Chapitre 10 : L’utiliser comme tremplin
Le jour suivant.
Flora est réveillée par la sonnerie de son téléphone.
En accord avec le personnage d’une plouc, elle utilise encore le téléphone démodé qui ne lui permet que de passer des appels et d’envoyer des messages, alors que tout le monde autour d’elle utilise des smartphones magnifiques et parfaitement fonctionnels.
Elle prend le téléphone et regarde le nom de de l’appelant, et reprend tout à coup ses esprits.
Elle hésite un moment avant de décrocher le téléphone :
— Papa.
La voix d’Alexandre est sérieuse comme d’habitude :
— Tu es rentrée hier ? Qui t’a ramenée à la maison ?
Pour un père qui appelle sa fille nouvellement mariée, il pose une question aussi insignifiante... Flora ne ressent qu’un frisson.
Alexandre l’appelle rarement de manière régulière. Il l’appelle soudain juste pour lui poser cette question, ce qui rend Flora sceptique sur ses intentions.
Mais elle dit quand même la vérité :
— C’est le cousin de Lionel.
Alexandre reste un moment silencieux à l’autre bout du fil avant de dire :
— Emmène ta sœur aux Morel un jour, et présente-lui aussi quelques jeunes hommes convenables, pour qu’elle puisse se faire des amis.
Le sens de ses paroles est clair pour Flora.
Après son départ de la Villa les Boisselot hier, « Léon » et Chantal se sont peut-être rencontrés.
Chantal avait probablement le béguin pour « Léon » et voulait que Flora les mette ensemble.
Le père et la fille ont un bon plan.
Lionel était fiancé à Chantal. Mais c’est Flora qui a fini par épouser Lionel.
Et puis, ils vont l’utiliser comme tremplin pour trouver un autre homme bien à épouser aux Morel.
Tout le monde dans la Cité d’Odral sait que, à part Lionel, tous les cousins des Morel sont extraordinaires.
Une certaine autodérision se lit dans les yeux de Flora. Chantal est la véritable fille d’Alexandre ; et Flora, elle n’est pas sa fille ?
Comment peut-il être si partial ?
Flora retient sa tristesse et sa colère. Elle essaie de garder sa voix calme :
— Je voudrais bien emmener Chantal chez les Morel. Mais je n’ai même pas vu Lionel jusqu’à maintenant.
Alexandre se met instantanément en colère en apprenant qu’elle n’a même pas vu Lionel.
— Tu n’as même pas vu ton mari, tellement inutile. Et tu as le courage à rentrer chez nous !
Flora a envie de pleurer, mais elle retient ses larmes de toute façon. Sa voix n’est pas différente que d’habitude :
— Envoie ma sœur chez les Morel. Peut-être Lionel veut la voir ? Je ne suis qu’un contrefait, pourquoi il veut me voir ?
Lionel sort de la salle de bain juste à temps pour entendre ses paroles.
Elle est assise sur le lit. Ses cheveux noirs et volumineux, comme des algues, coulent jusqu’à sa taille. Il peut voir les veines bleues des doigts qui tiennent fort le téléphone. Ses yeux clairs sont remplis de larmes, mais elle s’obstine à ne pas les laisser couler. Sa silhouette svelte semble adorable.
Lionel plisse ses yeux sombres. Il trouve que sa nouvelle femme est de plus en plus belle.
La personne à l’autre bout du fil dit quelque chose d’autre. Le visage de Flora devient pâle, mais elle ne dit rien, et ne raccroche pas.
Lionel se dirige vers elle, attrape le téléphone de sa main et raccroche immédiatement.
Hein, cette femme utilise encore ce genre de téléphone.
Ensuite, il baisse les yeux sur Flora. Sa voix indifférente ne laisse transparaître aucune émotion :
— Si tu ne veux pas écouter, n’écoute pas.
Flora lève précipitamment les yeux, toujours en larmes. Elle voit seulement un flou devant ses yeux et ne peut pas du tout voir son visage.
Mais curieusement, elle perçoit un soupçon de réconfort dans ses paroles.
L’instant d’après, elle écarquille les yeux :
— Pourquoi je suis au lit ?
Elle a donné son lit à cet homme blessé et a dormi sur le canapé la nuit dernière !
— Tu as été somnambule et tu as grimpé là-haut.
Lionel finit la phrase avec un visage sans expression, puis se dirige vers le lit et s’allonge à côté d’elle.