Chapitre 06
Chapitre 6
Je rentre chez moi avec les ongles de Momar rangés discrètement dans un petit sachet. Maman a bien élaboré son plan pour obtenir le divorce de Djily sans entacher ma réputation.
Sarah est venue aujourd’hui avec sa petite valise. Dans une autre vie, j’aurais pu avoir de la pitié pour elle mais en ce moment, elle n’est qu’un pion dans mon échiquier et elle m’aidera à faire le coup de grâce.
Hier soir Djily s’est couché sans rouspéter. Je pense qu’il doit avoir du mal avec mes changements d’humeur. Mais les choses sont telles que je ne peux pas les prévoir. Hier matin je me disais que je devais jouer aux épouses modèles pour qu’il n’ait pas de doutes et aujourd’hui, je ne pense qu’au fait que je dois divorcer pour me remarier avec Momar.
Je suis encore dans le taxi quand je reçois un appel d’Ismaïla. Putain, qu’est-ce qu’il me veut ?
-Hello sweety.
-Iso qu’est-ce que tu veux ??? Grognais-je
-N’ai-je plus le droit d’appeler une bonne amie et encore plus si cette dernière est la femme de mon cousin ?
-Tout le monde sait que la convivialité n’est pas ton truc. Que veux-tu ?
-Toi toute nue sur un lit… Dit ce salaud alors que je l’entends rigoler à l’autre bout du fil.
-Va te faire foutre.
Je raccroche instantanément.
Au même moment le taxi se gare, je règle avant de sortir.
En marchant je reçois encore un appel d’Ismaïla. Je veux le snober mais j’ai trop peur qu’il parle à Djily. Je savais qu’il allait me faire chanter pour coucher avec moi. Il est beau et riche et cet imbécile peut mettre dans son lit la femme qu’il veut mais non, c’est moi qu’il cherche. Il ne m’a jamais pardonné de l’avoir quitté pour son cousin. Aujourd’hui, je lui offre sur un plateau une occasion de se venger.
La voiture de Djily devant l’immeuble me montre qu’il est arrivé. Alors je décroche le deuxième appel d’Ismaïla avant d’entrer.
Illico ce type commence à gueuler.
-Que ça soit la fois que tu me raccroches au nez !
Je soupire avant de répondre.
-Je suis arrivée chez moi et mon mari m’attend.
-Je m’en fous qu’il t’attende. Si tu ne viens pas chez moi dans 30mn, je te promets que je viendrai chez toi dans moins d’une heure et je doute que ton mari apprécie ma visite.
Avant que j’émette un recours, il raccroche.
Bordel, qu’est-ce que je vais faire ?
Alors que j’hésite entre entrer et rejoindre Ismaïla. Je regarde à travers la fenêtre du salon pour voir Djily qui me regarde fixement. Je n’ai plus le choix, je dois entrer.
Je vais directement dans le salon. Sarah s’est trouvée une place à elle, Djily me jette un regard plus que noir.
Je vais jusqu’à lui pour lui faire la bise.
-Bonsoir mon chéri.
-Bonsoir…Dit-il d’une voix à peine audible. Je prends place à côté de lui.
-En fait je suis à fond dans les préparatifs du mariage. C’est après-demain alors on est tous en dessus dessous.
-Souadou ne me parle du mariage. Djily crie presque et Sarah se lève pour s’éclipser. Djily marque une pause avant de continuer.
-C’est la énième fois que je rentre sans te trouver à la maison et de voir la bonne qui s’occupe de moi. Ce n’est pas elle que j’ai épousé et ceci n’est pas son rôle. A chaque que je te demande, tu me sors des excuses à dormir debout.
-Mais je te promets c’est le mariage et d’ailleurs même Daba vient de faire un malaise, je dois retourner la voir.
-Tu ne vas nulle part…Crie-t-il en se levant.
-Mais c’est ma sœur et elle a besoin de moi.
-C’est un mensonge.
Djily fait un soupir et je sens qu’il va bientôt exploser.
Et comme si c’était pas suffisant cet imbécile d’Ismaïla en rajoute une couche. Je décroche avant que Djily ne voit son nom.
-J’espère que tu es dans le taxi.
-Allô Amina, je suis chez moi en ce moment. J’ai expliqué à Djily que je dois aller voir Daba mais il refuse de me laisser partir. Il est là en train de me regarder.
-Ok je vois. J’espère pour toi que c’est bien Djily qui t’a interdit de sortir. Je pars demain en voyage, on se reparlera à mon retour…Il raccroche mais je continue à faire semblant de parler à Amina.
-Moi j’ai du mal en ce moment. On dirait qu’il ne me fait plus confiance alors que moi j’ai rien fait. Tu sais bien qu’à part chez toi, Seyni ou chez mes parents, je ne vais nulle part ailleurs. Alors même si je ne le lui dis pas il doit savoir.
Je marque une pause pour feindre entendre une réponse alors que Djily me scrute. Je veux pleurer mais mes larmes ne veulent pas coopérer. Sales traitres !
-D’accord. Peut-être que tu dois lui parler… Ok, dis à Daba que je viendrai demain quand mon mari se sera calmé.
Je marque à nouveau une pause.
-A demain… Dis-je avant de faire semblant de raccrocher.
Je regarde un Djily plus calme qui se met à côté de moi.
-Je suis désolé. Je me suis emporté.
-Snifff…Pourquoi tu n’as pas confiance en moi ???
-J’ai confiance en toi.
-C’est pas ce que tu montres.
-Non ce n’est pas ça. C’est juste que quand tu es arrivée, j’étais sur les nerfs.
-Pourquoi ?
-Des problèmes au boulot.
-Ismaïla ?
-Non.
-Je peux aller me doucher ? Je me sens toute en sueur là.
-Oui, bien sûr mais tu peux aller voir ta sœur. Je comprends qu’elle ait besoin de soutien. Ne tarde pas trop rek.
-Non, Amina dit que ça s’est arrangé et je la verrai demain alors ça va.
-Ok alors.
Je sors du salon et je cherche Sarah qui est dans la cuisine.
-Sarah.
-Oui ! Dit-elle en venant vers moi.
-J’ai pas aimé la façon dont j’ai trouvé mon mari aujourd’hui. Même si je ne suis pas là, il ne doit pas sentir mon absence. Khana tu ne t’es pas occupé de lui comme je te l’avais demandé ?
-Si quand il est descendu du travail, je lui ai donné à manger.
-C’est déjà bien mais ce n’est pas suffisant. Tu dois aussi lui faire la discussion. Il n’est pas difficile mais il n’aime pas être seul. A chaque fois que j’arrive et je vous vois seuls tous les deux, tu ne dis rien et lui non plus. Si je ne suis pas là, tu dois faire comme si je l’étais, topatolema sama djeukeur lala wakh (Je t’ai demandé de t’occuper de mon mari) et c’est ce que j’attends de toi.
-D’accord… Sourit-elle avant que j’aille dans ma chambre. Comme j’avais dit rek cette gamine est vraiment trop sage. Si j’étais tombée sur une wow beute (éffrontée), ça aurait été plus simple.
*****
Je suis en ce moment chez moi avec les filles et nous essayons nos tenues respectives pour demain. On est allées chez le tailleur plutôt. Comme depuis qu’elle est engagée, Sarah s’occupe de la cuisine.
Nous devons aller chez la coiffeuse après le repas.
Je me regarde devant le miroir, magnifique dans ma superbe « taille-basse » en basin couleur vert clair avec des « daminés » multicolores(gartitures en fil). Les filles sont pas mal mais je serai la plus belle. Demain je compte bien fermer quelques bouches.
Après avoir fini, nous nous installons dans le salon attendant que Sarah finit de préparer.
-Soua, ça fait plaisir de ne plus t’entendre te plaindre de ton mari. Mais c’est évident puis qu’il a recommencé à te donner de coquettes sommes d’argent.
Je réponds à Amina d’un sourire. Pour tout le monde sauf Djily, Momar et ma mère, l’argent que je reçois et que je dépense vient de Djily. Peut-être que Seyni ne me jugerait pas mais Amina c’est sûr que si elle apprend que j’ai un amant, ce sera ma fête.
-Prie juste pour que la situation de mon mari s’améliore. Finis-je par lâcher après un silence pesant.
-Djily est bien dé. C’est seulement Allah qui donne et reprend.
-Sheutt Amina bougnou warr (Ne nous parle pas de Dieu)… Intervient Seyni.
-Elle est juste seuytané (chipie) Soupiré-je.
-Même pas !
-Mais où est Monsieur ? Ça fait longtemps que j’ai pas eu de nouvelles. Dis-je à Amina.
-Il est là, il va bien. Il dit qu’il a un entretien lundi prochain mais j’espère pas trop.
-Parce que nous sommes au Sénégal et que dans ce pays faut toujours être pistonné pour avoir quelque chose.
-Je confirme. Dit-Seyni… Et c’est ainsi que des méritants chôment au moment où des incapables occupent les bureaux.
-Si Djily était ce qu’il était dé, je lui aurai demandé de le prendre… Dis-je avant d’hausser les épaules…Mais tu connais sa situation.
-Oui c’est dommage mais bon Dieu est grand…Termine Amina.
-Mais Soua ta bonne est timide, hein ? On ne sait même pas qu’elle est là… Dit Seyni.
-Sarah dé, elle est comme elle est. Je fais de mon mieux pour la mettre à l’aise mais je me dis que c’est en rapport avec son éducation.
-Mais quand même prends tes réserves dé. Les bonnes sont toutes des voleuses de mari… Répond Seyni. Je fais un sourire, disant si seulement tu savais. Mon plan numéro 1 est de la mettre dans les bras de Djily.
Après moins d’une heure, Sarah sert à manger et après nous nous rendons au salon de coiffure.
*****
Je me regarde dans le miroir mais ma coiffure me va super bien et je suis vraiment trop jolie. Je suis habillée de la première tenue en wax parce qu’on suppose que la journée, les femmes doivent s’afférer dans les travaux domestique même si je sais que je vais plus regarder les gens travailler que travailler.
-Tu as amené ce que je t’avais demandé ? Demande ma mère me faisant sortir de mes pensées.
-Oui bien sûr.
Je lui donne ce qu’elle demande. Frustrée de voir qu’elle a toujours aussi peu confiance en moi.
-Je t’avais dit que c’était pas un problème.
-T’aurais dû me tenir au courant, je me suis inquiétée. Et le problème Djily et…
-Assalamaleykoum ! Dit une de mes cousines coupant ainsi ma mère j’ai failli oublier que la maison sera bombée de monde aujourd’hui et que mieux vaut éviter certaines conversations.
-Sama sangue bi (ma cousine) comment tu vas ???Demande-t-elle en me tendant la main.
Elle salue ma mère avant de s’inviter sur le lit.
-Je vais bien merci et toi.
-Ça va bien. Name you bakh yi gua ma tamalone rek (les bonnes choses que tu me faisais me manquent.).
-C’est normal…Souris-je… Mais y a aucun problème, aujourd’hui c’est le grand jour pour ma petite sœur, assurez l’organisation rek et vous serez servies.
-Je te crois si tu me dis car je te fais confiance. Je vais voir comment vont mes tantes… dit-elle en se levant.
-D’accord. A tout à l’heure…
Ma mère reprend la conversation quand Rabi est sortie.
-On a eu de la chance.
-A qui le dis-tu ? Heureusement qu’elle n’a rien entendu.
-Mieux vaut que l’on arrête cette conversation, jusqu’à demain quand je passerai te voir pour parler à ton mari.
-Ok.
-Mais toi, est-ce que tu as fait ce que je t’avais dit pour ta bonne.
-Oui, J’ai essayé mais de manière subtile.
-Comment ?
-Je lui ai dit de ne jamais laisser mon mari seul et de bien s’occuper de lui.
-De toute façon même si rien ne se passe entre les deux, tu pourras mentir et ce sera ta parole contre la leur.
-Oui et bien sûr le rôle de l’épouse meurtrie m’ira bien.
-Je te fais confiance. C’est moi qui t’ai éduquée. Tout ce qui nous reste c’est d’aller chez le marabout dès demain. On n’a plus de temps à perdre.
-Oui. Bon… Dis-je en me levant… Je vais aller faire semblant d’aider à la cuisine avant que papa ne vienne pour me faire la leçon.
-Oui c’est mieux.
******
En résumé, la journée s’est bien passée. J’ai été fabuleuse mais faut le dire, l’argent rend fabuleux. C’était beau être le mariage de Daba mais j’étais loin d’être en reste d’autant plus que je sais avoir donné plus d’argent qu’elle et c’est ainsi que les louanges de moi et ma mère ont été les plus chanter. Et oui, l’argent fait la loi.
-Mais Souadou où tu as trouvé tout cet argent ??? Demande Djily alors qu’on est encore dans sa voiture. Il fut obligé de m’attendre après la célébration à la mosquée. J’ai refusé de rentrer en taxi. Il a d’abord déposé Seyni et Amina chez elles.
-Quel argent ?
-J’ai entendu les voix et tu étais au centre. Comment est-ce possible ?
-T’entends des choses et tu en déduis que c’est dû au fait que je donnais de l’argent.
-Je vois pas d’autres raisons.
-Si, la reconnaissance. Si j’en ai pas donné aujourd’hui, j’en ai donné aux fêtes précédentes et ça compte.
-Si tu le dis…Soupire-t-il.
-Mais la fête était belle, non ?
-Oui elle était. Même si moi j’ai plus vu beaucoup d’argent gaspillé alors que ton père continue à avoir des soucis financiers.
-Il est le seul responsable de ses malheurs.
-Si je ne te connaissais pas j’aurai dit que ce vieux n’est pas ton père.
-Mon père, je lui en veux et je continue de lui en vouloir dès qu’il a pris une seconde épouse. Je déteste la polygamie.
-Je me souviens que c’est la première chose que tu m’as dite après notre mariage.
-Mais ça ne t’a pas empêché de signer polygamie à la mairie.
-J’avais pas le choix.
-Comment ça, t’avais pas le choix ? Djily te fous pas de moi way.
-Bref, c’est une discussion sans tête, ni queue. Mais toi-même, tu sais que t’auras jamais de coépouse…Dit-il en me caressant la main.
-C’est préférable pour toi…Dis-je en feignant un sourire.
Nous sommes arrivés.
La porte du salon fermé me fait penser que Sarah doit être en train de dormir. Je suis Djily dans la chambre.
Il plonge directement sur le lit alors que moi je ne pense qu’à me débarrasser de ce que j’ai sur le visage, défaire ma coiffure et me changer. Les cérémonies sont toujours aussi « lourdes ».
******
Je n’ai pas dit à Djily que ma mère passera ce soir. Quoi qu’il en soit c’est dimanche et on dirait qu’il compte passer la journée ici.
Nous sommes dans le salon.
-Je vois que même le week-end c’est ta bonne qui se charge de la maison…Dit Djily.
-C’est son travail, non ?
- Oui, mais quand même, ne faut pas exagérer. Dans notre ancienne maison, t’avais une femme qui ne s’occupait que de la cuisine et pourtant ça ne t’empêcher pas de cuisiner de temps à autre. Depuis que Sarah est là, je ne vois même pas lever le petit doigt.
-Il faut qu’elle mérite son salaire.
-Ça ne t’empêche pas d’avoir envie de faire plaisir à ton époux par moment.
-On fait plaisir à un mari riche. Lui dis-je avant de me lever et d’aller dans ma chambre.
Je préfère rester ici que de supporter mon lourdo d’époux. Je discute par sms avec Momar.
*****
Djily voulait sortir tout à l’heure pour faire je ne sais quoi de pas important, je lui ai dit que ma mère doit venir pour le voir alors il a changé ses plans.
Nous sommes tous les trois dans le salon. J’essaie à chaque fois de relancer la conversation, histoire d’amener les deux à se parler.
On toque à la porte et Sarah se lève pour ouvrir.
C’est ma mère je l’invite à s’asseoir. Et elle commence des salamalek avec Djily comme si elle ne l’avait pas vu hier. Elle entre dans le vif du sujet et Sarah s’éclipse sans qu’on le lui demande.
-Si je suis venue aujourd’hui c’est pour te demander la permission d’amener ma fille voir un marabout.
-Un marabout, pourquoi ?
-Parce que ça fait maintenant cinq ans que vous êtes mariés et que jusqu’à présent elle n’a pas d’enfant.
-Mais ça c’est dû au fait qu’elle suit un planning et qu’elle ne veut pas en avoir.
Alors celle-là, maman ne l’a pas vu venir. Je dois la relancer.
-En fait, ça fait un an maintenant que j’ai arrêté les injections et jusqu’à présent aucun changement.
-Alors on doit aller faire ensemble un test de fertilité. Il se peut que le problème ne vienne pas de toi mais de moi. Pourquoi retourner à des méthodes traditionnelles alors que les méthodes modernes ont fait leurs preuves ? Je suis désolé mais ma femme ira voir un médecin pas un marabout.
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