Chapitre 6 : Emmène-moi, vite
Flora regarde Solène droit dans les yeux. Son regard est froid :
— S’excuser ? Pas question.
Dans le souvenir de Solène, cette fille a effectivement été intelligente et belle dans son enfance. Mais plus elle grandissait, plus elle devenait moche et bête. Pour la première fois, elle voit Flora jeter un regard aussi aigu. Et elle est surprise d’être refroidie par ce regard.
Elle déglutit, tourne la tête vers Chantal et murmure :
— Chantal, oublions ça pour aujourd’hui. Si nous la provoquions…
Chantal est fâchée, mais elle doit laisser tomber.
Si Flora fait vraiment quelque chose qui sort de l’ordinaire, les Morel se mettront en colère et impliqueront les Boisselot. Comment pourra-elle encore vivre une vie de luxe ?
Voyant qu’elles sont bouleversées par ses paroles, Flora se retourne et monte dans sa chambre pour rassembler ses affaires.
Elle a vécu aux Boisselot pendant vingt ans avec tellement peu de choses qu’elle ressemblait à un parasite.
Le hall est vide lorsqu’elle descend les escaliers avec sa valise.
Flora hésite un instant, puis passe par la porte de derrière et sort de la villa Les Boisselot.
Elle ne comprend pas pourquoi le « cousin » de Lionel s’intéresse à elle. Mais elle sait que c’est une bonne idée de rester loin de lui.
…
Lionel attend très longtemps à la porte d’entrée de la villa des Boisselot, mais il ne voit pas Flora sortir. Son visage change.
En pensant aux renseignements qu’il a lus hier, il fronce légèrement les sourcils : cette femme moche n’est pas malmenée par les Boisselot ?
Au moment où il pense à cela, il ne peut s’empêcher de toucher son visage, où elle l’a frappé. Il grogne froidement : elle n’a pas l’air de se laisser facilement malmener.
— Voulez-vous entrer et vous asseoir, monsieur ?
Une douce voix de femme se fait entendre. Lionel tourne la tête par la vitre. Il voit une femme au visage délicat qui se tient près de la voiture.
Chantal ne peut pas s’empêcher d’être étonnée quand elle voit son visage.
Elle a vu Flora et un homme s’embrasser dans la voiture d’en haut tout à l’heure, mais elle ne s’attendait pas à ce que l’homme soit si beau et si classe.
Comment un homme aussi brillant pourrait-il choisir Flora, cette stupide et moche plouc ?
Il semble qu’elle avait raison de décider de sortir et de tenter sa chance.
Sa pensée ne peut pas du tout être cachée aux yeux de Lionel.
Il ricane :
— Qui êtes-vous ?
— Je suis la sœur de Flora, je m’appelle Chantal Boisselot.
Elle ne se soucie pas du tout de la froideur de Lionel.
Chantal Boisselot ?
Lionel se souvient : les Boisselot ont deux filles. L’une est Flora, l’autre est sa « fiancée ».
Aux yeux des gens ordinaires, elle est en effet belle comme une fleur. Mais à ses yeux, étonnamment, il trouve le visage moche de Flora plus agréable.
Il n’a pas de patience pour lui parler. Il lui demande tout simplement, sans expression :
— Où est Flora ?
— Elle… elle est encore en train de faire ses bagages dans sa chambre, je crois. Elle m’a dit de descendre et de te demander d’entrer et de t’asseoir.
Chantal ne veut pas laisser passer cette occasion. Quiconque a un lien avec les Morel n’est pas issu d’une mauvaise famille, sans compter qu’il est si beau.
Lionel, qui a lu dans ses pensées, ne peut s’empêcher de ricaner : Flora va le laisser entrer ?
A présent, il a peur qu’elle se soit enfuie !
Il ne prend même pas la peine de jeter un regard supplémentaire à Chantal. Il ferme la vitre et s’en va.
Chantal n’a jamais été traitée aussi froidement par un homme auparavant. Elle est tellement en colère que son visage devient pâle tout de suite.
…
Flora rentre directement dans le studio qu’elle a loué.
Elle a vécu sur le campus depuis ses études universitaires. Après avoir commencé son stage de fin de formation, elle a loué un studio.
Si Solène ne la retenait pas chez elle ces derniers jours pour la forcer à se marier chez les Morel, elle ne voudrait jamais mettre les pieds chez les Boisselot.
Lionel ne vit pas dans la villa de toute façon, et il ne veut pas la voir. En quoi cela importe-t-il qu’elle retourne y vivre ou pas ?
Il est déjà l’après-midi quand elle finit de ranger ses affaires. Elle veut sortir et faire des courses.
Elle habite dans un quartier notoirement pauvre de la Cité d’Odral, qui n’est pas facile d’accès et dont les habitants sont partagés.
Elle vient de tourner dans une allée quand elle entend un grand « boum ».
Ça ressemblait à un coup de feu ?
Elle lève les yeux et voit une camionnette blanche qui fonce sur elle comme un chien sauvage enragé.
Elle esquive de justesse sur le côté. Alors que la voiture la frôle, la porte s’ouvre et un homme de grande taille en sort d’un bond.
Il roule jusqu’aux pieds de Flora en se tenant la tête.
Elle est prête à reculer quand l’homme se lève soudainement et place un objet froid contre sa tempe. La voix charmante de l’homme semble un peu familière
— Emmène-moi, vite.
Lorsque Flora lève les yeux pour voir le visage de l’homme, elle crie inconsciemment :
— Léon !