqu'il m'entend grogner de plaisir, la bouche pleine. Il a choisi exactement tout ce que j'aime pour se faire pardonner. J'ai presque envie de provoquer une nouvelle dispute ce soir pour avoir à nouveau droit à ces merveilles din matin !

Sans crier gare, sa main se pose délicatement sur ma joue. Ma peau picote sous ses doigts et j'arrête brutalement de mâcher.

-Laura m'a encore appelé hier. Elle n'allait pas bien, elle... elle a beaucoup de mal à accepter notre séparation. Elle m'aime encore, peut-être même plus qu'au premier jour. Et ça me tue de la voir souffrir parce que je tiens à elle, mais plus de la même manière. Je... je ne peux pas la laisser tomber, tu comprends ?

Je hoche la tête, fébrile.

-Je ne ressens plus rien pour elle à part beaucoup d'affection. Mais je me dois d'être son ami et de l'aider à mon tour. Par contre, je ne veux pas que tu te fasses de fausses idées.

-D'accord, parviens-je à bafouiller maladroitement.

Et de nouveau, il ne faut qu'une minuscule seconde à mes inquiétudes pour rejoindre ma colère, loin loin loin loin loin loin. Nous finissons notre petit-déjeuner devant Titeuf et ses amis mais mon esprit se surprend à rêvasser de l'impossible avec le garçon à mes côtés. Immédiatement, je me vois tomber pour lui et ne jamais me relever. Je vois mes sentiments m'étouffer et me livrer à moi-même. Et je panique et je me blinde.

ne rrque rien de mon petit manège si bien que lorsqu'il termine son verre, il s'éclipse tranquillement, me laissant seule avec mon téléphone qui sonne.

-Allo ?

La voix de Jamie me sort de ma bulle.

- t'es dispo cette après-midi ? On pourrait se voir et se faire un plan baignade entre filles. Tu pourrais même inviter Sophia, t'en penses quoi ?

-Super idée mais j'ai un rendez-vous à 15h et je ne sais pas combien de temps ça va durer. Une prochaine fois ?

-Oh...

-Qu'est-ce qu'il y a Jamie ?

-Rien, rien. Tu... tu pourrais me filer le numéro de Sophia ? J'aimerais lui dnder un truc.

-Pourquoi ? T'es bizarre en ce moment.

-Mais non ! Allez, file moi son numéro vilaine fille.

Je m'esclaffe mais lui promets de lui l'envoyer par texto. Je me dirige vers la cuisine pour débarrasser mon plateau lorsque je rrque que mes bagages ont disparu dans l'entrée. Je grimpe les escaliers et tombe nez à nez avec qui sort de ma chambre.

-Qu'as-tu fait de mes affaires ?

-Je les remises à leur place. Et ne t'avises plus de les déloger !

-Et toi, ne t'avises plus de me donner des raisons de les déloger !

-Promis poupée.

-Arrête de m'appeler poupée !

-Dans tes rêves, poupée. Bon, il faut que je me mette au boulot. J'ai des tatouages qui m'attendent !

Et sur ces belles paroles, il disparait. Dans ma chambre, je découvre qu'il a remis tous mes vêtements dans ma penderie. Mes carnets sont éparpillés sur mon bureau et mes rares produits de beauté ont retrouvé leur place dans la salle de bain. Seule au milieu de la pièce, je me mets soudainement à piailler comme une gamine de 15 ans. Ridicule.

La pluie qui s'est faite si rare ces dernières sines semble décidée à nous tenir compagnie pour la journée. Les bras chargés de dossiers, je rejoins installé sur la table du salon. Quand il m'entend arriver, il rassemble les papiers éparpillés autour de lui pour me faire de la place. Ses dessins me subjuguent. Je ne peux détourner mon regard de ses feuilles crayonnées, de ces bouts d'histoires inconnues mais si émouvantes. Voir mon ami se concentrer sur les traits de ses crayons pour faire exploser son art sous ses doigts m'ensorcelle. Je passe un long moment près de lui, à remplir des dossiers de succession et un tas de paperasse ennuyeuse. Régulièrement, je jette un coup d'œil à ma gauche pour reluquer ses mains assurées et son front plissé. Et puis je souris, tout simplement heureuse de partager ce moment avec celui qui tient une place démesurée dans mon cœur.

Rapidement, je rrque que focalise toute son attention sur une seule et même pièce, absolument gigantesque puisqu'elle s'étale sur plus de quatre feuilles. Il m'explique qu'un homme d'une cinquantaine d'années est venu à sa rencontre afin de trouver une solution pour recouvrir une énorme tache de naissance qui s'étend du haut de sa cuisse jusqu'à sa cheville. Pour certains, n'est qu'un tatoueur. Pour moi, il est un magicien de l'âme.

Ce n'est qu'en début d'après-midi qu'il lâche ses crayons, lorsqu'il réalise qu'il est en retard. Il file rejoindre son client et me laisse me préparer seule au rendez-vous dont je ne lui ai pas parlé. Cette nuit, j'ai décidé d'un plan d'action avec Jason, le leader du groupe de parole de Naturalliance. Je vais jouer sur les faiblesses de ma mère pour revivre exactement la même initiation qu'elle a expérimentée.

***

Je sors de mon rendez-vous totalement vidée. Pendant toute la durée de cet entretien, j'ai contrôlé chacun des mots qui sortaient de ma bouche, ravivant les souvenirs douloureux des heures sombres de ma mère. Cependant, je pense avoir convaincu Jason avec mes fausses crises d'angoisse puisqu'il m'a déjà proposé différents remèdes. Au delà des tisanes et autres solutions apaisantes, j'ai tout de suite tiqué lorsqu'il a évoqué des séances de persuasion mentale. Ce procédé résonne comme une manière de manipuler les gens et je veux savoir si j'ai raison de me méfier. Il m'a également présentée à tous les membres présents ce jour et j'ai papoté avec certains d'entre eux, tous complètement illuminés. Ils boivent les paroles de leur leader et du Dr Copri sans jamais remettre en cause ce qu'on leur dnde. Maman, que faisais-tu ici ? Mais j'ai bien sûr acquiescé à chacune des inepties qu'on me racontait, le regard perçant du Dr Copri n'étant jamais bien loin de moi.

Quand je regagne la maison de le silence règne. Sur la table du salon, je découvre un petit mot que mon frère a écrit pour me prévenir qu'il passe la soirée avec Laura. Très bizarre. Je me mets aux fourneaux et pendant que le plat mijote, j'en profite pour ranger le linge propre. Je m'occupe d'abord de mes vêtements, puis je dépose ceux de mon frère et de sur leur lit respectif. Dans la chambre de ce dernier, je m'attarde un peu. Je ne suis pas venue ici en plein jour depuis que j'ai emménagé. Je m'assieds sur le lit, laissant les souvenirs heureux me revenir immédiatement. Pratiquement rien n'a changé ici, le bureau de est toujours en face de son lit, sa grande armoire toujours à la droite de la porte et sa table de chevet toujours du côté gauche, là où il dort.

Ma curiosité légendaire refait son apparition et c'est avec une pointe d'excitation que je tente d'ouvrir le premier tiroir de son chevet. En vain. Il est fermé à clé, comme lorsque nous étions petits. Je me suis toujours dndé ce qu'il cachait. J'ouvre alors le second tiroir qui dévoile une grosse boite en carton gris, fermée par un couvercle usé. Je fais taire la petite voix qui me sermonne et la prends dans mes mains tremblotantes.

Je ne m'attendais pas à ce qui s'étale sous mes yeux.

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