Chapitre 2
Paméla.
Je m’avance vers le bar et je suis reçue par mes copines qui n’arrêtent pas de scander mon nom, enfin mon nom de scène.
- Étoile, Étoile, Étoile !
Pour leur plus grand bonheur, j’effectue un petit roulement de hanches qui est ma marque de fabrique et je continue de marcher vers elles en roulant les hanches. Kevin le barman me tend tout de suite un verre de tequila que je m’empresse de vider cul sec.
- Oui, scandent mes copines en applaudissant.
- Vas-y doucement quand même, on a toute la nuit devant nous.
Je secoue la tête et je souris, oui j’ai toute la nuit pour profiter une dernière fois de mes amis, de cet univers que je ne pourrais plus côtoyer.
- Tu as mis le show ce soir, crie Ève.
Ici, nous nous appelons toutes par nos noms de scènes, pour éviter d’être reconnues.
- Oui, j’avais décidé de tout donner pour faire plaisir à tous ces gaillards.
- Et tu as bien fait, tu étais fabuleuse, je ne les ai jamais vu aussi contents dit-elle en désignant du menton la foule derrière nous.
Je me tourne vers elle et je vois la quasi-totalité des regards masculins posés sur nous. Je lève mon verre vide dans leur direction et ils se mettent tous à applaudir.
- Tu vas tellement nous manquer, mais au moins, nous sommes contentes que tu aies décidé de changer de vie.
- Vous aussi les filles, vous allez tellement me manquer, je vous appellerai tout le temps pour avoir de vos nouvelles.
- Tu as intérêt me dit Aurore une autre danseuse du club.
- Et si on se commandait une bouteille de champagne ? Demande Chelsea ?
- Oui nous hurlons toutes en cœur.
- Et vous savez quoi ? C’est la maison qui offre.
- Encore mieux.
Nous prenons une bouteille de champagne, peut-être pas la meilleure, mais c’est du champagne quand même. De toute façon on ne va pas se faire prier, on a pas encore les moyens de s’offrir les champagnes les plus chers mais on sait quand même profiter de la vie. Avec mes copines, nous allons nous asseoir à une table, bouteille de champagne en main.
- Tu ne devrais pas boire dis-je à Chelsea.
- Ne t’en fait pas pour moi, un verre ne me fera pas de mal.
J’ouvre la bouteille sous les acclamations de mes amies, j’en renverse un peu sur tout le monde et nous nous mettons à danser, comme à chaque fois que nous avons fait un show incroyable et que nous avons gagné beaucoup d’argent. Je ferme les yeux et je repense à tout ce qui m’a amené ici, qui aurait pu le croire ? Je les ouvre pour ne plus avoir à penser à ça, surtout pas en ce moment où je suis avec toutes ces personnes que j’aime. Je regarde mes amies danser au rythme de la musique, j’ai du mal à croire que ce soir soit le dernier que je passe auprès de toutes ces personnes qui m’ont accueilli au sein de leur groupe comme si j’étais une des leurs. J’aurais beau me plaindre, mais cet endroit m’a aussi permis de rencontrer des personnes formidables qui en dehors du métier qu’elles font sont aussi de bonnes personnes. Chelsea vient s’asseoir près de moi en riant, elle me regarde, puis me serre dans ses bras.
- Je n’arrive pas à croire que tu partes dans quelques heures, tu vas me manquer, l’appartement sera vide sans toi.
Je lui souris et je pose ma main sur sa cuisse, elle aussi va énormément me manquer. Je l’ai rencontré quand j’allais au plus mal, j’avais mis mon appartement en hypothèque et j’étais sur le point de le perdre, alors pour avoir un peu d’argent, j’ai dû mettre une de mes chambres en location. Heureusement pour moi, car j’avais un appartement de deux chambres, d’ailleurs c’est elle qui m’a amené ici, elle a essayé de m’aider du mieux qu’elle pouvait. Grâce à Dieu, j’ai pu terminer de rembourser cette hypothèque. Cet appartement, ce sont mes parents qui me l’ont offert et j’ai failli le perdre, comme une idiote.
J’ai travaillé dur pendant trois ans pour pouvoir tout rembourser et je suis tellement fière d’y être parvenue toute seule. Sans l’aide de personne. En tout cas, tu vas beaucoup me manquer. L’appartement sera bien vide sans toi, je t’enverrais l’argent du loyer chaque mois sans faute.
- Mais je t’ai déjà dit que tu n’as pas besoin de faire ça, tout ce que je veux, c’est que tu en prennes soin comme s’il s’agissait du tien.
- Je te promets que je vais veiller sur lui.
- Ne t’en fais pas. Et si tu veux tu peux mettre ma chambre en location, te trouver un nouveau colocataire et bien sûr cet argent, tu le gardes pour toi. Tu mettras ces sous de côté pour ton bébé dis-je en touchant son ventre, tu pourras enfin arrêter de travailler ici. Tu ne l’as toujours pas dit à Vince ?
Il y’a de cela quelques mois, Chelsea, de son vrai nom Suzane a commis l’erreur de coucher avec Vince. Et cette petite erreur a entraîné de lourdes conséquences, elle se retrouve désormais enceinte et ne veut pas lui en parler, parce que selon elle, jamais il ne reconnaîtra sa paternité. Pourtant, moi je suis convaincue du contraire, Vince ferait un excellent papa. J’ai déjà vu cette lueur d’envie briller dans ses yeux à chaque fois qu’il voit un enfant et son père marcher dans la rue.
- Non dit-elle et je ne compte absolument pas le lui dire.
- Mais…
- Évitons de parler de ce sujet s’il te plaît, je n’ai pas envie de gâcher cette soirée. Vince n’est certainement pas prêt à devenir père. Viens plutôt danser avec moi dit-elle en m’entraînant sur la piste de danse.
- Non je n’en ai pas envie.
- Bien sûr que si.
Ma copine me tire au milieu de la piste et se met à se frotter contre moi. Je souris et je l’attrape je par les reins puis nous nous frottons l’une à l’autre comme des sangsues. Ce qu’il y’a de bien quand j’enfile cette perruque et ce maquillage est que je peux enfin être libre, libérée de toute cette pression que la société fait peser sur nous. Ici je peux être libre sans penser aux conséquences et j’adore ça. Même si c’est indécent, j’adore ça.
- Ne te retourne pas me dit Suzanne, mais il y’a un mec là-bas au coin qui n’arrête pas de te mater.
- Où ça ? Demandais-je en essayant quand même de me retourner.
- Je t’ai dit de ne pas te retourner dit-elle en éclatant de rire.
- Alors décris le moi.
- Il fait très sombre à l’endroit où il est assis.
- Alors comment sais-tu que c’est moi qu’il regarde ?
- Parce que ce genre de chose, ça ne s’ignore pas vois tu.
- Tu es complètement folle !
Toutefois, elle me fait tourner sur moi-même et ainsi me permet de regarder en direction de l’homme.
Effectivement, il y’a un homme assis dans un des salons VIP qui regarde dans notre direction mais il fait tellement sombre que je n’arrive pas à bien le distinguer. Mais à sa posture, à sa carrure, je me dis tout de suite qu’il doit être grand, mais alors vraiment très grand, il qu’il doit imposer le respect. Je me plais à l’imaginer musclé, brun ou blond peu importe, je n’ai pas de préférence, j’imagine des yeux bleus et ses mains tellement grandes, ce n’est pas parce que j’ai arrêté de faire confiance aux hommes que ça veut pour autant dire que j’ai arrêté de les désirer, aux contraires, je sais apprécier un bel homme quand je le vois. Soudain un faisceau de lumière éclaire l’endroit dans lequel il est assis et c’est là que je le vois, son regard est posé sur moi, un regard strict, dépourvu de toute émotion.
Je regarde ses mains qui sont aussi grandes que je me l’étais imaginée, d’une main il tient un verre qu’il tourne d’un geste lent et main est posée sur l’accoudoir du siège, son regard d’encre au mien et pendant quelques minutes, il me semble que plus rien n’existe, plus rien en dehors de lui, lui et lui seul. Il passe sa main libre dans ses cheveux, sans pour autant cesser de me regarder, un sentiment que je n’avais pas ressenti depuis bien longtemps renaît en moi et j’avale ma salive avec difficulté. Son geste est banal, mais tellement sensuel, je me surprends à me lécher les lèvres. Bordel ! Est-ce que c’est possible d’avoir autant de sex-appeal ?
On dirait qu’à lui seul, il éclipse tous les hommes présents dans la salle. La lumière s’éteint à nouveau et je perds le contact. Dans ma tête ça clignote, danger, danger dans ma tête, parce que oui, je suis facilement influençable, je me laisse berner par la beauté physique et ne me rends pas compte de la beauté morale. Alors que c’est celle-là la plus importante. Il faut que j’efface la vision de cette homme de ma tête, je me tourne vers Suzanne et je lui dis.
- Je vais me chercher un autre verre.
- D’accord crie t’elle.
Je tapote doucement son épaule et je me dirige ensuite vers le bar. Kevin me sert un verre et comme toujours, il essaye de me draguer. Mais quand va t’il enfin comprendre qu’il n‘est pas mon genre ? Je sais que mon expérience devrait me servir de leçon, mais c’est trop mal me connaître, j’affectionne particulièrement tout ce qui m’est interdit, j’aime les mauvais garçons, c’est comme ça, je n’y peux rien et Kevin est beaucoup trop gentil pour moi.
- T’aurais pas vu Vince ? Lui demandais-je.
- Si, il est dans son bureau.
- Merci.
Je prends le verre et je me dirige vers le bureau de Vince, je frappe deux coups discrets avant d’entrer, puis j’ouvre la porte et je trouve Vince au téléphone, il ne fait signe de m’asseoir et j’attends patiemment qu’il finisse, il dépose son téléphone puis lève la tête vers moi.
- Ma petite étoile.
- C’est mon dernier jour et tu t’enfermes dans ton bureau.
- Je sais, je suis vraiment désolé, mais le travail n’attend pas.
- Dis plutôt que tu évites Chelsea.
- Et ça aussi, dit-il dans un sourire.
- Mais quand est-ce que vous allez vous arrêter tous les deux ? Ça se voit que vous êtes complètement mordu tous les deux.
- Ton amie est la personne la plus tête de mule que je connaisse.
- Et toi aussi tu sais, vous devez juste vous asseoir et parler.
- Tu ne parviendras pas à me convaincre.
- Bien sûr.
Je me lève pour sortir, et quand je suis sur le point d’ouvrir la porte il me retient.
- Paméla ?
Je me tourne vers lui et je le regarde, il ne m’appelle jamais ainsi quand nous sommes au club, alors je comprends tout de suite que ce qu’il a à me dire doit être important.
- Un souci ? Demandais-je en me rasseyant.
- Non dit-il en baissant la tête.
- Alors qu’est-ce qu’il y’a ? Tu prends ta voix grave.
- Ce qui se passe c’est que je viens de recevoir un appel, d’un client dit-il au bout d’un moment.
- Et alors ?
- Il te veut toi, pour une danse privée.
- Oh non ! Ne me demande pas, c’était censé être ma dernière danse sur scène.
- Je sais, mais tu peux le faire. Non Ça te permettrait de mettre de l’argent de côté.
- Mais quel argent ? Trois cents, quatre cents euros ?
- Cinq mille dollars.
Je crache le contenu de ma bouche sur la table de Vince.
- Quoi autant ?
- Oui ! Il a payé dix mille dollars.
- Juste pour une danse ? C’est quoi le piège ? Il y’en a pas justement.
- Tu sais bien que jamais je ne te demanderais de faire ça si c’était aussi tordu.
- Mais personne ne paye dix mille dollars juste pour une danse.
- Si, les personnes riches qui n’ont pas les mêmes problèmes que toi.
- C’est totalement dingue.
- Tu pourras mettre de l’argent de côté pour ta nouvelle vie. Réfléchis-y, ça peut t’aider.
C’est vrai, une pareille somme serait pour moi une aubaine, surtout si les choses ne se passent pas comme je veux aux États-Unis, je pourrais toujours me servir de cet argent. La vie m’a beaucoup trop fait de mal pour que je me repose sur ce que j’ai. On parle de cinq mille dollars quand même. Je secoue la tête et j’accepte.
- Très bien, dit-il en me tendant une clé.
Je la regarde encore en hésitant quelques secondes, puis je la prends.