Prélude
Tout le monde a une histoire. Le fou en a une. Moi aussi, jen ai une. Laissez-moi vous raconter alors la mienne.
On m’appelle Joanita, c’est le prénom que m’a donné ma mère. Je ne sais où elle l’a trouvé mais c’est un prénom que j’aime beaucoup. Un prénom que je m’inventerais ou mattribuerais moi-même si ma mère ne me le donnait pas auparavant.
J’ai une mère mais je n’ai pas de père. Mon père n’est pas décédé, il doit être encore en vie selon ce que m’a raconté ma grand-mère. On dirait que je suis une bâtarde ; si je dois le dire ainsi. Ma mère et moi vivions autrefois sous le même toit que ma grand-mère. Je n’ai pas eu la chance de connaître mon grand-père maternel. Ce qui voudrait dire que mon grand-père a vite rejoint ses pères, abandonnant sa femme et ma mère. On se débrouillait ensemble, ma mémé et ma mère et moi. Parfois il nous était difficile de trouver de quoi rompre la faim les nuits avant d’aller au lit. Parfois, on n’arrivait même pas à allumer la lampe à pétrole à défaut du pétrole. Il arrivait des fois même où on mangeait du gari toute une journée. Parfois, on en manquait même et on se regardait. C’est donc dans cette ambiance de la vie que j’ai grandie.
Un jour, j’ai vu ma mère faire ses bagages. Je ne savais pas où elle allait. Pendant ce temps, j’avais neuf ans. Je ne connaissais absolument rien de la vie. Lorsque jai appelé ma mère pour lui demander où est-ce qu’elle allait, elle m’a dit qu’elle voyageait. J’ai pleuré toute la nuit parce que je ne voulais pas vivre loin d’elle. Vivre à ses côtés avait toujours fait partie de mes rêves. Malgré notre condition misérable, ma mère savait comment me donner la joie. Grand-mère, quant à elle, ne cessait de me gronder. On dirait que selon elle, j’étais la poisse de leur condition de vie. Mais ma mère était toujours là pour me donner la joie au cur. Et puisqu’elle s’apprêtait pour un voyage, je voyais déjà ma vie en danger. On m’avait déscolarisée sitôt de l’école du Blanc à défaut des moyens financiers.
Ma mère était partie ce jour-là malgré mes pleurs. Pour me calmer, elle m’avait glissé dans la paume, une pièce de cent francs et m’a dit : « ma chérie, ne pleure pas ; je viendrai te chercher demain ». Et aussi idiote que j’ai été, j’ai cru à ma mère.
Qui pouvait imaginer un seul petit brin mensonge dans cette belle phrase de ma mère ? J’ai pris ce mensonge en vérité et l’ai espérée toute la journée du lendemain mais en vain.
Ma mère m’avait joué un sale tour. Elle m’avait laissée à ma grand-mère pour aller se marier. Cétait deux ans après que je l’ai su. Pendant ces deux ans, j’avais grandi davantage. Sur ma poitrine, j’avais deux petits seins. Ces deux jolis seins, je les aimais beaucoup parce que grâce à eux, les hommes avaient commencé à me tourner autour telle une orange. Parfois je me donnais du plaisir à aller me balader. Seule je savais combien d’hommes me hélaient au cours de mon trajet. J’avais la forme ; eh oui, j’avais de grosses fesses. Ces hommes ne prêtaient pas trop d’importance à ma poitrine. Ma beauté et les deux montagnes que j’avais derrière les séduisaient et les attiraient et ils en mouraient d’envie.
Les hommes avaient commencé à me donner des rendez-vous. Je n’honorais jamais ces rendez-vous car, je savais qui j’avais comme tutrice. Malgré lapparition de mes caractères secondaires, ma grand-mère me frappait comme une petite fille de cinq ans.
Au début, je supportais les caprices de ma mémé mais lorsque j’ai commencé à en avoir marre, jai commencé par lui manquer du respect car, je me voyais déjà assez grande et il fallait qu’elle me regarde avec les yeux d’une grande fille. Quand elle m’envoie acheter quelque chose, je reviens à l’heure à laquelle mes petits copains me libéraient. Quand elle tente de m’injurier, je l’injurie moi aussi parce que j’étais déjà une grande fille à qui on devrait un peu du respect.
Depuis que j’ai douze ans, ma grand-mère avait fini par avoir peur de m’approcher pour motif de correction car, je me rappelle de ce jour où je l’ai menacée et lui ai dit que si jamais elle me touche encore de sa chicotte, j’allais la renverser par terre et la priver de ses deux jambes.
Qui oserait devenir facilement handicapé dans sa propre chambre ? Peut-être vous les lecteurs mais ma grand-mère, non. C’est donc depuis ce jour que ma grand-mère avait commencé à me fuir et préférait rester dans son coin que de se laisser berner par une petite-fille qui avait raté son éducation.
Cette année, me voilà grandir encore d’un an. Avec mes treize ans, je suis devenue encore plus belle et cette fois, Dieu a beaucoup pompé mes seins et ils sont devenus plus gros qu’avant. Cette fois, je n’aime plus traiter avec les gamins, ces petits qui n’ont ni de moto ni de voiture. Quand tu es à pied et tu m’appelles, je ne te réponds pas. Il faut que tu sois à cheval sinon, ouf.
Ma mère, depuis qu’elle est partie pour promettre revenir me chercher le lendemain, elle n’a plus jamais mis pieds dans la maison qui l’a vue naître ; cette maison construite par son feu père. Ma grand-mère l’appelle souvent et c’est au téléphone qu’elle et moi nous parlons. Lorsque je lui ai demandé un jour dans quel pays elle se trouvait, elle m’a dit qu’elle était au Ghana. Mais je n’y ai jamais cru car, ma mère est capable de mentir toute une journée.
Plus je grandissais, plus je devenais insupportable. Je ne respectais plus ma grand-mère. Me mirant dans une glace, j’étais fière de ces belles pamplemousses que Dieu avait pris le soin de me plaquer sur la poitrine. J’admirais tellement mes seins que je me demandais l’effet que ça produirait dans l’âme du premier homme à qui je les ferai voir. Mes seins étaient beaux, franchement.
Et puisque je devenais de temps en temps insupportable, ma mémé téléphona à ma mère et lui demanda de venir me chercher sinon, je pourris.
Et c’est vrai, je voulais commencer à pourrir parce que je ne l’ai pas encore commencé. Les chauds gars du quartier voulaient commencer à me faire la minette.
Ma mère, prise de peur, décida de venir me chercher avec tous mes bagages pour m’emmener avec elle.