Chapitre 5
**Chapitre 5 : Secrets et Désirs**
Alexander se tenait devant le grand miroir en pied de sa chambre, observant son reflet avec une intensité presque inquiétante. Son visage, habituellement impassible et maître de ses émotions, trahissait aujourd’hui une inquiétude palpable. La lumière matinale se faufilait à travers les lourds rideaux de velours, jetant des ombres vacillantes sur les murs richement décorés de sa chambre.
Il passa une main tremblante sur son visage et soupira. Depuis son arrivée à la propriété des Davidson, il n’avait cessé de jongler entre deux identités : celle d’Alexander, le fils d’un noble exilé, et celle d’Alex, le simple jardinier. Chaque jour passé avec Emma rendait cette dualité de plus en plus insupportable. Comment pourrait-elle lui pardonner s’il lui avouait la vérité ? S’il lui révélait qu’il n’était pas simplement Alex, le jardinier au sourire charmeur et aux mains calleuses, mais Alexander de Beaumont, héritier d’une lignée noble tombée en disgrâce ?
La porte de sa chambre s’ouvrit doucement, interrompant ses pensées. C’était Henry, le majordome de la famille Davidson, un homme discret et d’une loyauté indéfectible. Son visage, marqué par les années de service, exprimait une certaine gravité.
« Bon matin, monsieur, » salua-t-il avec une légère inclination de la tête. « Je viens vous rappeler que Mademoiselle Emma vous attend dans le jardin. »
« Merci, Henry, » répondit Alexander, essayant de dissimuler son trouble sous un masque de calme. « J’y vais immédiatement. »
En descendant les escaliers et traversant le grand hall, Alexander ne pouvait s’empêcher de se remémorer les moments passés avec Emma. Chaque éclat de rire, chaque regard échangé, et chaque discussion partagée ne faisaient qu’intensifier ses sentiments pour elle. Mais ces mêmes sentiments le plongeaient aussi dans une profonde tourmente. Emma était d’une sincérité désarmante, une pureté que ses mensonges risquaient de souiller.
Lorsqu’il arriva enfin dans le jardin, il aperçut Emma au loin, penchée sur un parterre de roses qu’ils avaient plantées ensemble quelques semaines plus tôt. Elle portait une simple robe blanche qui contrastait avec les couleurs vives des fleurs, et ses cheveux étaient relevés en un chignon négligé, laissant échapper quelques mèches rebelles. Elle semblait absorbée par son travail, chantonnant doucement une mélodie que lui avait apprise sa mère.
« Bonjour, Emma, » dit Alexander en s’approchant, forçant un sourire.
Emma se redressa et lui sourit en retour, ses yeux verts brillants de joie. « Alex ! Tu es là ! Regarde comme les roses ont bien poussé ! »
« Oui, elles sont magnifiques, » répondit-il, admirant non seulement les fleurs, mais aussi la jeune femme devant lui.
Ils passèrent la matinée à travailler côte à côte, discutant de tout et de rien. Pourtant, une tension sous-jacente s’installait entre eux, une tension qu’Alexander ressentait de plus en plus intensément. Il savait que son secret devenait trop lourd à porter, mais il ne pouvait se résoudre à le révéler.
« Alex, » dit soudain Emma, rompant le silence. « Il y a quelque chose que je voulais te dire. »
Alexander sentit son cœur s’accélérer. « Oui ? Qu’est-ce que c’est ? »
Emma hésita un instant, mordillant sa lèvre inférieure. « Je… je ne sais pas vraiment comment l’exprimer. Depuis que tu es arrivé ici, je me suis sentie différente. Plus heureuse, je suppose. Comme si ta présence rendait tout plus lumineux, plus… supportable. »
Les mots d’Emma pénétrèrent profondément le cœur d’Alexander, mêlant bonheur et angoisse. Il voulait tant lui dire qu’il ressentait la même chose, mais comment pourrait-il le faire sans révéler son secret ?
« Emma, » commença-t-il, cherchant les mots. « Il y a quelque chose que je dois te dire aussi. »
Elle leva les yeux vers lui, l’espoir brillant dans son regard. « Oui, Alex ? »
Mais au moment où il allait parler, un bruit soudain les interrompit. Un messager à cheval arrivait en trombe dans l’allée du jardin, s’arrêtant devant eux dans un nuage de poussière.
« Mademoiselle Emma ! Monsieur Alexander ! Une lettre urgente pour vous ! »
Le cœur d’Alexander rata un battement. Le messager connaissait son véritable nom. Il attrapa la lettre, la dépliant fébrilement. Ses yeux parcouraient rapidement les lignes manuscrites, et son expression se durcit.
« Qu’est-ce que c’est ? » demanda Emma, inquiète.
« Rien… rien d’important, » mentit Alexander en repliant précipitamment la lettre. « Juste des affaires de famille. »
Emma le regarda, visiblement perplexe et troublée par son comportement. « Alex… Alexander, je veux dire. Pourquoi le messager t’a-t-il appelé ainsi ? »
Alexander ferma les yeux, sentant la panique monter. Le moment de vérité était arrivé, mais il n’était pas prêt. Pas ici, pas maintenant.
« Emma, je… Je t’expliquerai tout, je te le promets. Mais pas maintenant. Je dois d’abord régler quelque chose d’urgent. »
Avant qu’elle ne puisse protester, il s’éloigna rapidement, laissant Emma debout, confuse et blessée.
La journée passa dans un brouillard de préoccupations et de préparatifs pour Alexander. Il savait que le moment était venu de mettre fin à la mascarade. Il devait se confronter à son passé et faire face aux conséquences de ses actions. Le soir venu, il retourna dans le jardin, espérant trouver Emma pour lui parler.
Elle était là, assise sur le banc de pierre, regardant les étoiles. Son visage était triste, et elle ne leva même pas les yeux lorsqu’il s’approcha.
« Emma, » dit-il doucement, s’asseyant à côté d’elle. « Je suis désolé pour ce qui s’est passé ce matin. J’aurais dû être honnête avec toi depuis le début. »
Elle le regarda enfin, ses yeux pleins de questions et de douleur. « Pourquoi ne m’as-tu pas dit la vérité ? Qui es-tu vraiment, Alex ? »
Il prit une profonde inspiration, sentant le poids des mots qu’il allait prononcer. « Je suis Alexander de Beaumont. Mon père était un noble, mais nous avons été exilés après un scandale. Je me suis caché ici en tant que jardinier pour échapper à ceux qui nous poursuivent. »
Emma resta silencieuse, digérant l’information. « Et pourquoi es-tu resté ici ? Pourquoi ne m’as-tu pas fait confiance ? »
« Parce que je suis tombé amoureux de toi, » avoua-t-il enfin, la voix brisée par l’émotion. « Et j’avais peur que tu me rejettes si tu savais la vérité. »
Emma le regarda, les larmes aux yeux. « Alex… Alexander, je veux dire. Ce n’est pas ta noblesse ou ton passé qui m’intéresse. C’est toi. Mais je déteste le mensonge. Comment pourrais-je te faire confiance à nouveau ? »
Alexander sentit son cœur se briser. « Je comprends, Emma. Et je ferai tout pour regagner ta confiance, si tu me laisses une chance. »
Elle hocha doucement la tête. « Je ne sais pas, Alex. Je ne sais vraiment pas. Donne-moi du temps. »
Alexander acquiesça, respectant son souhait. Il savait que le chemin vers le pardon serait long et ardu, mais il était prêt à tout pour regagner l’amour et la confiance d’Emma. Tandis qu’ils restaient assis côte à côte sous le ciel étoilé, l’avenir semblait incertain, mais Alexander se sentait plus déterminé que jamais à affronter les secrets et les désirs qui les séparaient.