Chapitre 05
?LES CAPRICES D'ASSY
?Chapitre 0 5
Après une bonne nuit de sommeil, Assy s’était levée très tôt pour faire le linge de sa mère et de son jeune frère. C’était sa maman qui s’en occupait, mais avec ses arthroses, elle ne pouvait plus se baisser. Et dire qu’elle avait, pendant des années, fait le linge dans plusieurs familles. En y repensant, elle se disait que sa mère était vraiment brave car les quelques petits habits qu’elle devait laver l’épuisait. Après le linge, Assy entreprit d’aider Abdoulaye à faire ses devoirs. Il était intelligent le chenapan, mais tellement distrait. Ils ont fait ensemble les exercices sous l’œil attendri de mère Saly qui se préparait à sortir pour aller voir sa sœur malade.
Elle était partie depuis à peine une heure, quand Elhadj a frappé à la porte de la chambre. Assy était plongé dans ses cours et malgré qu’elle s’attendait à sa visite, ne pensait pas qu’il viendrait si tôt.
- slt chérie, dit-il en s’avançant lentement
- salut
Ils se sont regardé un moment, et il a souri trop content de la revoir.
- ou est ta mère ?
- elle est partie voir sa sœur dit-elle en se levant pour lui permettre de s’assoir sur le lit, à côté d’elle.
Comme si on l’avait délié, il l’a enlacé.
- tu sais que tu m’as manqué ma chérie, dit-il en déposant un petit bisou sur ses lèvres
Elle a essayé de le repousser. En vain
- arrête, n’importe qui peut entrer. Dit-elle
- et alors ?
Il a encore approché sa tête sur le point de l’embrasser, mais elle a tourné la tête.
- arrête elhadj…
Il a soupiré
- Assy, qu’est ce que tu as ces temps ci ? Je ne te comprends pas.
Cette fois, il a desserré son étreinte et elle s’est un peu éloignée
- justement, il faut qu’on parle Elhadj. Ça ne peut pas continuer comme ça. Tu devais me soutenir, mais au lieu de cela, chaque jour tu me crée des problèmes. j’en ai vraiment marre de tes crises de jalousie
- mais je ne te crée pas de problèmes. C’est un problème de te demander ce que tu fais ? Ou de te demander de m’appeler ? tu devrais être contente que je m’inquiète autant pour toi.
- non, mais pas comme ça. Je ne peux pas passer tout le temps à t’appeler je t’ai expliqué mon travail et tu sais que je dois aussi étudier. Donc s’il te plait, évite de me prendre la tête pour des futilités.
Il a soupiré. C’est vrai qu’elle avait l’air fatiguée, mais il avait besoin d’avoir de ses nouvelles tout le temps…
- Hier tu m’as appelé 35 fois…
- sans réponse
- oui, mais 35 fois. Tu te rends compte. C’est à la limite de la paranoïa. J’ai besoin de me concentrer sur mes études, de réviser. Quand je reviens après une semaine de travail, j’ai envie d’être un peu en famille. Tu peux comprendre cela quand même.
Il l’a regardé, un peu étonné qu’elle lui parle comme cela. Elle ne l’avait jamais tancé de cette manière. Non, elle n’avait jamais osée. Mais là, non seulement, il devait reconnaitre qu’elle avait peut être raison, mais en plus, il se rendait compte qu’elle commençait vraiment à grandir et à réclamer un peu de liberté. Liberté qu’il n’était pas disposé à lui donner.
Son silence a du la rendre un peu mal à l’aise, car elle a changé de ton et lui a pris les mains
- Il me reste à peine 2 mois avant le bac. Je dois m’y mettre. Je n’ai pas le temps de gérer les sautes d’humeur. Tu dois me faire confiance, Elhadj. Je t’aime et je ne ferais rien qui puisse te fâcher.
Il l’a regardé un peu inquiet
- en tout cas tu me parles comme si tu le faisais avec ton petit frère. Assy, parfois je ne te reconnais plus.
Elle a baissé la tête. Comme il le pensait, elle a eut honte.
- regarde-moi Assy. Je te comprends. Mais toi aussi comprend que je t’aime et je ne peux pas m’en empêcher.
- mais…
- non écoute moi. Je te promets de ne plus te harceler comme cela le temps que tu termine tes examens, mais il faut aussi me promettre de donner souvent de tes nouvelles. En plus, il faut vraiment qu’on songe à se marier. Comme cela, je serais sure que tu ne seras qu’à moi ma chérie.
Il disait cela en s’approchant dangereusement d’elle et elle l’a laissé posé lentement ses lèvres sur les siennes. Comme elle ne bougeait pas, il a un peu appuyé, titillant légèrement ses lèvres du bout de la langue pour la faire réagir. Mais elle s’est reculée
- on verra quand j’aurais mon bac, dit-elle sourdement.
Ils ont continué à discuter légèrement, Assy lui racontant sa semaine et les bêtises de Sophie tandis qu’Elhadj aussi lui disait les misères que lui faisaient subir ses élèves. Il lui fit part aussi de sa rencontre avec un édile politique de la zone. Ce dernier lui avait fait plein de promesses. Elhadj était très dégourdi et savait que pour réussir, il fallait aussi s’entourer des bonnes personnes. Mr Mbaye, lui avait promis un poste de responsabilité s’il l’aidait à gagner la mairie de la ville.
- Elhadj, laisse tomber la politique toi aussi. Ça ne t’amènera que des problèmes. Lui conseilla Assy, qui ne voyait pas d’un bon œil l’implication de son chéri dans ses activités.
- tu sais de nos jours, il le faut pour être dans le système. Je n’ai pas envie de m’éterniser dans ce métier. Je gagne à peine de quoi me faire vivre convenablement. Et toi, je veux t’offrir le meilleur.
- mais tu m’avais dit que tu voulais faire le concours de…
Il l’a interrompu en lui disant qu’il ferait tous les concours, mais il lui fallait aussi une petite issue de secours au cas où toutes ces portes se refermeraient.
- je vais prier pour toi mon cœur. Ta réussite est aussi la mienne…dit-elle en l’enlaçant.
Elle aimait bien ses moments ou ils se projetaient dans l’avenir. Elle savait qu’il tenait vraiment à elle. Et c’est pourquoi elle ne faisait pas attention quand Khady, ou fatou ou même Dina lui faisaient des remarques sur son chéri. Elle était convaincu qu’un jour ça ira pour eux.
Pour le moment, elle se devait de le comprendre. Elle savait qu’il était soutien de famille et se devait de réussir. Et elle était prête à le soutenir. Il l’a invité à aller se promener à la plage, mais elle a décliné en disant que sa maman n’était pas là pour demander la permission et elle n’osait pas partir comme cela. Donc ils sont restés dans la chambre et Elhadj profitait de toutes les occasions pour lui voler de petits baisers, la faisant rire nerveusement de peur qu’on ne les surprenne. Il avait tellement envie d’elle, elle était tellement désirable. Mais il se contentait de ce qu’elle lui donnait pour le moment. Il attendrait patiemment qu’elle ait le bac pour proposer le mariage à sa mère. Encore une fois. Il en avait déjà parlé à sa sœur. Mais cette dernière lui conseillait plutôt d’attendre d’avoir une meilleure situation. De toute façon, il n’avait pas vraiment le choix.
Plus tard, alors que son chéri était partie et qu’elle avait replongé dans ses cours, elle reçut un coup de fil de Khady, sa meilleure amie qui n’habitait pas loin et qui se plaignait qu’elle ne soit pas passé la voir ce weekend. Elles sont restées à discuter un moment et Assy lui a raconté la visite d’Elhadj. Comme d’habitude, Kady s’est mis à le critiquer. Mais Assy a tenu à le défendre surtout qu’il venait de la rassurer et de lui faire pleins de promesse par rapport à leur avenir. Khady tenait à lui présenter un de ses cousins qui avait complètement craqué sur Assy. Mais cette dernière n’était pas intéressée. Et pourtant, il avait une très bonne situation. Donc ce fut une vraie conversation de sourde ou chacune campait sur ses positions.
Elle s’est encore replongé sur ses cours jusqu’à l’arrivée de sa mère et elles se sont mises à discuter de tout et de rien. Elles sont restées tard à parler et à rigoler des petites histoires de voisinage qui se passent chaque jour dans ce populeux quartier.
Comme chaque Lundi, Nafi était obligé d’attendre un peu l’arrivée d’Assy pour pouvoir se recoucher et se débarrasser de sa fille. Sophie se réveillait tôt et venait la déranger dès que son père partait travailler. Elle ne supportait pas cet enfant. Elle a eu du mal à admettre que sa fille n’était pas normale, n’était pas comme les autres enfants. Sur le plan physique, tout allait bien. Elle a rampé, marché comme les enfants de son âge. En plus elle était tellement jolie. Mais quand il a fallu parler, ou même dire maman ou papa, c’est là qu’elle s’est rendu compte qu’il y avait quelque chose qui clochait. Bien sur, elle le remarquait sans oser le dire et il a fallut qu’un jour, sa mère lui dise carrément qu’elle devait amener sa fille voir un marabout car elle n’était pas normale, pour qu’elle redescende sur terre et se rendre à l’évidence. Oui, sa fille n’était pas normale. Elle l’a mal pris. Et a tout mis sur le dos de son mari. C’est vrai dans leur famille, il n’y a jamais eu de problème de ce genre tandis que du côté d’Ibrahima, il a un de ses frères qui se trouve en Mauritanie et qui a les mêmes troubles que Sophie. Donc c’est de sa faute. Et elle ne s’est pas gênée pour lui dire qu’il avait refilé ses mauvais gènes à sa fille. Ces accusations affectaient beaucoup Ibrahima qui pour combler cela les couvait d’attention et d’amour. Mais le mal était déjà fait. Elle avait un enfant déficient mental. Dans son milieu, c’était mal vu. Donc elle le cachait. Ses amies avaient des enfants normaux, intelligents, alors que la sienne ne comprenait même pas quand on lui parlait. Terrible.
- Bonjour tata. Désolé, mais j’ai eu du mal à trouver un car…
Assy venait d’arriver. Elle l’a regardé furieusement sans répondre à son salut, avant de lui laisser Sophie qui s’était jeté dans ses bras et retourner dans sa chambre. Assy. Heureusement qu’elle était là. Il fallait quand même reconnaitre qu’elle aimait Sophie et s’occupait bien d’elle. Mais elle arrivait à l’énerver cette petite. Trop belle, trop mystérieuse, avec son air de chien battu qu’elle affichait en permanence, comme si elle avait le poids du monde sur ses épaules. Au début, ses amies qui la voyaient lui disaient qu’elle n’était pas là pour travailler. Une si jolie fille ne fait pas ce genre de travail. Non elle était venue pour son mari. Et elle les a observés pendant des mois. Mais non, Ibrahima ne la regardait même pas. Ibrahima était comme cela. Il n’aimait pas discuter, se familiariser avec le personnel. Et après des mois à les observer, elle a su que vraiment il n’y avait pas de quoi s’inquiéter.
- ma chérie, tu m’as manqué…dit Assy en serrant Sophie dans ses bras.
Cette dernière a souri de toutes ses dents lui serrant le cou à l’étouffer. Comme tous les jours, elle s’est attelé à la laver et la faire manger. C’est à ce moment que tata Nafi est sorti pour aller à son atelier. Assy ne pouvait s’empêcher de l’admirer. Elle était tellement belle avec son long tissage en cheveu naturel, son maquillage sophistiqué, ses longs ongles bien manucurés, ses magnifiques chaussures et son sac qui devait surement couter très chères. Oui, tata Nafi était très belle quand elle se maquillait. Avec tonton Ibrahima, ils formaient vraiment un beau couple.
- assy, viens je veux te parler.
Elle s’y attendait. Elle savait qu’elle lui en voulait et comme elle était très franche, elle allait l’appeler pour lui tirer les bretelles. Encore une fois.
- Assy, tu sais que je te considère comme ma sœur et que je fais beaucoup d’effort avec toi ; mais tu dois surement penser que puisque tu t’occupes bien de Sophie, je ne peux pas me séparer de toi. Mais tu te trompes. Ces temps ci tu n’en fait qu’à ta tête et ça commence à m’énerver. Si tu veux rester, il va falloir que tu changes. C’est compris…
Assy avait les larmes aux yeux. Et pourtant, elle devait être habituée à tout cela. Mais non. Ça faisait toujours mal. Sans rien dire, elle s’est contentée d’hocher la tête sans un mot.
- tiens ton argent. Dit-elle en lui tendant des billets de banque. La dernière fois tu as cassé mon vase qui m’avait couté une fortune. Plus que tes deux mois de salaire. Mais je ne suis pas méchante. Je vais te prélever 5000 chaque mois pendant quelques temps. Il faut aussi que tu comprennes que tu ne peux pas tout te permettre dans cette maison.
Elle a hésité à prendre cet argent. Décidemment, elle ne comprenait plus rien. Tonton Ibrahima lui avait remis de l’argent la dernière fois. Mais elle n’osait pas le dire à tata. Comme elle hésitait, tata Nafi l’a mal interprété
- quoi, tu ne prends pas parce que je t’ai prélevé de l’argent. Assy tu es effrontée…tu me casse un vase d’une valeur de presque 100 milles, je te prélève 5000 tu boudes. Si tu ne prends pas rapidement, je te jure que tu n’auras rien ce mois ci…
- Non, tata. Excuse-moi.
Cette fois elle s’est empressée de prendre les sous, avant d’aller vaquer à ses occupations, l’esprit ailleurs. Elle ne comprenait pas. Pourquoi tonton Ibrahima lui avait remis de l’argent ? C’était bien la première fois que cela arrivait et elle aurait du se douter que ça n’était pas normal. C’était toujours tata Nafi qui leur remettait leur paie. Elle se demandait quand est ce qu’elle trouverait l’occasion de lui parler car il devait lui expliquer tout cela. Mais, tous les soirs, il rentrait parfois tard et restait au salon à lire ou à discuter avec sa femme. Mais elle était bien décidée à lui rendre son argent. Elle ne voulait pas de problème. Si jamais Tata Nafi s’en rend compte, ça aller chauffer grave pour elle.