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Thibault n'a plus de voiture donc je suis donc son chauffeur personnel depuis deux semaines. Ça serait bien qu'il pense à la faire réparer à un moment !
- Ouais, si tu veux. Bon tu vas m'aider oui ou non ? Je sais que je suis musclé mais quand même ! C'est lourd ce truc ! lui criais-je en essayant de déplacer un bloc de béton.
Lui et moi travaillions dans le bâtiment. On passait nos journées sur les chantiers à construire, et détruire des bâtiments ou de simples petites baraques. D'habitude, nos horaires ne coïncident pas et nous ne travaillons pas sur le même chantier, mais pour celui-ci, ça l'était.
- Ça va j'arrive !
- Et tu comptes la faire réparer un jour ta voiture ?
- Tu me donnes l'argent ? me demanda-t-il en souriant.
- L'argent je te le donne avec l'essence que je dépense pour toi, espèce d'idiot.
- C'est pas faux. Mais tu fais ça parce que tu m'aimes bien non ?
Il avait le sourire d'un gamin de cinq ans. Cet homme est un gamin !
- Ouais… Si tu le dis !
- Flo ? Pizza chez toi à midi ? me demanda Thibault.
- Non, pas aujourd'hui. J'ai quelque chose à faire. Débrouille-toi tout seul pour manger.
Il fallait que je retourne au café aujourd'hui sans les gars parce que je voulais la revoir. C'était vendredi et je voulais savoir si elle allait vraiment revenir comme elle me l'avait dit. Il se pourrait très bien qu'elle m'ait mentit et qu'elle décide de changer de café, exprès pour ne plus me voir et pour m'éviter. Ça se pourrait, et ça ne m'étonnerait pas du tout, vu la façon dont elle s'était adressée à moi la dernière fois. En même temps, j'ai été un peu insistant avec elle.
- Et c'est quoi cette chose ?
- À tout à l'heure ! criai-je à mon meilleur ami en montant dans ma voiture.
Je suis allé jusqu'à ma voiture et j'ai roulé jusqu'au café. J'ai commandé un cappuccino et un café et j'ai attendu à sa table. J'espérais seulement qu'elle allait se montrer comme elle me l'avait dit mercredi.
Le lendemain de ma rencontre avec Flo, en cours d'histoire, Mathilde, ma voisine de classe me parlait mais je ne saurais même pas dire de quoi. J'avais la tête ailleurs et je repensais à Flo. Est-ce que je vais le revoir ? Est-ce que c'était juste pour passer le temps qu'il m'avait parlé ? Je ne m'étais jamais posé autant de questions à propos de quelqu'un. Encore moins d'un garçon. Mais lui, c'était différent. Tout chez lui m'attirait. En particulier ses yeux, mais aussi son sourire en coin, alors que je n'avais parler que quelques minutes avec lui. Ce n'était pas moi tout ça. Ce n'était pas dans mes habitudes et ça m'énervait.
- Eh ! Tu viens ?
- Oui, oui. Hum… J'arrive, dis-je à Mathilde pendant que la sonnerie retentissait dans les couloirs.
Mathilde était celle qui se rapprochait le plus d'une amie. C'était la seule du lycée qui me parlait vraiment, et même si je ne me confiais pas à elle, elle semblait m'apprécier. Je la connaissais depuis mon entrée au lycée, en seconde. Je ne parlais à personne et elle non plus. Enfin, pas beaucoup.
À mon entrée en seconde, on s'est retrouvé dans la même classe et elle avait commencé à me parler un peu, je n'avais pas eu le courage de la rejeter, ce que je ne regrettais pas du tout. On ne passait pas toutes nos journées ensemble, collées l'une à l'autre, et heureusement ! Parce que je n'aurais pas supporté longtemps.
Elle avait plusieurs amis au lycée, contrairement à moi, mais elle n'était pas la fille populaire de la ville. Mathilde était simplement gentille avec tout le monde, et était appréciée par beaucoup d'élèves ici. Quelques fois, ses amis me parlaient, mais seulement par politesse je pense. Je crois qu'ils me trouvaient tous bizarre à ne jamais parler, mais grâce à mon amie, personne ne s'en prenait à moi. Pas parce qu'elle faisait peur ou quoique ce soit, mais parce qu'elle était gentille. C'était étrange, mais je m'y était habituée, même si je n'avais nullement le besoin d'être protégée par quiconque.
C'était notre dernier cours de la journée, et il était midi. C'est pour cela que je ne vais pas au café le jeudi, je rentre directement chez moi.
De retour chez moi, ma mère m'avait demandé de faire un peu le ménage avant qu'elle ne rentre du travail, ce que j'ai fais sans tarder.
Nous habitons dans un petit appartement, avec mon grand frère de vingt ans, Fabien et ma petite sœur de douze ans, Kelly. Mes parents se sont séparés il y a presque trois ans. J'ai d'ailleurs tendance à penser que tout est entièrement de ma faute, même s'ils s'obstinent à dire que ça n'allait plus entre eux depuis quelques temps déjà. Mais au fond de moi, je savais très bien que c'était faux. J'étais la cause de leur séparation, et je m'en voulais beaucoup depuis.
Je venais de terminer quand ma mère a franchi la porte d'entrée. Mon frère et ma sœur sont rentrés quelques minutes plus tard, et je suis partie prendre une douche pendant que ma mère commençait de préparer le dîner.
Je me déshabillai et m'observai dans le grand miroir. Je suis assez grande puisque je mesure un mètre soixante-dix, j'ai une longue chevelure brune et j'ai les yeux légèrement plus clairs que ceux de Flo. C'est d'ailleurs la seule partie de mon corps que j'apprécie chez moi et je crois que maintenant, je l'aime encore plus ! Un sourire béat s'est figé sur mon visage, que je me suis empressée d'éliminer. Je repensais encore à lui. Comme si un mec aussi canon pouvait s'intéresser réellement à moi…
- Jessie ! Dépêche-toi ! J'aimerais bien me laver moi aussi ! me crie mon frère depuis le couloir, en tapant à la porte.
- Oui oui, c'est bon je sors !
- J'espère que tu n'as pas pris toute l'eau chaude !
- Mais non. Voilà c'est bon j'ai finis, lui répondis-je en me dépêchant de m'habiller.
Après manger, je suis allée dans ma chambre pour finir mes devoirs et je suis ensuite restée quelques heures sur l'ordinateur, à regarder des films et des séries, puis j'ai continué le livre que j'avais commencé. Le soir, je fais tout pour repousser le plus possible, l'heure de dormir. Je déteste dormir. J'ai peur de m'endormir et de me réveiller en hurlant puisque je fais toujours des cauchemars. Les mêmes mauvais rêves, sans arrêt. C'est ironique non ? J'ai peur d'avoir peur. Et cela fait maintenant trois ans que ça dure. Aux alentours de trois heures du matin, je me suis endormie avec mon bouquin à la main.
Six heures. J'éteins l'alarme de mon réveil et me prépare pour aller en cours. Tout le long du trajet et de mes cours de la matinée, je me suis posée la même question : est-ce que je retourne au café aujourd'hui ? J'ai tellement pensé à tout cela que je n'ai quasiment pas écouté mes professeurs.
À midi, après mon cours de maths, j'avais pris ma décision : je suis partie au Renouveau. En tirant la porte du café, j'ai regardé à ma table habituelle, et il était là, à la même place que la dernière fois. Je devrais peut-être changer de café si je veux continuer à être seule. Pourtant, je ne sais pas trop si je suis heureuse de le revoir, ou pas. Je crois bien que je le suis…
- Je ne m'étais pas trompé. Je savais que tu allais revenir, dit-il en souriant. Je t'ai commandé un cappuccino.
Je tirai la chaise en face de lui pour m'asseoir et le remerciai rapidement.
- Tu es toujours aussi froide, ou c'est seulement avec moi ?
- Je préfère la solitude, c'est tout. Et puis, je n'ai pas vraiment d'amis, alors je n'ai pas l'habitude d'avoir de grandes conversions.
- Je comprend, me sourit-il.