Bibliothèque
Français
Chapitres
Paramètres

CHAPITRE 2

Quelques jours plus tard.

C’était encore une nouvelle semaine et ma copine et moi rentrions des cours. On pressait les pas comme d’habitude lorsque tout à coup, deux jeunes gens nous approchèrent.

– Hé, vous, donnez vos sacs ! s’écria l’un des deux jeunes gens.

Très surprises, ma copine et moi nous arrêtâmes brusquement pour fixer les deux bandits du regard.

– Vous n’entendez pas ce que nous disons ? reprit le deuxième avec clameur.

– Quel est votre problème au juste ? demandai-je sans savoir d’où m’était venu ce courage.

Et bim, l’un des jeunes gars me donna un poing sur le bras et je perdis d’office équilibre et me courbai.

Dans le même intervalle pendant que j’avais la tête baissée, tenant la partie où je venais de recevoir le coup, j’entendis quelqu’un crier « aï » et lorsque je soulevai la tête, je constatai que c’était l’individu qui venait de me donner de coup de poing au bras qui se tordait de douleur à son tour en s’attrapant le ventre. Son associé courait de toute enjambée devant quelqu’un. Ce quelqu’un, c’était le gars beau au teint clair qui m’avait sauvée l’autre fois.

Il pourchassa le deuxième inconnu jusqu’à le rattraper. Il le traîna jusqu’à notre hauteur et l’interrogea.

– Les connaissez-vous ? demanda le mignon garçon à l’adresse de Vanessa et moi.

Ma copine de classe et moi secouâmes la tête.

– Et que vous ont-ils dit lorsqu’ils vous ont approchées ?

– Ils nous ont demandé de leur remettre nos sacs, répondit hâtivement Vanessa.

– Ah bon ? Donc vous si jeune comme ça, vous apprenez déjà à braquer ? demanda notre sauveteur.

Et ce, il donna une gifle sur le visage de l’un et chuta l’autre de son pied droit. Les deux jeunes gens, sans honte, commencèrent à courir l’un derrière l’autre pour échapper les coups.

– Je suis désolé pour vous, nous dit-il après le départ des deux imbéciles.

– C’est plutôt nous qui vous remercions de votre action.

– Non, ça, ce n’est rien. On m’appelle Bruno. Vous pouvez désormais m’appeler Bruno, Bruno Kollins, nous dit-il tout sourire.

Je lançai mon regard à l’adresse de ma copine, tout sourire.

– Merci, Bruno. Moi, c’est Grâce. Je viens de la famille Vodounon. Celle-là, c’est ma copine. On l’appelle Vanessa ; nous sommes de la même classe.

– Enchanté de faire votre connaissance. Vous êtes trop belles, les filles. A présent, je ne vais plus vous retenir longtemps.

Le jeune homme me tendit sa main droite et me demanda de la serrer lorsque tout à coup apparut la voiture de mon père.

Mon cœur commença à sauter parce que je m’imaginais déjà ce qui pouvait m’arriver à la maison.

Bruno, observant ma façon de regarder la voiture de mon père, avait vite compris quelque chose.

– Est-ce ton père ? me demanda-t-il.

Je hochai la tête pour répondre oui.

Mon père gara son véhicule et ma copine et moi courûmes et le montâmes à bord. Pendant que mon père redémarrait le véhicule, j’ai jeté un coup d’œil par la vitre et aperçus Bruno en train de nous regarder nous éloigner. L’envie de lui faire au revoir de la main me hanta mais je n’avais pas cette force. Pendant ce temps, papa roulait. J’avais quant à moi toutes mes pensées sur ce beau gars de Bruno. Oui, je pensais à lui. Je pensais tellement à lui que je ne savais plus comment papa avait roulé jusqu’à atteindre la maison de ma copine. Sans attendre une seconde, Vanessa descendit du véhicule et nous fit au revoir d’un signe de la main.

Papa redémarra encore le véhicule et nous reprîmes le chemin de notre maison. Quelques minutes plus tard, nous arrivâmes à la maison. Je descendis du véhicule que papa avait stationné dans la cour, sur les pavés triangulaires d’où poussaient quelques mauvaises herbes récalcitrantes.

Après avoir traversé la cour et la véranda, je montai enfin les marches des escaliers. Je me dirigeai vers maman pour lui dire ‘‘bonsoir’’, cette salutation qui nous a toujours été soumise du retour de l’école. Après avoir servi maman d’un « bonsoir », je fus soudainement stoppée par une parole venant de mon père.

– Arrête-toi là, m’ordonna-t-il d’une voix tonitruante.

Je n’avançai plus aucun pas.

– Avec qui étais-tu en train de bavarder dans la rue ? continua-t-il, impassible.

– Personne, papa, lui répondis-je pâle et triste.

– Veux-tu que je te bastonne d’abord, c’est ça ?

– Papa, je vous jure que je ne le connais de nulle part.

– Tu es sûre que tu ne le connais pas ?

– Oui papa, je suis sérieuse.

– Tu ne le connais pas et pourtant tu étais debout avec lui en train de bavarder tout ce temps ?

– Papa, il me posait des questions auxquelles je ne savais quoi répondre.

– Et pourquoi tu ne pouvais pas le surpasser et continuer ton chemin ?

À cette interrogation, je me tus.

– Ecoute, la prochaine fois que je te verrai encore debout avec n’importe quel homme en train de parler, je te jure, tu verras ce que je te ferai, imbécile. Allez, dégage de ma vue.

– Merci, papa ! exclamai-je en détalant les pas.

Je bougeai des lieux et me dirigeai vers maman qui nous écoutait attentivement assise sur le divan.

En fait, dans ma famille, très souvent quand papa parlait, c’est le silence absolu. Plus personne ne pipe mot lorsqu’il parle. Je me demandais si c’était uniquement dans ma famille que régnait cette loi. Mais, j’ai finalement compris que dans d’autres familles, pendant que papa parlait ou grondait les enfants, la maman leur venait au secours même quand ces derniers étaient en erreur. Or, cet état de chose fait parfois que les enfants deviennent non seulement irrespectueux envers les adultes mais aussi des enfants récalcitrants dans la société.

Bref, dans ma famille, tout était planifié et lorsque maman ou papa mettait en vigueur sa loi, l’autre ne s’y interposait.

Pour mes parents, l’éducation d’un enfant ne dépendait pas uniquement d’un seul parent. Et d’ailleurs, papa ne passait pas assez de temps avec nous. Il passait le plus clair de son temps au service qu’à la maison.

Mes parents étaient très rigoureux et à défaut de cette rigueur, mon unique frère a choisi d’aller s’installer définitivement au Togo, un des pays frontaliers du Bénin.

J’entends souvent dire que les benjamins étaient les plus choyés, les plus chouchoutés et les plus gâtés. Chez moi, dans ma famille, c’était pratiquement le contraire.

***

Il sonnait quatorze heures trente minutes. Je m’étais déjà apprêtée pour me retourner à l’école. Sur le point de vouloir quitter le salon, maman m’interpella et me dit avec gentillesse :

« Ma fille, j’entendais ton père te reprocher quelque chose cette après-midi. J’aimerais que tu l’obéisses comme d’habitude. Regarde-toi, tu n’as que seize ans. Il faut fuir les hommes et aussi la mauvaise compagnie. Prends ta sœur en exemple. Puisqu’elle s’en fiche des hommes, as-tu vu combien elle brille à l’école ? C’est parce qu’elle n’a pas mis en tête les histoires amoureuses. Tu ferais mieux de l’imiter, sa conduite pourrait te servir de modèle. Arrivée à l’école, va directement dans ta salle de classe. À la fin des cours, reprends immédiatement le chemin de la maison. Si tu ne m’écoutes pas et que tu vas faire le contraire, je ne serai pas d’accord avec toi. »

J’acquiesçai de la tête et répondis calmement « merci maman ».

– Vas-y et sache que si tu y obéis, tu auras ma bénédiction.

– Merci maman, dis-je de plus belle avant de sortir de la pièce.

Ce m’était incroyable. Ce jour me parut très étrange car, c’était la première fois que je voyais ma mère me donner de conseils. C’était vraiment pour moi une grande joie. Même en chemin, j’étais très heureuse en me rappelant de ses beaux conseils. Heureuse parce qu’au moins, j’avais senti que j’avais une mère dans ma vie.

Au bout de quelques minutes de marches, j’arrivai sur le portail de mon école. Un portail au chevet duquel était écrit sur une grosse plaque : CEG MALANHOUI. C’était le nom de mon école.

À mon arrivée, j’aperçus à ma grande stupéfaction Bruno, mon sauveteur de tous les temps dans sa belle tenue kaki.

– Bonsoir Bruno, comment vas-tu ?

– Je vais bien. Alors dis, étais-tu bien rentrée ?

– Si, j’étais bien rentrée. Et toi ?

– C’était pareil, ma chère.

– Sincèrement, merci de nous avoir sauvées de ces gens malhonnêtes aujourd’hui.

Oh, c’est rien ! Ce sont des jeunes qui ne veulent rien faire. En tout cas, les gens comme moi les obligeront à faire quelque chose.

La phrase de mon compagnon me fit rire et je m’en éclatai.

– J’espère que papa ne t’a pas frappée lorsque vous êtes rentrés !

– Non, non. Il ne m’a pas frappée ; il m’a juste grondée.

– Ce qui voudra dire que papa est trop sévère.

– Pas trop, mais un peu. Vous avez aussi cours ?

– Si ! On se verra peut-être à dix-sept heures.

– Pas de souci, mon cher. Je te souhaite beaucoup de discernement.

– Merci beaucoup. A très bientôt.

Je m’avançai vers ma classe et m’y introduisis. À peine entrée dans la classe, ce fut Vanessa qui me parla en premier.

– Je trouve enfin raison à l’adage de nos aïeux.

– De quel adage parles-tu, lui questionnai-je, essoufflée.

– Oui, c’est sur les yeux des humains que la chèvre broute l’herbe. Mais arrivée dans les champs, elle mange plutôt le bois.

– Et qu’en est-il de la signification ?

– Grâce, ne m’avais-tu pas pourtant dit que tu ne connaissais ce mec de nulle part ?

– Sois plus claire et explicite, lui dis-je, harassée de colère.

– Ne t’enflamme pas s’il te plaît. Je crois que vous vous êtes enfin bien entendus sur de bonnes bases et que tu lui as déjà donné ce pour quoi il venait tout le temps de sauver !

– Et quel est ton problème dedans ?

– Je sais bien que rien n’est mon problème dans votre affaire. En tout cas, fais gaffe !

– Vanessa, je ne suis pas une gamine et je ne suis pas non plus ton égal, d’accord ? Et à partir d’aujourd’hui, contrôle bien tes langages avant de me les adresser sinon...

– Sinon tu vas me frapper n’est-ce pas ? Excuse-moi de t’avoir mal parlé.

Prise de panique, je gardai silence et me mis à observer ma copine dans son nouvel état de tristesse.

***

Pour ma première fois, assise à ma place, je sentais une grande joie me parcourir les veines. Quelque chose me rendait heureuse. Je sentais quelque chose au fond de moi : un sentiment pur et léger. La déesse Vanessa avait bien visé : je tombais petit à petit amoureuse.

Le professeur était enfin là, debout dans la classe, tenant un morceau de craie dans sa main droite, il demandait ce qu’on avait pu voir la séance écoulée. Tous mes camarades levaient leurs petits doigts pendant que moi, je revivais encore l’entretien que je venais d’avoir avec Bruno.

Téléchargez l'application maintenant pour recevoir la récompense
Scannez le code QR pour télécharger l'application Hinovel.